Conseil départemental du Finistère du 27 janvier 2022 – Intervention sur la politique vis-à-vis des personnes âgées

Conseil départemental à Quimper, 27 janvier – Je suis intervenu sur la politique Personnes âgées du département du Finistère et plus généralement les enjeux du vieillissement, d’un accompagnement digne et humain des personnes âgées en perte d’autonomie dans les EHPAD et les services d’aide à domicile, avec des personnels travaillant dans de bonnes conditions, correctement formés et rémunérés. Et un vrai service public du droit à l’autonomie financé par la sécurité sociale solidaire, en dénonçant l’âgisme prégnant dans notre société, l’enterrement de la loi Grand âge par Macron et son gouvernement en septembre, la marchandisation en cours du secteur de la fin de vie, avec à la clef des scandales comme celui des maisons de retraite Orpéa, et l’absence de prospective dans ce domaine et de volonté d’investissement dans les EHPAD que l’on sent dans le discours de la majorité départementale, basé davantage sur l’ouverture au développement des résidences Seniors. Je transmettrai un compte rendu plus détaillé de mon intervention plus tard. Elle a donné lieu à une confrontation vive avec le président de Calan qui m’a interrompu plusieurs fois, dont par une interpellation très fine « on est pas à Cuba! »…

Ismaël Dupont

 

Cher-e-s collègues,

Monsieur de Calan, Madame Le Hir, se sont appuyé sur la fable de la Cigale et de la Fourmi pour imager leur propos tout à l’heure. Il y a aussi d’autres formules de sagesse chez La Fontaine, dont on célèbre les 400 ans de la naissance.

Par exemple « De quoi vous sert votre vitesse » dans « Le lièvre et la tortue ».

Mais aussi cette fable moins connue, « Le vieillard et les trois jeunes hommes »:

« Un octogénaire plantait.

Passe encore de bâtir, mais planter à cet âge!

Disaient trois jouvenceaux, enfants du voisinage;

Assurément il radotait.. »

Et plus loin: « Je puis enfin compter l’Aurore

Plus d’une fois sur vos tombeaux ».

Tout cela nous amène à soulever la question de la politique départementale vis-à-vis des personnes âgées, une partie de la population vient souvent invisibilisée, laissée de côté, voire stigmatisée: l’époque est à la culture de l’âgisme, qui la société privilégie aux valeurs de solidarité et à la valorisation de l’expérience le culte de la vitesse, de la force, de la jeunesse, de la nouveauté, de la santé, de la performance, voire de la beauté.

Je voudrais parler en ce jour de débat budgétaire de la question de la perte d’autonomie, du droit à l’autonomie et de la manière dont nous, élus départementaux, avec une politique personnes âgées qui représente 1/8e du budget de fonctionnement de la collectivité, nous pouvons agir pour améliorer dès aujourd’hui les conditions d’accompagnement et de prise en charge des personnes âgées dépendantes, et pour répondre demain aux défis colossaux auxquels nous expose le vieillissement de la population finistérienne, et les besoins de services publics et de réponses de qualité de haut niveau liées à cet enjeu.

Cette question est mise en lumière:

-d’abord, depuis des années, par les cris d’alarme répétés des familles, des résidents, des personnels des EHPAD et des structures d’aide à domicile par rapport aux conditions de vie, au manque de personnels, aux ratios dégradés de taux d’encadrement entre le personnel et les résidents, ou encore à la qualité de l’augmentation.

– par les difficultés de financement du secteur de l’aide à domicile, la précarité des personnels des SAAD (17% des aides à domicile vivent sous le seuil de pauvreté, 90% sont des femmes à temps partiel).

– la situation extrêmement tendue dans les EHPAD, et également dans les structures du secteur médico-social, dans ces temps de crise sanitaire. Difficultés de recrutement, arrêt maladie, stress, pénibilité, s’associant à la souffrance des résidents, leur isolement croissant, avec des personnes en fin de vie cloîtrés dans leur chambre, privés de leur proche, leur survie organique ayant pour prix la négation de leur vie relationnelle, une mise à l’écart accrue.

– l’enterrement de première classe de la loi grand âge en septembre dernier, véritable bras d’honneur aux interpellations des professionnels, des familles, des défenseurs des usagers depuis des années. 400 millions d’euros débloqués en 2022 alors qu’il faudrait plusieurs milliards d’euros par an. 10 000 soignants dans les EHPAD promis ces 5 prochaines années alors qu’un rapport remis au ministre de la santé préconisait la création de 80 000 emplois.

– Et là, dessus, hier, le scandale Orpéa, avec la publication de l’enquête des « Fossoyeurs », le livre de Victor Castenet sur la maltraitance dont souffrent les personnes âgées hébergées dans les EHPAD. Orpéa, un groupe privé exemplaire des dérives et des périls de la marchandisation du grand âge et de la fin de vie, avec des pratiques qui font froid dans le dos pour augmenter la rentabilité: politique de réduction des coûts, état d’hygiène désastreux, maltraitance, répression syndicale.  Tout cela nous amène à affirmer avec force: le grand âge doit sortir du marché, notamment si on veut des Ehpad humains!

