Marie Lambert (1913-1981): la première femme députée du Finistère
Née le 26 octobre 1913 à Landerneau (Finistère), morte à Ivry-sur-Seine le 22 janvier 1981 ; secrétaire fédérale communiste du Finistère (1947-1949) ; députée PCF du Finistère (1948-1951).
» Marie Lambert a été la première femme à représenter le Finistère à l’Assemblée nationale, il a fallu attendre 1962 pour en voir une autre avec l’élection de la gaulliste Suzanne Ploux, et ce n’est qu’en 1978 qu’une 3ème Finistérienne est devenue députée, la socialiste Marie Jacq » (Yvonne Rainero, secrétaire de section du PCF Quimper)
« Il y a eu un article dans l’Huma sur son activité de journaliste . Elle a été la première à employer le mot guerre pour l’Algérie. https://www.humanite.fr/la-force-communiste-fut-lorigine… » (Jean-Paul Cam, secrétaire de section du PCF Brest)
Article de Christian Bougeard – pour le MAITRON
Originaire de la petite ville de Landerneau (Finistère), Marie Perrot avait un grand-père qui avait participé, contre son gré, à l’écrasement de la Commune de Paris mais aurait exprimé de la sympathie pour les Communards. Il aimait porter les jours de fêtes un chemise rouge pour manifester ses opinions.
Marie Lambert avait interrompues ses études après le brevet. Elle acquit par la suite, en autodidacte, une importante culture. Elle avait épousé jeune Henri Lambert , avec qui elle eut trois enfants : Jean-Paul en 1932 ( serge nt cassé pour refus d’être appelé en 1956), Henri en 1935 et Annie en 1944. Elle fut brièvement institutrice pendant la « drôle de guerre ».
Son mari fut un résistant FN et FTP. Arrêté en Ille-et-Vilaine en décembre 1943, torturé et déporté. Sous l’Occupation, Marie Lambert participa aux actions de résistance,diffusant tracts et journaux clandestins dans la région de Landerneau. Elle servit d’agent de liaison à Daniel Trellu chef des FTP du Finistère et organisa des groupes de « femmes patriotes », malgré une grossesse. Pour son action, elle obtint la médaille de la Résistance et la Croix de guerre.
Ayant adhéré au PCF en 1943, mettant en rapport ce geste et la lecture avec la lecture de Lyssagaray et de son Histoire de la Commune, « la ménagère » Marie Lambert fut élue conseillère municipale de Landerneau en mai 1945 (réélue en 1947) dans la municipalité dirigée par l’ancien maire révoqué et ancien député (réélu en 1945), le socialiste Jean-Louis Rolland.
Elle appartenait aussi en 1945 au bureau de l’UFF du Finistère.
N’ayant pas été candidate en octobre 1945, Marie Lambert figurait en 4e position sur la liste communiste du Finistère aux élections à la seconde Assemblée Constituante le 2 juin 1946 qui recueillit 95 343 voix en moyenne (24,6%) et deux élus, les députés sortants Pierre Hervé et Gabriel Paul.
Le 10 novembre 1946, elle était toujours 4e alors que le PCF obtenait 27,8% des voix et trois députés (Alain Signor *en plus). Mais la démission de Pierre Hervé le 15 juin 1948, permit à Marie Lambert de lui succéder à l’Assemblée nationale en juillet. Inscrite à la commission de l’Agriculture, elle déposa plusieurs propositions de loi en faveur des ouvriers agricoles.
