1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 19/La résistance FTP à Morlaix: le témoignage d’Eugène Le Luc .

le 8 août 1944, Morlaix est libérée. Les autorités organisent une remise de diplômes FTPF en présence notamment d’Eugène Le Luc, quatrième en partant de la gauche, de Mme Coquin, la marraine de Tanguy-Prigent, et de M. Masson, maire de Morlaix. (photo Le Télégramme)

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

19/ La résistance FTP à Morlaix: le témoignage d’Eugène Le Luc .

La résistance FTP à Morlaix: le témoignage d’Eugène Le Luc recueilli par le Télégramme et Jeannine Guichoux (mémoire universitaire)

 

Eugène Le Luc, la mémoire des résistants morlaisiens

Article du Télégramme, publié le 5 mai 2001, avec le témoignage d’Eugène Le Luc, responsable du réseau FTP « Justice » de Morlaix

« Réhabiliter la mémoire des résistants fusillés durant la Seconde guerre mondiale ». Dernier survivant du groupe de résistants du pays de Morlaix, Eugène Le Luc y pense sans cesse. Témoignage d’un homme qui, en compagnie de ses camarades, a combattu l’occupant allemand au péril de sa vie.

A la veille du 56 e anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, Eugène Le Luc, aujourd’hui âgé de 80 ans, n’a rien oublié de son passé de résistant. Et lorsqu’il en parle, c’est avec beaucoup de passion et d’émotion. Ce Morlaisien pure souche vient tout juste d’atteindre la vingtaine d’année lorsqu’il décide de s’engager dans la Résistance. «Voir les Allemands défiler avec leurs grandes bottes dans les rues de Morlaix, le drapeau nazi e t la croix gammée flotter sur la mairie, ça me glaçait. Il fallait faire quelque chose».

Des tracts aux sabotages 

Au début de l’année 1942, avec son ami horloger morlaisien, Georges Frelin, il lance les bases de la résistance sur le pays de Morlaix, en créant un groupuscule d’exécution et de sabotage qui deviendra le groupe « Justice». Tracts et journaux clandestins dénonçant les collaborateurs font immédiatement sensation. Ils sont très vite suivis par des actes tous azimuts : sabotage de lignes téléphoniques, de voies ferrées, attentats contre les dépôts de munition allemands ou contre les écluses de Morlaix, pour n’en citer que quelques-uns. Tout était bon pour contrer l’occupant. «On a dévalisé plusieurs camions allemands remplis de vêtements», raconte Eugène. Le cambriolage des mairies de Ploujean, Plourin, Henvic et Commana figure aussi à leur tableau de chasse. «On y récupérait des tickets d’alimentation et le matériel pour fabriquer de faux papiers d’identité».

«On en a caché beaucoup»

En 1944, fort désormais de 24 hommes, le groupe «Justice», émanation des francs tireurs et partisans français (FTPF), est désormais bien organisé. Il s’applique également au camouflage de familles juives et de réfractaires, principalement dans les fermes. «On en a caché beaucoup dans le canton de Sizun», explique Eugène. Avec ses amis, notamment le docteur Léon Le Janne, dit le commandant Noël, président des maquisards et résistants de l’arrondissement, il va constamment se battre pour la liberté de son pays. Jusqu’à la libération de Morlaix, le 8 août 1944.

A leur mémoire 

Aujourd’hui, il demeure le dernier survivant du groupe de résistants du pays de Morlaix. Avec l’aide de sa fille, c’est en mémoire de ses amis fusillés ou disparus depuis la guerre qu’il témoigne, notamment dans les écoles. «Pour que chacun sache bien ce qu’il s’est réellement passé à Morlaix. Pour que l’honneur des 14 membres du groupe « Justice» morts pour la France ne passe pas aux oubliettes.

 

Le Télégramme

J’ai lu tout dernièrement un mémoire intéressant présenté par Jeannine Guichoux, fille d’enseignants de St Martin des Champs, à la faculté des lettres et sciences humaines de Brest sous la direction de Monsieur Néré en 1970. Ce mémoire ne pouvait s’appuyer sur les archives (non déclassifiés à l’époque) mais il s’est appuyé sur des témoignages et des documents originaux.

Morlaix est occupée par les Allemands le 19 juin 1940. Les éléments motorisés allemands arrivent par la Madeleine, puis la rampe St Nicolas, la place Cornic et le quai du Léon, après que le pont de Trevidy sur la route de Paris ait été partiellement démoli. Le 20 juin à minuit, l’heure allemande est instaurée. Le couvre-feu est édicté entre 23h et 5 heures du matin dans un rayon de 10 km autour de Morlaix, avec interdiction de circuler sauf laisser-passer exceptionnels de la Kommandantur.

Le lundi 24 juin, le drapeau à croix gammée fut hissé sur l’hôtel de ville.

Le 8 juillet, les commerçants se voient contraints d’accepter les paiements en monnaie allemande. L’armée allemande ne tarde pas à vider les magasins. Peu à peu, toutes les denrées sont rationnées: tabac, pain, vin, charbon, bois. Le beurre et la viande seront très vite introuvables sur le marché.

Le 23 juillet, la kommandantur ordonne de céder à l’armée allemande toutes les chambres à coucher non utilisées, puis le 13 août, ce sont les maisons et appartements inoccupés qui sont mis à disposition de force de l’armée d’occupation allemande en fonction de ses besoins.

La Kreiskommandantur de Morlaix était dirigée au départ par le commandant Radowki, puis par le commandant Klein, sarrois d’origine et juriste, remplacé ensuite par un dénommé Keller, beaucoup plus dur.

Les Allemands occupaient à Morlaix, précise Jeannine Guichoux, de nombreux bâtiments:

–  l’Aussenstelle (les postes extérieurs) et le Standartaelteste rue de Brest

– la Feldgendarmerie quai de Léon face au pont tournant avant la rue Villeneuve

– le siège du Soldatenheim (foyer du soldat) dans les salons Quiviger rue de Brest, puis, après l’attentat et l’incendie du 24 décembre 1943, à l’hôtel de l’Europe

– la Kriegsmarine quai de Tréguier face au pont tournant

– la cantine du Modern’café: place Thiers (place des Otages actuelle) au pied du Viaduc côté gauche par rapport à la mairie

– l’état-major au collège des garçons

A Morlaix, les premières inscriptions à la peinture rouge apparaissent dès la fin 1940. On y lit à différents endroits de la ville: « A bas les traîtres de Vichy », « Thorez au pouvoir », « Vive de Gaulle ».

La fondation du groupe FTPF à Morlaix remonte à juin 1942.

Jeannine Guichoux reprend le témoignage d’Eugène Le Luc:

« Ce fut à cette date, nous a dit Eugène Le Luc, morlaisien, que je fis la connaissance de William et de Bob. Le réseau des Francs-Tireurs et Partisans Français, dont l’existence se signala dès septembre 1941, nous avait annoncé l’arrivée à Morlaix de deux chefs venant de Paris pour y former un groupe de résistance. Au jour et à l’heure indiquée, je m’étais donc rendu à la gare. Deux jeunes gens passèrent devant moi, et firent le signal convenu. Je m’avançais; il n’y eut pas de longues présentations. William et Bob transportaient des grenades, des mitraillettes et des revolvers. J’ai d’abord caché les chefs dans un hangar de la ville.

Comme le réseau des FTP préconisait l’action à outrance, William me chargea de recruter tous les jeunes gens susceptibles d’entrer dans notre groupe. Nous étions d’abord quatre qui assistions à une réunion organisée par Mr Caron, dit William, dans un local mis à notre disposition par Me Mahéo.

Etaient présents: Caron (William Henri)

Fontet Robert, dit Bob

Le Luc (Eugène) de Ploujean

Frelin (Emile) horloger à Morlaix, et des inconnus étrangers à Morlaix, dont William répondait.

Au cours de cette réunion, il fut décidé que les premières missions du groupe Justice consisteraient à faire de la propagande patriotique. Des tracts, tapés à la machine à écrire, au domicile de M. Frelin, furent distribués, et devinrent par la suite un petit journal régulier, ayant pour titre « Le Combattant ».

