100 ans d’engagements communistes en Finistère
Alain Cariou (1915-1998)
Alain Cariou est le père de nos camarades Jean-Claude Cariou, militant du PCF et de l’ANACR, et Alain Cariou de Plougonvelin, élu municipal pendant 3 mandats (adjoint au maire de 2008 à 2014) et membre du PCF depuis 54 ans.
Son père Alain alla travailler comme terrassier à Paris sur les chantiers du métro après son mariage à Plogonnec. Sa mère fut concierge à Paris. Après la guerre 14-18 dont il sort indemne, le père d’Alain Cariou vint avec ses indemnités s’acheter une petite ferme à Plogonnec près de Quimper, avec de la polyculture, 5 vaches, 4 cochons, des poules et des lapins. Sa femme, avec leur seul cheval, allait vendre leur lait, leur beurre et surtout leurs œufs une fois par semaine au marché de Quimper, à 9 km.
Alain Cariou est né à Plogonnec, entre Quimper et Locronan, le 9 avril 1915.
Les enfants de la famille devinrent instituteurs, Alain et sa sœur.
Élève de l’école primaire supérieure de Quimperlé de 1927 à 1932, entra à l’École normale d’instituteurs de Quimper en 1932 et obtint le brevet supérieur en 1935.
Il adhère au PCF en juillet 1938 durant son service militaire. Grièvement blessé en service commandé, il est réformé et ne sera pas mobilisé en 1939.
Après avoir enseigné comme intérimaire à partir de février 1939 à Audierne, puis un trimestre à Esquibien (octobre 1939-décembre 1940), il dirigea l’école de garçons de Goulien de janvier 1941 à la fin de l’année scolaire 1945-1946.
Il arrive à un contact avec les résistants clandestins du Parti communiste en octobre 1941 dans la région d’Audierne Pont-Croix et entre au Front National. Versé plus tard aux FTP, il participe à diverses opérations menées par leurs groupes de combats.
Des connaissances de la résistance d’Alain Cariou vont participer à cacher un groupe de résistants transportés depuis Concarneau à destination de l’Angleterre et dont le bateau s’était échoué sur la côte près du port de Bestrée: et parmi eux Pierre Brossolette. Guillaume Le Brun, cafetier et résistant de Plogoff, Aimé Kerisit de Goulien et d’autres sont venus leur prêter secours.
En septembre 1943, il organise le départ de patriotes pour le maquis de Scaër, il crée le groupe de résistants de Goulien qui deviendra l’ossature de la Compagnie « Catroux » forte de 103 hommes en juillet 1944. En 1944, les Allemands occupent une partie de l’école de Goulien.
Il assure le transport d’armes anglaises venant de l’île de Sein à la baie des Trépassés. Stockées dans le jardin de l’école de Goulien, ces armes seront reparties dans les unités combattantes. En septembre 1944, Alain Cariou prend part aux combats pour la Libération du Cap-Sizun (Audierne – Lesven). Il est alors lieutenant FFI. Il représente le PCF au Comité Départemental de Libération, émanation du C.N.L, dont il deviendra vice-président. Alain Cariou, nommé par le préfet en tant que résistant communiste au C.N.L, y siégera pendant deux ans, pendant lesquels il n’enseigna pas. Quand il reprendra son métier, Alain Cariou remplacera d’abord M Dargorn, en soins au sanatorium de Sainte Feyre dans La Creuse, à l’école publique de Ploëven.
Son épouse depuis août 1939, institutrice elle aussi, Marie-Anne Cariou, née Le Roy, née le 24 février 1915 à Ploëven, au sud de Plomodiern sur la baie de Douarnenez a participé à ses activités de résistance et on la retrouve en 1945 au bureau de l’Union des Femmes Françaises à Quimper et déléguée au congrès national de l’U.F.F (Union des Femmes Françaises, une organisation de rassemblement créée par le PCF).
Marie-Anne Cariou participait à la réception des armes qui devaient être larguées par des aviateurs pendant les temps de la Libération sur des terrains que Alain Cariou se fait prêter par des cultivateurs.
Démobilisé, Alain Cariou est appelé à la direction fédérale du PCF à Quimper. Désigné comme secrétaire à la propagande de la fédération du Parti communiste français à la Libération, il suivit l’école centrale au début de 1946 et fut réélu secrétaire fédéral lors de la IXe conférence fédérale (10-11 août 1946). Permanent d’octobre 1946, il quitta cette responsabilité dans le courant 1947 et fut remplacé par Marie Lambert.
Il est élu délégué au congrès national de Strasbourg en 1947, avec Daniel Trellu , Gabriel Paul ,Pierre Le Rose, Marie Lambert.
Dans ses souvenirs (1920-1980, 60 ans de vie militante dans le Finistère, Jean Nédélec), Jean Nédélec dressa un portrait chaleureux d’Alain Cariou qui l’avait fait adhérer au PCF dans l’école de Collorec:
« C’était un formidable débatteur, alliant le breton au français ».
Il décrit en particulier la contradiction que Cariou porta à un député de droite, Monteil, député MRP, professeur de lettres à Quimper, lors d’une réunion électorale à Plouyé. Alain Cariou monta sur scène et se mit à interpeller, avec humour, la salle en breton. Monteil, à son grand dam, n’y comprenait rien et ne savait plus quoi dire. Il se retira assez honteusement, laissant la place au communiste Alain Cariou. »
Il s’occupe de la propagande, des questions paysannes, et parcourt le département en prenant la parole en français et en breton.
