Andrée Moat (1920-1996)
UNE CITOYENNE ENGAGÉE DANS LE MILITANTISME
Cent ans d’engagements communistes en Finistère
André Moat à la tribune d’un meeting de la CGT en 1978 ou 1979 (fonds A. Moat, CRBC) – Photo présentée dans le Maitron en ligne
Andrée Moat (1920-1996)
UNE CITOYENNE ENGAGÉE DANS LE MILITANTISME
Il est de bon ton aujourd’hui dans certains milieux d’opposer citoyenneté et engagement politique et syndical. Andrée MOAT, au contraire fut une immense citoyenne militante communiste, CGT et culturelle.
1 – SYNDICAL
La première fois que j’ai vu Dédée MOAT c’est en 1968. Jeune enseignant je venais de prendre ma carte au Parti à la cellule de St Martin-des-Champs. Avec la fougue des néophytes je ne ratais pas une des nombreuses réunions. En alternance avec Emile LE FOLL, responsable cheminot, Dédée assurait la prise de parole de la CGT. Avec un talent d’oratrice certain nourri de la culture et de son expérience politique et syndicale. Il fallait voir comment elle enflammait les salles. Plus tard je la croiserai dans bien des manifs avec ses camarades de la CGT de Saint-Pol.
2 – POLITIQUE
Dès 1945 elle adhère au parti communiste et en sera membre jusqu’à sa disparition. Je la retrouverai au comité fédéral puis au bureau fédéral du Finistère Nord où le jeune responsable que j’étais, apprit beaucoup de sa participation à la réflexion collective, de sa capacité à prendre du recul et de la hauteur sans jamais oublier ni les enjeux ni la réalité concrète. Mais l’apport de Dédée dépassait largement cette dimension « institutionnelle ». Sa porte était toujours ouverte et ses oreilles attentives aux réflexions et aux interrogations face à des situations politiques toujours plus complexes. Je sais que, comme moi, nombreux furent les dirigeants qui bénéficièrent de ses réflexions et de ses conseils.
Dirigeante de premier ordre donc mais aussi militante de terrain. Il faut avoir participé avec elle à des campagnes électorales dans ce Léon si fermé aux idées communistes pour savoir ce que cela impliquait comme engagement et comme énergie. Que ce soit pour assurer les réunions , pour distribuer des tracts ou pour vendre la presse, elle était toujours présente et active.
Sans parler évidemment de son immense activité autour des livres, Dédée fut vraiment de celles et de ceux qui contribuèrent à faire du PCF et de son entourage un incomparable intellectuel collectif.
3 – CULTUREL
En plus de sa passion pour les livres pour laquelle elle sillonna au volant de sa 2CV les routes du Finistère, d’une fête ou d’une réunion à l’autre, embauchant un camarade chauffeur lorsque la conduite devenait plus difficile pour elle. Dédée s’investissait dans la vie culturelle et associative locale que ce soit le cinéma, l’amicale laïque ou la défense de l’école. Sa forte personnalité, ancrée au milieu de camarades très soudés de sa cellule/section de Saint-Pol/Roscoff, ont fortement marqué la vie sociale et politique de ce coin de Léon. En témoigne la popularité qui fut la sienne dans toute la population , dans tous les milieux des chercheurs en biologie marine comme des emballeurs de Saint Pol , des élus roscovites comme des dockers du port .
C’est un cadeau de la vie pour moi que d’avoir pu connaître et militer avec quelqu’un de la qualité de Dédée.
Alain DAVID
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Yvonne Rainero
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Article du Maitron en ligne – établi par Paul Boulland
http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article158608, notice MOAT Andrée, Françoise par Paul Boulland, version mise en ligne le 4 mai 2014, dernière modification le 12 novembre 2019.
Née le 5 octobre 1920 à Paris (XVIIe arr.), morte le 12 novembre 1996 à Morlaix (Finistère) ; bibliothécaire CNRS à Paris puis à Roscoff (Finistère) ; militante communiste et syndicaliste CGT ; membre du conseil national du syndicat CGT du CNRS, membre du bureau de l’UD-CGT du Finistère (1971-1972) ; membre du comité (1959-1985) et du bureau (1965-1979) des fédérations communistes du Finistère, puis Finistère Nord.
Son père, Jean Moat, ingénieur à la Thomson-Houston, mourut en 1941. Sa mère, Marie-Louise Moat, née Daroque, fut secrétaire de direction avant son mariage puis sous-économe du centre d’apprentissage de Clamart (Seine, Hauts-de-Seine) après la mort de son mari.
Andrée Moat était l’aînée de trois filles. Sa sœur cadette, Colette Moat, épouse Privat, professeure de lettres puis enseignante à l’Université de Rouen, fut député communiste de Seine-Maritime.
La benjamine, Sylvie Moat, épouse Blanc, fut monteuse de cinéma, notamment pour René Allio.