« Des indiscrétions furent commises et la personnalité de Mr Frelin faisant l’objet de commentaires fâcheux risquant d’être captés par les services de la police de l’occupant, il fut décidé que la machine à écrire serait provisoirement placée chez un membre du groupe, possédant une chambre meublée, chez M. Sillau, au lieu-dit « Pont-Bellec », en St Martin des Champs.

Notre quartier général se trouvait chez Mme Mahéo, 3, Place Thiers, chez laquelle nous entrions par le four St-Mélaine. C’est là que William et Bob avaient leur chambre gratuitement depuis octobre 1943.

Venelle du Four St Mélaine, donnant sur la place Thiers en 1943 (actuellement place des Otages)

Nous nous réunissions aussi chez Mr et Mme Le Bras, au café-restaurant Le Viaduc, Place Cornic, et aussi au café de Mme Coquin. Ces gens nous encourageaient dans notre lutte, contre les Allemands, et nous donnaient bien souvent des renseignements forts utiles. La police morlaisienne aussi, nous aidait beaucoup.

Les Allemands ne tardèrent pas à sentir les premiers agissements de notre section. Nous avions en effet commencé par les attaquer pour récupérer leurs armes et nous avons entrepris le sabotage systématique des voies ferrées. Nous fûmes bientôt 15 dans le groupe, ce qui nous permet d’étendre nos opérations ».

(Témoignage d’Eugène Le Luc, cité par Jeannine Guichoux).

Résumé des principales actions du groupe Justice

« Sous l’impulsion de William, poursuit Jeannine Guichoux p 71 de son mémoire, chef du groupe, de nombreuses fausses cartes d’identité, destinées aux réfractaires du STO et plus tard, aux maquisards, furent établies. Un cachet disparu du commissariat de Morlaix servit à établir de faux documents.

Un service de placement pour les réfractaires, et plus tard pour les maquisards, fut créé. Le responsable de ce nouveau service fut Eugène Le Luc, qui devint par la suite, recruteur de volontaires pour les coups de main.

Le premier acte de sabotage, effectué sans armes par quelques hommes du groupe, fut exécuté au cours d’une nuit d’octobre 1942. Les moteurs de quatre camions allemands garés sur la place du Pouliet, à Morlaix, furent gravement détériorés à grands coups de masses.

En janvier 1943, la famille Athem, d’origine juive, fut camouflée par le groupe Justice et placée à St Sauveur munie de faux papiers.

En février et mars 1943, une trentaine d’hommes, réfractaires du S.T.O ou recherchés par la police d’occupation vinrent grossir les rangs du groupe et chercher un refuge qui leur fut procuré. En présence de ces effectifs, il fut décidé que les attaques et les coups de main allaient commencer.

En avril 1943, deux soldats allemands attardés furent attaqués sur le territoire de la commune de St Martin des Champs. Leurs mitraillettes constituèrent un armement précieux.

En mai 1943, après avoir récupéré les deux jeux de clefs de la gare de Plouigneau, le groupe Justice se proposa de se livrer au sabotage des voies ferrées. Mais ces opérations ne purent être menées à bien à cette époque.

En juin 1943, « récupération » de bottes de cuir et en caoutchouc destinée à la Wehrmacht , et aux chantiers Todt dans un wagon stationné en gare de Morlaix.

En juillet 1943, « récupération » sans effusion de sang d’un fusil sur un soldat allemand en sentinelle à la gare de Morlaix.

Août 1943: William se déplace à Paris, Rennes, Quimper, Lamballe, St Brieux, Brest, etc. , établissant la liaison avec de nombreux chefs de la résistance FTP, et organisant un groupe de résistants à Plédeliac, près de Lamballe.

Septembre 1943: attaque surprise d’une patrouille allemande de 4 hommes sur la Nationale 12 (Paris-Brest) sur la commune de Plouigneau. « Récupération » de fusils et de grenades après la fuite des Allemands qui disparurent à bicyclette sans combattre.

Octobre 1943: M. Messager, secrétaire de police à Morlaix, est contacté par William. Par la suite, le commissaire Le Du et les inspecteurs de la sûreté, suivirent son exemple, ainsi que le brigadier Charles, et de nombreux gardiens de la Paix. Le groupe fut ainsi doté d’un service de renseignements efficace et indispensable. En accord avec William, il fut décidé que les jeunes français désignés d’office par le STO seraient avertis au moins 24 heures à l’avance par les services de la sûreté qu’ils devaient se rendre en Allemagne au titre du Travail Obligatoire. Tous, ou à peu près tous, se cachèrent et demeurèrent introuvables pour les Allemands. Selon les statistiques du Préfet du Finistère, à l’époque, Morlaix fut considérée comme une des villes les plus réfractaires du département, au point de vue du recrutement pour le STO.

