1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 11/ Edouard Mazé (1924-1950)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère:

38/ Edouard Mazé (1924-1950)

Ouvrier du bâtiment ; militant de la CGT à Brest (Finistère).

Frère du secrétaire général du syndicat CGT du bâtiment de Brest (manoeuvre chez Sainrapt et Brice), Édouard Mazé fut tué par les forces de l’ordre d’une balle en pleine tête lors de la manifestation du 17 avril 1950 à Brest.

Presque entièrement détruite en 1944, encore un énorme chantier de reconstruction en 1950, Brest vit de plein fouet les tensions de la guerre froide en pleine guerre d’Indochine.

Au mois de janvier avait déjà eu lieu dans le Finistère la grève des carriers d’Huelgoat, rejoints par les marins-pêcheurs qui protestent contre les importations de poissons puis par les fonctionnaires de Brest qui réclament le maintien de l’indemnité qui leur est versée au titre de « ville sinistrée ».

« Le 19 mars, ce sont plus de 5 000 ouvriers du bâtiment qui entrent à leur tour en grève, afin d’obtenir une augmentation de salaire. Ils sont bientôt suivis par les dockers du port de Brest et, peu à peu, la cité finistérienne prend des allures de forteresse assiégée par la grève générale.  Elle durera plus d’un mois et sera sanglante.

Les manifestations se succèdent devant un impressionnant déploiement de forces de police jusqu’à la tragique journée du 17 avril 1950 : une fusillade éclate et Edouard Mazé, 26 ans, frère du secrétaire du syndicat du bâtiment, affilié à la CGT, s’effondre. Au final, le bilan est très lourd : un mort, de nombreux blessés dont certains gravement, à l’image de Pierre Cauzien, qui est amputé d’une jambe cinq jours plus tard. Edouard Mazé devient instantanément un emblème de la répression policière et se forge autour de lui une mémoire d’autant plus vive que l’enquête diligentée aboutit à un non-lieu » (Erwan Le Gall, site internet En Envor).

Sa mort provoqua un grande émotion et fait partie de la mémoire ouvrier de la ville et de la région. Ses obsèques ont lieu le 19 avril 1950. Un cortège accompagne les proches de l’ouvrier sur la tombe duquel figure l’épitaphe « Mort pour le pain, la paix et la liberté ». L’enquête lancée à la suite de ce drame, au cours duquel un autre militant, Pierre Cauzien, est grièvement blessé, a abouti à un non-lieu.

Le cinéaste finistérien René Vautier, 20 ans, communiste, tout jeune auteur du brûlot anti-colonial « Afrique 50 »,  se rend clandestinement à Brest à la demande de la CGT pour relater cette fin tragique dans son film Un Homme est mort (film disparu, mais à l’époque projeté 88 fois dans les rues de Brest, la 89e projection lui ayant été fatale), dont le titre et l’histoire ont été repris par une belle bande dessinée de Kris et Davodeau (Futuropolis, 2006), base d’un long métrage d’animation de Olivier Cossu sorti en 2017.

Ce titre « Un homme est mort » est emprunté à un poème d’Eluard en hommage au journaliste de L’Humanité et militant communiste Gabriel Péri, fusillé par les Nazis:

Un homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oubli

Car tout ce qu’il voulait
Nous le voulions aussi
Nous le voulons aujourd’hui
Que le bonheur soit la lumière
Au fond des yeux au fond du cœur
Et la justice sur la terre

Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur le mot confiance
Amour justice et le mot liberté
Le mot enfant et le mot gentillesse
Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits
Le mot courage et le mot découvrir
Et le mot frère et le mot camarade
Et certains noms de pays de villages
Et certains noms de femmes et d’amies
Ajoutons-y Péri
Péri est mort pour ce qui nous fait vivre
Tutoyons-le sa poitrine est trouée
Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux
Tutoyons-nous son espoir est vivant.

Paul Éluard

Après les grèves du bâtiment de 1950 et la mort d’Edouard Mazé le 17 avril 1950, le député communiste de Brest Gabriel Paul, ami  de Pierre Cauzien, a accompagné la grande grève des travailleurs de l’Etat en 1951 et joué un rôle décisif à l’Assemblée Nationale pour la promulgation du décret du 22 mai 1951 qui alignait les salaires des travailleurs de l’Etat sur ceux des métallurgistes de la région parisienne. 1950 fut, dans le contexte de la lutte contre la guerre d’Indochine, des mouvements ouvriers et populaires dans un climat d’exaspération sociale liée à la misère, et de guerre froide, une période d’anti-communisme d’État très violent: ainsi les députés communistes du Finistère, Alain Signor et Marie Lambert, furent emprisonnés cette année-là pour avoir manifesté contre la guerre d’Indochine, comme Jacques Duclos, lui-même, pourtant figure de la résistance.

 

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