Conseil Départemental du Finistère du 26 octobre 2023
Intervention d’Ismaël Dupont sur le Rapport de la Chambre régionale des Comptes sur les collèges du Finistère.
On peut discuter du contenu des préconisations de la Chambre régionale des Comptes surtout quand elles sont justifiées sur le plan de la qualité de l’enseignement ou de l’efficacité pédagogique mais ce rapport a néanmoins le mérite de nous permettre d’établir des comparaisons sur un nombre limité de critères dans le temps et au niveau national, régional et départemental, et de nous rendre sensible certaines évolutions de nos collèges, et pas seulement pour ce qui concerne l’action publique départementale.
Sur cette question de l’éducation publique qui, les débats inquiets et douloureux qui ont suivi les meurtres de Samuel Paty et Dominique Bernard en attestent, reste centrale du point de vue de notre projet social global, du vivre ensemble, de la société dans laquelle nous voulons vivre, comme de l’émancipation intellectuelle et culturelle et de la construction des personnes humaines, ne pouvant simplement se penser à partir de critères comptables et budgétaires, mais justifiant tous nos efforts, ceux de l’État comme ceux des collectivités selon leurs compétences.
La légère augmentation annuelle de la population finistérienne ne se traduit pas par une augmentation des jeunes scolarisés en collège.
Le nombre de collégiens a baissé de 4000 et de près de 9 % en 26 ans, passant de 47 000 en 1994 à 43 000 en 2020 dans le Finistère. Une tendance à la baisse qui, nous dit-on, pourrait perdurer avec la diminution de nombre de naissances depuis 10 ans.
Il y a un risque, on le voit, comme le rectorat d’académie demande à récupérer des moyens dans le Finistère et les Côtes d’Armor, pour les redéployer sur l’Ille-et-Vilaine, dont la démographie et la population scolaire est en plein boom…
Un risque qu’on nous encourage à fermer une partie de nos 61 collèges publics, et à regrouper certains collèges, ou certains collèges avec des lycées en des cités scolaires mutualisant certains moyens matériels, humains, équipements.
Nous prenons acte cependant de l’intention de la majorité actuelle de ne fermer aucun collège public sous ce mandat et saluons cette volonté affirmée clairement et qui nous semble aller dans le bon sens.
Dans le rapport de la « Cour régionale des comptes », il est beaucoup question du taux d’occupation limité sur certains collèges. Ce rapport laisse même entendre qu’une trop grande proximité des collèges par rapport aux lieux de domicile des enfants pourrait être à corréler avec de moins bons résultats scolaires, moins de mixité sociale, moins d’émulation.
On voit ce qu’on veut démontrer. Il faut tout de même noter l’impact du réseau privé sur la mixité sociale, et la sur-représentation des catégories les plus défavorisées et populaires, dans les établissements publics, et cela en milieu urbain comme en milieu rural.
Or, en matière d’éducation aussi, on peut constater que bien souvent, jusqu’à un certain point, « small is beautiful » : un petit collège de 200 à 300 élèves peut permettre, mieux qu’un grand collège à effectif de moyenne nationale ou au-dessus de la moyenne (+440 élèves) – un meilleur encadrement humain et pédagogique, un meilleur investissement des parents, et une interconnaissance entre parents et équipes, une meilleure intégration au quartier, au bourg et au réseau des villages et à leur vie sociale, un meilleur climat scolaire.
Si les résultats au DNB dans le Finistère sont bons, au niveau de la moyenne Bretonne, c’est lié à des facteurs culturels et sociaux de long terme, des particularités bretonnes, notamment la valorisation de l’école et de la réussite scolaire dans les familles, mais aussi à la vitalité de ce réseau de collèges, et à l’investissement de leurs équipes éducatives, des plus petits aux plus grands.
Notre réseau des collèges correspond d’ailleurs dans sa densité au maillage des petites et moyennes villes qui font l’originalité du département et une partie de son climat social caractérisé comme plus solidaire, actif, et aussi fraternel et apaisé que dans d’autres départements.
« A cet égard la chambre régionale des comptes invite la collectivité à poursuivre le regroupement de certains collèges marqués par de faibles taux d’occupation et des résultats insuffisants au diplôme du brevet ».
Cette idée est répétée plusieurs fois, assortie de l’hypothèse de regroupements en Cité scolaire avec des lycées gérés par la région.
Méfions-nous donc. La notion de taux d’occupation nous semble à manier avec précaution :
« En outre, plusieurs secteurs affichent des taux d’occupation particulièrement bas. Ainsi les collèges situés en zones rurales comme Huelgoat, Guerlesquin, Crozon, Plozévet, Plouescat, Plougasnou sont occupés à moins de 60 % »
Le rapport cite aussi quelques éléments sur les moyens publics consacrés aux collèges : Il qualifie les dépenses du département pour les collèges privés et publics de maîtrisées sur la période 2016-2021, avec un progrès de 11 % sur cette période de 5 ans.