Novembre 1943: les réfractaires du S.T.O devenant de plus en plus nombreux, gonflèrent considérablement les effectifs du groupe Justice. Vers la mi-novembre, il faut décider de faire gagner l’Angleterre, au moyen d’embarcations, aux patriotes volontaires pour combattre dans les rangs des Forces Françaises Libres. Un premier bateau fut affrété au Dourduff. Après une minutieuse préparation, le départ de cette opération est fixé dans la nuit du 23 au 24 novembre 1943. Malheureusement, un traître à la solde de l’ennemi, après avoir procuré le bateau destiné au transport des patriotes, dénonça la tentative de départ à la Gestapo. Les Allemands en nombre considérable, armés jusqu’aux dents, procédèrent à l’arrestation de treize patriotes sans défense, cachés dans un château, attendant la marée pour gagner l’Angleterre. Les patriotes furent tous déportés. Cette opération s’étant soldé par un échec complet, aucun autre départ de volontaires pour l’Angleterre ne fut tenté par les responsables du groupe justice.

Décembre 1943: Route de Commana, et de Plounéour-Menez, au lieu-dit « Roch-Trévezel », attaque d’un soldat allemand isolé, abattu d’un coup de pistolet et immédiatement inhumé pour éviter des représailles contre la population civile. « Récupération d’armes ».

Janvier 1944: au début de janvier 1944, plusieurs membres du groupe Justice furent arrêtés puis relâchés, grâce à l’intervention de la police de Morlaix, et à la complicité courageuse du parquet, à la tête duquel se trouvait l’honorable procureur Dramart. Vers la fin de janvier 1944, un agent de la Gestapo, domicilié à Guingamp, dans les Côtes-du-Nord, au lieu-dit Rustang, de passage à Morlaix, dénonça et fit arrêter quatre patriotes chez une commerçante de la place au Lait. Avisé par les services de renseignements, William envoya deux jours plus tard, deux membres du groupe Justice à Guingamp, avec mission d’abattre le traître. Celui-ci, après avoir avoué sa trahison, fut exécuté à proximité d’un cimetière à Guingamp.

février 1944: dénoncé par une femme à la solde de la Gestapo, pratiquant double jeu, William est arrêté en pleine ville de Morlaix par nos ennemis. Cette arrestation causa une vive émotion en ville, lorsque la population apprit qu’il s’agissait du chef de la Résistance. William fut incarcéré à la prison St-Charles à Quimper, réservée aux détenus politiques; les hommes de main du groupe Justice attaquèrent courageusement cette prison, leur tentative désespérée fut infructueuse. L’opération se solda par la mort d’une douzaine de soldats allemands. Un patriote blessé put être emporté au moment du « décrochage ».

mars 1944: attaque de nombreuses mairies: Ploujean, St Martin-des-Champs, Plourin-les-Morlaix, Commana. Enlèvement de tickets d’alimentation, de cachets pour la fabrication de fausses cartes d’identité. Un aviateur anglais ayant sauté en parachute sur le territoire de la commune de Plourin-les-Morlaix, à la suite de la destruction de son avion par la D.C.A ennemie, fut dissimulé et remis en mains sûres.

avril 1944: attaque en pleine ville de Morlaix, près des halles, de plusieurs miliciens, à la grenade et au plastic qui furent fournis par le capitaine Marzin (Alexandre dit Merlin), chef local de Libération-Nord, sous les ordres du commandant Noël (commandant régional des F.F.I pour le Finistère) Nord). Bilan: deux miliciens blessés, l’un de ces miliciens fut abattu quelques jours plus tard, par un membre du groupe, à Quimper. Arrestation dans les Côtes-du-Nord de Bordolous (Paul), et de Le Luc (Maurice), par des fonctionnaires non patriotes. Le parquet de Lannion, composé à l’époque de magistrats dévoués aux Allemands et à Vichy, fut saisi de cette affaire et remit les deux résistants aux mains de la nouvelle milice de Darnand, qui venait d’être créée. Transférés à Angers et incarcérés à la prison du Pré-Pigeon réservée aux détenus politiques, les deux patriotes y furent, soi-disant, jugés devant une cour martiale dite française, puis fusillés immédiatement, à l’intérieur de la prison.