Jean Nedelec ajoutait « Je dois dire combien Alain Cariou m’a ouvert d’horizons, lors d’une École fédérale qu’il dirigeait à Tal-Ar-Groas en Crozon, dans les années 1950.
Marie-Anne Cariou, sa femme, raconte en 2005 les activités de son mari Alain Cariou à cette époque où il est permanent du PCF à Brest:
« Le Parti communiste occupait une baraque près de la place de la Liberté à Brest et possédait une petite camionnette blanche que mon mari utilisait pour son travail de « permanent ». Il sillonnait toutes les routes du Finistère. Parfois, Jean-Claude (leur fils) et moi l’accompagnions. J’ai assisté à des situations cocasses.
Un jour du côté de Plouguerneau, dans le Léon profond, il avait trouvé un local pour tenir sa réunion. Il commençait à parler. Soudain, entre un individu et à sa suite une douzaine de personnes chahutant pour empêcher Alain de parler. Mais, mon mari reconnaît un des perturbateurs, et goguenard, l’apostrophe: « Mais dis donc, je te connais… ! Nous avons été ensemble sur les bancs de l’école publique de Plogonnec… Tu es un fils Lozachmeur. Tu es curé! ». L’assaut a été stoppé net. Plus un perturbateur ne bronchait. Et mon mari de continuer dans un silence impressionnant: « Tu ne te souviens pas de moi?… Tu te rappelles quand même qu’un jour tu as pissé dans ton encrier!…? » Et toute l’assemblée de rire et les gros bras de repartir calmés. Mon mari a pu reprendre le fil de ses idées. Ces gens du Léon étaient vraiment très durs.
Un autre fois, c’était à Plabennec… A l’époque, il n’y avait pas d’école publique, pas de préau. Qu’à cela ne tienne! Le parvis de l’église à la sortie de la messe ferait l’affaire… A peine a t-il prononcé quelques phrases que les cloches se sont mises à carillonner à toute volée… C’était fini. Il pouvait rebrousser chemin ».
En 1954, à Plogoff, Cariou, qui n’était plus membre du comité fédéral, participait à l’activité communiste.
Au conseil d’administration du Comité d’action laïque du Finistère, le 9 décembre 1948, lors de l’élection du bureau, Jean Le Pemp, secrétaire général sortant, proposa de reconduire le bureau précédent. Alain Cariou prit la parole : « Mon cher Le Pemp, tu as beaucoup de responsabilités dans le mouvement laïque, au CAL, aux parents d’élèves, au SNI… c’est pourquoi je suis candidat au poste de secrétaire général du Comité d’Action Laïque. » Étonnement de Le Pemp qui ne s’attendait certes pas à cette candidature. Force fut de mettre aux voix cette demande d’Alain Cariou. Vote à mains levées et résultat : Même nombre de voix pour chaque candidat. Le Pemp ayant remarqué qu’un membre du conseil d’administration n’avait pas pris part au vote, l’interpella. Il s’agissait de Francis Madec, Secrétaire Général de la Fédération des Œuvres Laïques depuis 1930, date de la naissance de cette fédération. Pressé de prendre une décision, Francis Madec déclara : « Je vote pour Alain Cariou. » Cette élection témoignait des progrès rapides des communistes dans les milieux de l’enseignement primaire du Finistère.
Comme instituteur, Alain Cariou milite au sein du SNI et du Comité d’Action Laïque du Finistère dont il assumera le secrétariat. Directeur du cours complémentaire à Plogoff puis muté sur sa demande à Brest où il enseignera successivement au lycée technique et au collège de Kérichen, pendant que sa femme Marie-Anne est en poste dans les écoles primaires de Vauban, Proud’hon, et Kerichen, après ses expériences d’institutrice à Plonevez Porzay et Plogoff.
Alain Cariou fut à Brest trésorier de cellule du PCF, pratiquement jusqu’à sa mort , des cellules qui n’existent plus maintenant, Jean-Jaurès au centre ville (1955/60) puis Julian-Grimau (1960 /1998) dans le quartier Kérichen/Kérinou après leur déménagement. Et il faisait toutes les campagnes électorales, en étant aussi présent pour le Parti communiste comme scrutateur.
Alain Cariou est mort à trois semaines d’intervalle avec son ami Daniel Trellu en 1998.
Sources:
-Eugène Kerbaul, 1485 militants du Finistère (1918-1945) – Dictionnaire biographique de militants ouvriers du Finistère élargi à des combattants de mouvements populaires de la Résistance
– http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article18685, notice CARIOU Alain par Jacques Girault, Claude Pennetier, Jocelyne Prézeau, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 8 décembre 2018.
– archives de la famille Cariou transmises par Jean-Claude Cariou
Une photo prise au milieu de la foule sur le stade de Carhaix en 1945, près de l’emplacement actuelle des « Vieilles Charrues ». Cette photo appartient à la collection privée de Jean-Claude Cariou. Au dos, on y trouve un tampon du service du ministère de l’Air. De gauche à droite, on peut voir avançant au milieu de la foule un officier de l’armée de l’air, Charles Tillon, Alain Cariou, résistant communiste, vice-président du Comité Départemental de Libération, chargé de l’épuration des fonctionnaires, permanent du PCF jusqu’en 1947 avant de reprendre ses fonctions d’instituteur, Gaby Paul, député PCF de Brest, membre du Comité Départemental de Libération, un élu (le maire de Carhaix), et sans doute le secrétaire de Charles Tillon et un membre du cabinet (légende Jean-Claude Cariou)