Malgré ce réseau dense de collèges et cette moyenne moins forte d’élèves par collèges, le département du Finistère consacre 37,82€ par habitant à ses collèges contre une moyenne nationale de 41,44€/habitant.
Les dépenses du département par collégien (public et privé confondus) sont de 818€ par collégien/ médiane nationale à 1006€/ collégien. « Le coût par collégien du secteur privé (507€) est inférieur au coût par collégien du secteur public en 2019 (1050€). C’est légèrement inférieur à la moyenne bretonne. Le 56 et le 22 donnent plus, le 35 donne moins pour le privé.
Le taux d’encadrement de personnel départemental par élèves de collège public est conforme à la moyenne régionale.
« Le coût par collégien du Finistère inférieur à la moyenne bretonne s’explique par des dotations aux collèges moins élevées que la moyenne, d’une part, ce malgré la faiblesse des achats pris en charge directement par le département et par des frais de personnels par collégien du public (750 € en 2019) légèrement inférieurs à la moyenne (moyennes métropolitaine de 752 € et régionale de 779 €), d’autre part. »
Nous avons une marge de progression par conséquent. Tant mieux. On ne fera jamais trop pour la qualité de l’éducation de nos enfants ! Et bien souvent les moyens pédagogiques dans les établissements publics sont chichement comptés, l’éducation nationale et le département se renvoyant la balle pour le financement des manuels, des livres, des projets pédagogiques, même s’il y a de l’argent à chercher dans le cadre des appels à projet de l’État, dans des cadres très définis, moins pour ce qui fait le quotidien scolaire des enseignants et des élèves dans les disciplines.
Le rapport note aussi que le département du Finistère est caractérisé par des collèges à taille réduite et par une forte concurrence avec le secteur privé.
43,4% de collégiens inscrits dans le réseau privé en Bretagne
42,8% dans le Finistère (moyenne nationale à 22% de collégiens dans le privé).
Le Finistère compte ainsi 109 collèges, dont 61 collèges publics. 56% de collèges publics accueillant 57,2% de collégiens.
Mais la part du secteur privé s’accroît proportionnellement, et c’est ce qui doit nous préoccuper, car les écoles privées ne sont pas soumises aux mêmes obligations de mixité sociale, d’accueil de tous les enfants en fonction de leur sectorisation, de laïcité:
en 1994, le département comptait 47 149 collégiens, dont 27 281 dans le secteur public (58% de l’effectif). Le secteur public a perdu depuis 30 ans 2600 collégiens. Et le secteur privé n’a perdu dans le même temps, dans le Finistère, que 1400 collégiens.
Le rapport dit que cette tendance « peut s’expliquer par une stratégie d’évitement de la carte scolaire ».
A Brest, dans les collèges, la part du secteur public est passée de 60% à 53% entre 1994 et 2020, de 66% à 53% à Concarneau.
A Quimper, perte des effectifs des collèges publics qui s’est accrue à partir des années 2010, le privé devenant dominant en 2017.
La Chambre régionale des comptes invite à repenser la carte scolaire pour tenter d’homogénéiser le degré de mixité sociale entre les établissements publics d’une même commune. Elle invite à « restructurer les cartes scolaires de Brest et Quimper »
A Morlaix, il y a eu un rééquilibrage, porté notamment, dit la Chambre régionale des comptes, « par l’amélioration des résultats au DNB du collège Mendès France ».
En Comité Académique restreint de l’éducation nationale, on présente aux syndicats tous les ans le financement attribué par les Collectivités territoriales aux établissements privé : 2, 221 M pour le 29 contre 600 000 € dans le 22 ; 2,3 M dans le 35 et sans surprise 2 519 818 € dans le 56 qui atteint les plafonds de la loi Falloux.
Il y a manifestement aujourd’hui une volonté de l’exécutif d’aider davantage les collèges privés.
On peut s’inquiéter à cet égard des conséquences sur les effectifs des élèves en collège public de l’impact du bouclier tarifaire sur la cantine pour les élèves boursiers du public et du privé dans les collèges du Finistère (écrêtement du coût du repas à 2€ pour les familles qui ont droit aux bourses, sans progressivité en fonction des revenus), car comme prévu, la mesure favorisera considérablement les collèges privés: 75 986€ d’aide à la restauration pour les écoles publiques (17 148 collégiens en 2023) / 165 924€ pour les écoles privées (14 665 collégiens en 2023). Surtout, cela rend les collèges privés + attractifs (puisque la cantine pouvait coûter 5€ et quelques aux familles, et maintenant elle ne coûtera que 2€ aux familles boursières)