mai 1944: à l’aide de jeux de clefs prises à la gare de Plouigneau, dont l’un fut cédé à un groupe des Côtes-du-Nord, deux sabotages furent effectués sur l’importante voie ferrée Paris-Brest. Bilan: déraillement de deux trains de marchandises ennemis à St Pol de Léon et Pleyber-Christ. Sabotage à la dynamite des écluses, du port de Morlaix, qui ne furent que légèrement détériorés. Cet exploit avorta, en raison de la faiblesse de la puissance explosive; si l’opération avait réussi, douze chalutiers allemands auraient été bloqués dans le bassin.

Attaque du magasin d’habillement du camp d’aviation de Ploujean-Morlaix, afin de se procurer des uniformes allemands. Trente tenues furent ainsi récupérées nuitamment, à l’insu des Allemands. Elles permirent aux membres du groupe de s’habiller en « vert de gris », lors des nombreux coups de main effectués depuis le débarquement jusqu’à la libération.

– Débarquement des alliés impatiemment attendu: suivant les instructions reçues, de nombreux attentats en groupe ou isolés, furent perpétrés, notamment contre les dépôts de munitions, d’essence, les déplacements des troupes ennemies etc… Les fils téléphoniques aériens et souterrains, furent détruits. Un grand nombre de panneaux routiers allemands et français furent sabotés. Les panonceaux indiquant, par exemple, la direction Quimper, furent tournés, et la pointe de la flèche dirigée vers Brest. La confusion totale régna dans les rangs de l’ennemi, démoralisé, harcelé, aux abois, pendant les 8 jours qui suivirent le débarquement, grâce à l’activité insoupçonné des F.F.I et F.T.P?

A la fin de juin, Pontet Robert, dit Bob, qui prit la tête du groupe Justice après l’arrestation de William, fut appréhendé à Rennes, par les Allemands. Armé, il tenta de se défendre et fut exécuté immédiatement. Dénoncé en même temps que William, et recherché par l’ennemi, il avait dû quitter Morlaix, pour leur échapper.

Juillet 1944: Le Luc (Eugène) prit le commandement du groupe Justice. Quelques jours après, il fut arrêté en même temps que son adjoint qui fut torturé et exécuté à Sizun, par les troupes du maréchal nazi, destructeur de la ville de Brest. Avant qu’il ne fut interrogé, et torturé, le nouveau chef du groupe Justice, Le Luc, invoquant un malaise, réussit à s’évader au nez et à la barbe d’une sentinelle allemande. Il regroupa sa formation, et continua à harceler l’occupant, dans la région de Brennilis, et de Commana.

En juillet 1944, les réactions des Allemands puisées dans la fièvre de leur inévitable défaite furent à leur comble. De nombreux civils isolés et inoffensifs, rencontrés incidemment et ne faisant partie d’aucune formation de résistance, furent abattus sur place, sans aucun motif, par les Allemands, décimés et terrorisés. De son côté, la Résistance assénait coup sur coup à l’ennemi.

Les Waffen S.S, des soldats de la Wehrmacht, des parachutistes isolés ou en petits groupes furent exécutés. Les résistants encouragés par l’avance des Alliés en Normandie, redoublent leurs actes de sabotage. L’important câble téléphonique souterrain Paris-Brest fut coupé en plusieurs endroits. Un pylône et un transformateur électrique alimentant les positions allemandes des Monts d’Arrée furent détruits. D’audacieux coups de main perpétrés contre les convois et cantonnements ennemis permirent la récupération d’un armement important qui servit pour la bataille finale.