André Moat poursuivit des études supérieures et fut licenciée ès lettres. Elle fut un temps enseignante, dans un lycée de Villeurbanne (Rhône) selon Gabriel Le Gall, un de ses anciens camarades du PCF à Roscoff. Elle intégra ensuite le CNRS, comme bibliothécaire. À la fin des années 1940, elle participa notamment à l’établissement de deux volumes de l’Inventaire des périodiques scientifiques et techniques reçus depuis 1938 par les bibliothèques de Paris.
Adhérente du PCF et des Jeunesses communistes en 1945, elle fut secrétaire de la cellule communiste du Muséum d’histoire naturelle (Ve arr.) en 1946-1947. Elle épousa Walter Küffer, le 27 décembre 1947 à Paris (Ve arr.) et s’établit avec lui en Suisse, dans la région de Berne, où elle adhéra au Parti suisse du Travail, et fut secrétaire de la section Berne Romande, entre 1948 et 1950. Un fils, prénommé Hans, naquit de cette union, en 1949. Revenue en France, séparée de son mari, elle revint s’établir avec son fils à Clamart, où elle fut secrétaire de la cellule locale Saint-Étienne à partir de 1951.
En 1954, Andrée Moat travaillait au centre de documentation du CNRS, situé à Paris, dans le Ve arrondissement. Entre 1952 et 1956, elle siégea au secrétariat de la section Clamart, comme responsable à la propagande. En 1953, elle fut candidate aux élections municipales sur la liste conduite par Roger Dumagny, premier secrétaire de la section. Déjà élève d’une école fédérale au cours de l’année 1954, elle fut candidate à une école centrale d’un mois du PCF destinée aux rédacteurs. Sa candidature fut écartée par la Section de montée des cadres qui souhaitait des éclaircissements sur ses séjours en Suisse. Entre 1953 et 1956, elle fut également membre du bureau puis secrétaire générale adjointe du syndicat national des techniciens du CNRS.
En 1956, Andrée Moat vint travailler à Roscoff, comme bibliothécaire de la station de biologie marine du CNRS, et assuma de nouvelles responsabilités militantes. Secrétaire de la section de Saint-Pol-de-Léon (Finistère), elle siégea au comité (1959-1965) et au bureau (1965-1979) de la fédération du Finistère puis du Finistère Nord, créée en 1972. Elle y fut à nouveau chargée de la propagande. Elle quitta le bureau fédéral en 1979 et siégea au comité fédéral jusqu’en 1985. Elle fut candidate du PCF aux élections cantonales (canton de Saint-Pol-de-Léon) en 1967, 1973 et 1979.
En 1967, elle obtint 566 voix, soit 5,61% des suffrages exprimés.
Toujours militante syndicale, responsable de la section CGT de la station biologique de Roscoff, Andrée Moat fut élue au comité national du syndicat CGT du CNRS (1959-1961). Elle participa également à la section départementale de l’Union Générale des Fédérations de Fonctionnaires (UGFF). Sur le plan interprofessionnel, elle siégea à la commission exécutive (1960-1983) et au bureau (1971-1972) de l’UD-CGT du Finistère. Elle fut également trésorière de l’UL-CGT de Saint-Pol-de-Léon.
Guy Jacques, océanographe au CNRS qui fut son collègue à la station biologique de Roscoff, évoque dans ses souvenirs, « une bibliothécaire, Andrée Moat, toujours en bleu de travail pour rappeler son appartenance au Parti communiste et à la CGT. »
Gabriel Le Gall témoigne lui aussi de son éternel « bleu de chauffe ».
Secrétaire adjointe du ciné-club de Saint-Pol-de-Léon/Roscoff, elle siégea au comité national de la Fédération française des ciné-clubs dans les années 1960.
Durant de longues années, Andrée Moat fut responsable de la librairie dans les rassemblements locaux ou départementaux de la CGT et du PCF. Selon ses anciens camarades, elle se refusait à y vendre des ouvrages qu’elle n’avait pas lu elle-même.
Figure de la ville de Roscoff, tant par son activité professionnelle que par ses engagements, Andrée Moat reçut la médaille de la ville à l’occasion de son départ en retraite, en 1985. Elle continua de militer au sein de la section CGT des retraités de l’UL-CGT de Saint-Pol-de-Léon.
Son fils Hans Küffer devint architecte en région parisienne. Il fut lui-même militant communiste.
Après son décès, ses archives personnelles furent confiées à Denise Roudot, puis déposée par Yves Le Berre au Centre de Recherche Bretonne et Celtique (CRBC) de l’Université de Bretagne occidentale (UBO), à Brest (Finistère). S’y ajoutèrent, en 2016, deux boîtes rendant compte de son activité à Clamart (1953-1954), conservées originellement au Centre d’Histoire sociale du XXe siècle. Ce fonds documente, presque au jour le jour, de plus de quarante ans d’activités militantes.