Auparavant, Marie Lambert était devenue une des principales dirigeantes du PCF. Elle entra au bureau fédéral élargi de 9 à 13 membres lors de la IXe conférence d’août 1946, devenant ensuite secrétaire fédérale, sans doute en 1947, lors du départ de l’instituteur Alain Cariou. En 1948 et au début 1949, Marie Lambert assura de manière transitoire la fonction de première secrétaire fédérale du Finistère. Elle en fut écartée à la suite de la XIIe conférence fédérale de février 1949 présidée par Jeannette Vermeersch, et remplacée par Daniel Trellu. Elle fut critiquée pour n’avoir pas su diriger sa fédération, en perte de vitesse, et éviter les graves conflits qui divisaient la CGT, peut-être aussi parce qu’il lui était difficile d’assurer ses tâches de direction avec son mandat de députée. Les critiques portaient sur la trop grande importance accordée par la fédération à la question de la laïcité sous l’impulsion de Pierre Hervé. Au total, 24 membres de la direction fédérale sur une quarantaine furent remplacés. Cette véritable « purge » permit un durcissement et une stalinisation de la fédération avec son lot de critiques, d’autocritiques, d’exclusions (même temporaires) et de chasse aux « titistes » et aux « mous ». En 1951-1952, le bureau politique lui-même fut contraint de reprendre les choses en main.
En mars et avril 1950, une série de grèves très dures secoua le Finistère, provoquant une forte mobilisation syndicale et de solidarité. Le 14 avril, une manifestation des femmes de l’UFF à la mairie de Brest se transforma en affrontement avec la police : la députée Marie Lambert (tabassée gravement pendant la manifestation) et deux dirigeants communistes furent arrêtés. Le 17 avril 1950, une manifestation de protestation de 5 000 personnes fut vivement réprimée provoquant la mort de l’ouvrier communiste Edouard Mazé, le frère du conseiller municipal PCF Pierre Mazé. Alain Signor fut lui aussi arrêté et Jacques Duclos interpella le gouvernement sur ces arrestations considérées comme illégales, en violation de l’immunité parlementaire. Plusieurs milliers de personnes participèrent aux obsèques d’Edouard Mazé. Rapidement libérés, Marie Lambert et Alain Signor furent condamnés à cinq et à six moi s de prison avec sursis. Comme en 1935, la violence des affrontements avec les forces de l’ordre allait marquer durablement la mémoire du mouvement ouvrier brestois.
Lors des élections législatives du 17 juin 1951, Marie Lambert , en 3e position sur la liste communiste qui obtint 20,9 % des suffrages ne fut pas réélue, le PCF ne conservant que les sièges d’Alain Signor et de Gabriel Paul. Il semble que l’ancienne députée communiste quitta rapidement le Finistère. De toute façon, en janvier 1953, elle ne figurait plus dans aucun organisme de la direction fédérale. On sait qu’elle devint journaliste à l’Humanité puis à France nouvelle et directrice de Femmes nouvelles, le journal de l’UFF, chargé de la culture, ce qui lui permit de connaître le principaux artistes communiste, notamment le couple Aragon-Triolet.. Le 8 novembre 1954, l’Humanité publia sous le titre « Des tortures dignes de la Gestapo », un reportage de Marie Perrot : « Les arrestations se poursuivent en Algérie et de nombreuses personnes à des sévices innommables dans les locaux de la police la bastonnade, le lavage d’estomac à l’aide d’un tuyau enfonce dans la bouche et le courant électrique ». Ces scènes lui rappelaient les tortures qu’avaient subies son premier mari en 1943. Elle participa en 1955 au premier voyage de journaliste au premier voyage de journalistes à Hanoi. Son statut de journaliste lui permit également de découvrir le Yougoslavie et laTunisie.
Marie Perrot, vécut avec Georges Gosnat à Saint-Ouen à partir de 1950. Elle l’épousa le 30 juillet 1970 (on trouve ailleurs le 30 décembre 1970) et habita avec lui à Ivry-sur-Seine. Georges Gosnat était député d’Ivry-sur-Seine et un des principaux responsables des finances du PCF. Elle décéda en 1981 dans ce bastion du communisme de la banlieue sud-est et fut enterrée au cimetière communal.