Ancienne prison du Créach-Joly, à Morlaix

Août 1944:  délivrance de nombreux patriotes à la prison de Créach-Joly, cette opération fut menée à bien grâce à l’appui du commissaire de police et à la complicité du gardien chef de la maison d’arrêt dont l’attitude patriotique fut connue de tous les résistants. M. Le Roy, qui remplaçait le gardien-chef en congé, avait reçu d’un des chefs du groupe Justice la mission de relâcher les prisonniers. Les deux gardiens de la paix de service approuvèrent après consultation.
4 août: les Allemands incendient les bâtiments occupés par eux à la barrière de Brest, à St Nicolas, chez Cam: route de Callac, chez Quéinnec et Guillou: voie d’accès au Port, à Traon-ar-Velin. Dans la soirée, ils font sauter les portes du bassin à flot, détruisant un des bateaux du port, coulant un chaland à l’extérieur du chenal et endommageant l’usine à gaz et l’usine électrique. Les pompiers courageusement éteignent l’incendie sans savoir si les Allemands ne vont pas les canarder. Des bruits divers courent en ville: on dit que les Américains approchent de Morlaix. C’est la ruée vers les drapeaux français que l’on vent au grand Bazar, il fallait faire la queue pour être servi. On s’arrache dans les magasins les morceaux de papier de couleur et les lanternes vénitiennes. Le 4 août Keller armé d’une hache avec des soldats allemands détruit le mobilier de la salle de la Renaissance place du Dossen.

Le 6 août; une reconnaissance américaine est signalée à St Martin des champs. La D.C.A allemande ne réagit plus quand les avions alliés survolent Morlaix à basse altitude.

7 août 1944: participation à la Libération de Morlaix, et Ploujean. De nombreux Allemands se rendirent sans combattre et furent fait prisonniers par le groupe. Dans la nuit, ils ont fait sauter des dépôts de munition, évacué leurs locaux de l’allée du Poan Ben. D’abord évacué, la Propriété du général Weygand, route de Paris, est à nouveau occupée par un groupe d’irréductibles soldats allemands. Elle fut assiégée par des résistants.

8 août 1944: Libération définitive de Morlaix, sans combat, les troupes ennemies s’étant repliées dans la poche de Brest. Les Américains arrivent après les véhicules de la résistance qui les annoncent dans l’enthousiasme général, après qu’on ait hissé un drapeau français sur la mairie à 15h, par la rue de Paris à 16h, avec leurs blindés et leurs automobiles.  La foule se rassembla à l’hôtel de ville. Pendant que se déroulaient ces manifestations enthousiastes, la Résistance attaquait au Créou, à l’entrée du Viaduc, un groupe d’Allemands, qui, chassé de la propriété Weygand, avançait sur deux colonnes de chaque côté de la voie ferrée. Les Allemands battirent en retraite vers la Madeleine, traversèrent le cimetière St-Charles ou les Américains intervinrent et obligèrent les Allemands à se rendre.

Les prisonniers allemands, parfois battus et rudoyés, traversèrent la ville sous les huée de la foule. Les groupes de résistance défilèrent le 10 août. Des collaborateurs furent arrêtés et emprisonnés, des femmes jugées trop proches des Allemands furent tondues, 6 d’entre elles emmenées de Pleyber-Christ dans un camion furent conduites à la prison du Créach-Joly le 13 août. Il y eut plusieurs scènes de ce genre, assez sinistres, à Morlaix.

Il y eut en dehors du groupe Justice des FTP d’autres groupes de résistance courageux qui eurent une action importante dans la région de Morlaix:

– le groupe d’évasion des chantiers Sibiril de Carantec qui permit le passage en Angleterre de près de deux cent résistants ou aviateur alliés

– le réseau Libération-Nord dirigé à Morlaix par le docteur Le Janne dit « Noël » et par Tanguy-Prigent. C’est à ce réseau que fut affilé le maquis de St Laurent qui eut des actions héroïques contre l’occupant dans les semaines de la libération, en se déployant au Ponthou, à Plouigneau (groupes FFI).

– le réseau Var à Beg-an-Fry près de Guimaëc: réseau de protection et d’évasion des aviateurs et agents de liaison, des résistants

Basé essentiellement sur le témoignage d’Eugène Le Luc, propos recueillis par Jeannine Guichoux dans son mémoire universitaire de juin 1970 « La Résistance dans la région morlaisienne sous l’occupation allemande ». 

 

 

 

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