Quelle est la place de ces questions dans la prospective budgétaire du Conseil Départemental?

Dans ses projets? Dans le redéploiement des moyens nouveaux donnés par le surcroît de droits de mutation perçus. L’enjeu du vieillissement, de la perte d’autonomie est un enjeu d’une urgence humaine aiguë aujourd’hui pour les personnels – des personnels des Ehpad et du médico-social fuient ces structures car ils sont débordés, épuisés, dans le contexte du Covid, avec des effets pervers, boule de neige: sous-effectif, pénibilité accrue, plus de départs, plus de difficulté à recruter.

C’est aussi un fort besoin d’investissement pour l’avenir compte tenu de l’évolution démographique à prévoir sur notre département.

On parle de 200 000 Finistériens de + 75 ans en 2050 contre 99 000 aujourd’hui.

Quelles réponses peut-on apporter d’ici 10 ou 15 ans à Jean-Michel, agriculteur à Locmaria-Berrien qui touchera une petite retraite, et ne pourras pas se loger dans une résidence Seniors ou un EHPAD à plus de 1600 ou 1800 euros par mois. Et encore moins sa femme Aline qui a encore moins de retraite que son mari.

A l’instar du gouvernement de la LREM, économie oblige, la majorité départementale semble considérer que la priorité est le maintien à domicile, au domicile habituel des personnes âgées,  ou bien dans des habitats dits « intermédiaires », des habitats collectifs adaptés.

La priorité est dit-elle de retarder par de la prévention et une offre de services l’entrée dans la dépendance.

– des résidences seniors/ résidences autonomie/ résidences services, s’adressant à des personnes de + 70/75 ans. Fuite en avant de l’offre mais on ne sait pas quels sont les besoins au juste, d’autant que les prix sont élevés. Des résidences qui peuvent attirer les investisseurs, en raison de dispositifs de défiscalisation, mais répondent-elles vraiment aux besoins et aux moyens du plus grand nombre des personnes âgées.

Le vieillissement accroît encore les effets des inégalités.

Il y a aussi des possibilités d’habitat inclusif, coopératif, qui permettent de choisir avec qui on veut vivre, avec qui on veut vieillir. Avec un enjeu fort autour de l’accessibilité à tous les revenus, du support d’habitat social ou au moins accessible de ces logements.

Le maintien à domicile est c’est bien vrai le choix privilégié par les retraités. Mais quels dispositifs pour financer un maintien à domicile de qualité, lutter contre l’isolement, et compris celui des aidants familiaux, leur permettre de souffler (maisons de répit, dispositifs de remplacement pour la garde pour souffler).

Il va y avoir 4 fois de personnes en France de + 85 ans d’ici 2050. Et parallèlement à ça, on réduit le nombre de places en EHPAD publics. Comment faire si on a pas un vrai service public de l’autonomie avec des personnel payés, formés correctement ?

Sur 16 millions de retraités, 2,2 millions ont 85 ans ou +. Cet âge est la moyenne d’accès aux EHPAD. Dans le Finistère on compte 172 maisons de retraite, dont 139 EHPAD.

548 000 de ces + 85 ans entreront en EHPAD pendant 3 ans et demi en moyenne. Les résidents en EHPAD cumulent en moyenne 8 pathologies. 9/10 présentent des affections neuro-psychatriques acquises pendant leur activité. Aucun gouvernement n’en a tiré la conséquence que ces dépenses relèvent bien de l’assurance maladie. Le financement péréenne du Droit à l’autonomie, et de la prise en charge de la perte d’autonomie, devrait à notre sens dépendre de la Sécurité Sociale.

Dans le cadre de la loi de Finances de la Sécurité Sociale 2022, le gouvernement refuse de mettre un budget conséquent pour que les personnes âgées puissent vivre dans le respect et la dignité dans les EHPAD, pour alléger les souffrances des personnels et de nombreuses personnes âgées en EHPAD.

Le schéma pour les Personnes âgées « Bien vieillir » est arrivé à échéance en 2020: la question de l’évaluation et de la construction du nouveau schéma ne sont pas mentionnés dans la délibération.

Quelle méthode d’élaboration est-elle prévue ? Il y aura t-il un maintien de la dimension participative : pour nous, il est essentiel d’associer les Personnes âgées, leurs aidants, les associations, les professionnels. Ils sont en demande d’être associés aux travaux, il est essentiel de pouvoir débattre avec sur des enjeux de société aussi importants: les Finistériens âgés, leurs aidants, ont besoin que nous prenions le  temps d’évaluation, de projection et de débat sur la réponse à apporter aux besoins. 

 

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :