Aux origines du 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes: deux militantes révolutionnaires communistes, Clara Zetkin et Alexandra Kollantai.
Institut d’histoire sociale de la CGT – Section du Finistère
et Chiffon Rouge:
Pourquoi une journée internationale des droits des femmes le 8 mars ?
Le combat contre ce système patriarcal mondialisé et pour les droits des femmes est partie prenante des luttes pour l’émancipation humaine, pour une société d’égalité et de plein épanouissement pour toutes et tous.
Clara Zetkin disait à Paris en 1889 lors de la 1ère conférence de l’Internationale ouvrière « L’émancipation de la femme comme celle de tout le genre humain ne deviendra réalité que le jour où le travail s’émancipera du capital. »
La Journée internationale des droits des femmes, officialisée par les Nations unies en 1977 et célébrée dans de nombreux pays à travers le monde le 8 mars, est une occasion de faire un bilan sur la situation des femmes.
Cette journée est marquée par de très nombreux événements et manifestations à travers le monde organisés par des mouvements, associations (parmi lesquelles Amnesty International) pour fêter les victoires et les acquis en matière de droits des femmes, mais aussi pour faire entendre leurs revendications, afin d’améliorer la situation des femmes.
La Journée internationale des droits des femmes, ou journée internationale des femmes pour l’ONU, est apparue dans le contexte des mouvements sociaux au tournant du XXe siècle en Amérique du Nord et en Europe.
Le mouvement féministe en plein essor, qui avait été renforcé par quatre conférences mondiales sur les femmes organisées sous l’égide de l’ONU, a aidé à faire de la célébration de cette Journée le point de ralliement des efforts coordonnés déployés pour exiger la réalisation des droits des femmes et leur participation au processus politique et économique.
Chronologie
1909 – Conformément à une déclaration du Parti socialiste américain, la première Journée nationale des femmes a été célébrée sur l’ensemble du territoire des États-Unis d’Amérique le 28 février. Les femmes ont continué à célébrer cette journée le dernier dimanche de février jusqu’en 1913.
1910 – L’Internationale socialiste réunie à Copenhague a instauré une Journée des femmes, de caractère international, pour rendre hommage au mouvement en faveur des droits des femmes et pour aider à obtenir le suffrage universel des femmes. La proposition a été approuvée à l’unanimité par la conférence qui comprenait plus de 100 femmes venant de dix-sept pays, dont les trois premières femmes élues au Parlement finlandais. Aucune date précise n’a été fixée pour cette célébration.
1911 – À la suite de la décision prise à Copenhague l’année précédente, la Journée internationale des droits des femmes a été célébrée pour la première fois, le 19 mars, en Allemagne, en Autriche, au Danemark et en Suisse, où plus d’un million de femmes et d’hommes ont assisté à des rassemblements. Outre le droit de voter et d’exercer une fonction publique, elles exigeaient le droit au travail, à la formation professionnelle, ainsi que l’arrêt des discriminations sur le lieu de travail.
1913 – Dans le cadre du mouvement pacifiste qui fermentait à la veille de la Première Guerre mondiale, les femmes russes ont célébré leur première Journée internationale des droits des femmes le dernier dimanche de février 1913. Dans les autres pays d’Europe, le 8 mars ou à un ou deux jours de cette date, les femmes ont tenu des rassemblements soit pour protester contre la guerre, soit pour exprimer leur solidarité avec leurs sœurs.
1917 – Deux millions de soldats russes ayant été tués pendant la guerre, les femmes russes ont de nouveau choisi le dernier dimanche de février pour faire la grève afin d’obtenir « du pain et la paix ». Les dirigeants politiques se sont élevés contre la date choisie pour cette grève, mais les femmes ont passé outre. Le reste se trouve dans les livres d’histoire : quatre jours plus tard, le tsar a été obligé d’abdiquer et le gouvernement provisoire a accordé le droit de vote aux femmes.
La militante révolutionnaire et communiste allemande Clara Zetkin, qui militera au Congrès de Tours pour l’adhésion à la IIIe Internationale communiste en décembre 1920, est, avec la militante communiste russe Alexandra Kollantai, à l’origine de cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, proclamée au Congrès de la Seconde Internationale à Copenhague, en 1910.
« Les pays dans lesquels existe le suffrage dit universel, libre et direct, nous montrent qu’en réalité il ne vaut pas grand-chose. Le droit de vote sans liberté économique n’est ni plus ni moins qu’un chèque sans provision. Si l’émancipation sociale dépendait des droits politiques, la question sociale n’existerait pas dans les pays où est institué le suffrage universel. L’émancipation de la femme comme celle de tout le genre humain ne deviendra réalité que le jour où le travail s’émancipera du capital. »
Clara Zetkin, Discours à la Première Conférence de l’Internationale Ouvrière
L’objectif principal de l’Internationale des femmes socialistes est l’obtention du droit de vote pour toutes les femmes. Mais la « Journée internationale des femmes » se veut une journée de manifestation annuelle qui permet de militer non seulement pour le droit de vote, mais aussi pour l’égalité entre les sexes et le socialiste. La première Journée, à laquelle participe Clara Zetkin, est fixée le 19 mars 1911. Cette initiative constitue directement l’origine de l’actuelle Journée internationale de lutte pour le droit des femmes, manifestation annuelle fixée de nos jours le 8 mars.
La révolution bolchevique et les droits des femmes:
Lénine en 1919:
» En deux ans de pouvoir des soviets, dans un des pays les plus arriérés d’Europe, on fait plus pour l’émancipation des femmes, pour la rendre égale au « sexe fort » que ce qui a été fait depuis 130 ans par toutes les Républiques avancées, éclairées et « démocratiques » du monde entier »
Egalité politique et sociale entre les sexes reconnue par la constitution et droit de vote des femmes, possibilité pour les femmes russes d’hériter (ce qui n’était pas le cas sous le tsarisme), mariage civil avec liberté pour les deux époux de choisir leur nom après le mariage, divorce express par consentement mutuel, droit à l’avortement, congé maternité, développement des structures collectives qui libèrent la femme de l’assignation à résidence (laveries et cuisines collectives) .. Le gouvernement bolchevique a été plus loin en termes d’émancipation des femmes et d’orientation vers l’égalité femmes-hommes qu’aucun gouvernement avant lui.
Des révolutionnaires comme l’aristocrate rouge et bolchevique Alexandra Kollontaï, pacifiste convaincue surnommée avant guerre la « Jaurès en jupon », affirmaient l’incapacité à émanciper véritablement les femmes sans remettre en cause le règne du capitalisme et des dominations de classe, sans émanciper tous les travailleurs. Le combat féministe n’était pas autonomisable du combat politique et social anti-capitaliste. « Les femmes ne deviendront libres et égales que dans un monde où le travail aura été socialisé et où le communisme l’aura emporté », écrit-elle dans Pour une histoire du mouvement ouvrier féminin en Russie.
Le 27 février 1917, date de la journée internationale des femmes dans le calendrier orthodoxe, ce sont les ouvrières travailleuses du textile de Petrograd qui ont déclenché la première révolution qui allait mettre à bas le tsarisme et la féodalité en Russie. « L’initiative fut spontanément prise par un contingent du prolétariat exploité et opprimé plus que tous les autres: les travailleuses du textile » écrira Léon Trotski dans son Histoire de la révolution russe. Travaillant jusqu’à 12 heures par jour, voire 14 dans ce dernier secteur où elles représentent les deux tiers de la main d’oeuvre, ces salariées touchent des paies parfois inférieures de moitié à celles des hommes et endurent un harcèlement sexuel permanent. « Harassées par le travail et de rudes conditions d’existence, à la limite de la famine, relate Kollontaï, les femmes quittèrent les usines et au nom de la cause commune, privèrent leurs enfants de leur dernier bout de pain. En période de troubles et de grèves, poursuit-elle, la femme du prolétariat, piétinée, craintive et privée de droits, grandit soudainement et apprend à se tenir haute et droite ».
La feuille de route du gouvernement bolchevique, c’est Alexandra Kollontaï qui est chargée de l’appliquer. Nommée commissaire du peuple à l’Assistance publique, elle hérite d’un portefeuille équivalent à notre ministère des Affaires Sociales. Vaste chantier dans un pays où la dernière mesure en la matière, prise en 1895 pour réduire le taux de mortalité en couches, s’était contenté d’imposer, sans succès, la présence d’une sage-femme dans les usines de plus de 100 salariées. Seule femme du gouvernement, Alexandra Kollontaï prévoit un allègement de la durée du travail pour les futures mères, une dispense des tâches les plus pénibles et une assurance pour leurs soins médicaux. Elle instaure un congé maternité de 16 semaines et des pauses toutes les 3 heures pour allaiter le nourrisson sur son lieu de travail. Plus largement, elle assigne à un département pour la protection de l’enfance un objectif ambitieux: « Assurer la subsistance à chaque mère (…) créer partout des maisons de maternité, fonder dans toutes les villes et tous les villages des crèches et autres oeuvres analogues pour permettre ainsi à la femme de servir utilement l’Etat et d’être mère à la fois ». Alexandra Kollontaï considère que le mariage est une servitude et milite pour l’union et l’amour libre, l’égalité totale entre les hommes et les femmes.
A la mort de Lénine, elle est éloignée du pouvoir et envoyée en Norvège en 1924 comme ambassadrice de la Fédération communiste. C’est la première femme ambassadeur. Staline va revenir sur une partie des acquis de cette oeuvre révolutionnaire dans le domaine sociétal à partir des années 30: Pénalisation de l’homosexualité, restriction drastique du recours à l’avortement, nouveau code du mariage, médailles attribuées aux mères de familles nombreuses…
Les femmes sont nombreuses aussi à s’engager en politique du côté communiste russe, à l’instar des grandes figures allemandes Clara Zetkin et Rosa Luxemburg.
Congrès de l’Internationale ouvrière à Copenhague, 1910: Clara Zetkin et Alexandra Kollantai au centre
Alexandra Kollantai