Dans une lettre datée du 16 octobre 1985, Pierre Le Rose donne à Pierre Crépel, un camarade de l’IRM (Institut de Recherche Marxiste) basé à Lanester, des renseignements complémentaires sur le Parti Communiste à la Libération, période qu’il a connue en tant que dirigeant et acteur. On trouve dans cette lettre des informations tout à fait importantes d’un point de vue historique qui justifient qu’on la publie, avec l’accord de la fille de Pierre Le Rose:
« L’audience du Parti était très grande dans le Finistère à la Libération. On évaluait les adhérents à 10 000 ou 12 000. Les cartes étaient placées aux réunions publiques au lendemain de la libération. L’organisation ne suivait pas. Mais dans les localités importantes (Brest, Morlaix, Quimper, Douarnenez, Concarneau), les cellules avaient des Bureaux et des activités réelles. Le premier pointage réel que j’ai pu faire en Avril 47 (je venais d’avoir la responsabilité de l’organisation fédérale) faisait apparaître plus de 7000 adhérents. Nous avons vu jusqu’à 12 000 personnes à nos fêtes fédérales (fête de la Bretagne, notre journal, avec Marcel Cachin; 40 000 personnes à Brest sur le cours d’Ajot avec Maurice Thorez le 6 juillet 1947). Parallèlement, les JC (44-45) puis l’UJRF (à partir d’avril 45) comptaient entre 9 et 10 000 adhérents (jeunes venus des FTP, jeunes filles très nombreuses). Les jeunes prenaient leurs responsabilités pour organiser les activités ( 400 Jeunes Communistes à Quimper, 200 à Concarneau, mêmes chiffre à Douarnenez; organisations existant dans les localités rurales du Centre Finistère, Riec sur Belon, etc…). Les meetings des JC rassemblaient autant et parfois plus d’auditeurs que le Parti. Ce sont les JC (garçons et filles) qui ont vite fourni les cadres du Parti (peut-être au détriment de l’organisation des jeunes).
L’audience du Parti est venue du combat clandestin, puis de l’activité des militants, des élus et des ministres communistes, activité qui continuait le combat national, le confirmait.
Dans des élections législatives à la proportionnelle, le Parti Communiste recueillait 70 000 voix en novembre 1945 (2 députés), 80 000 voix en mars 1946 (2 députés), 105 800 voix en novembre 1946 (3 députés sur 10 députés finistériens).
La part de la jeunesse et des femmes fut considérable dans cette période. Nous avions la première femme maire (Kernevel), des adjointes. Notre Parti faisait le plus confiance aux jeunes (Gabriel Paul, député et secrétaire fédéral à 26 ans), Marie Lambert, députée et secrétaire fédérale à 33 ans (idem dans les Côtes d’Armor avec Hélène Le Jeune). On retrouve des jeunes de nos fédérations bretonnes également à Ouest-Matin (sur Rennes comme correspondants).
La direction du PCF milite pour la reconnaissance politique des femmes: « Les femmes viennent de plus en plus à la vie politique. Il faut les organiser et laisser de côté les préjugés encore tenaces sur l’infériorité de la femme qui ne sont pas dignes de communistes ».
La fédération vient de transférer son siège à Brest. Elle connaît déjà quelques difficultés financières qui l’ont contraint à réduire son nombre de permanents.
* Note biographique de Jean-Claude Cariou sur Marie Lambert et Pierre Hervé
Marie Lambert remplaça ensuite à l’Assemblée Nationale Pierre Hervé (du secteur de Morlaix-Lanmeur), lequel quitta plus tard le PCF pour rejoindre la SFIO puis un groupuscule gaulliste. Il redevint professeur de philosophie, son métier initial en région parisienne. Sa femme, résistante, avait servi de modèle à Jacques Prévert, dont il était l’ami, pour son célèbre poème « Barbara ». Marie Lambert divorça ensuite de l’officier d’infanterie dont elle était l’épouse et quitta la Bretagne avec son nouveau mari, Georges Gosnat, trésorier national du PCF et membre du Bureau politique.
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1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 2/ Marie Lambert (1913-1981…
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