Guerre à Gaza : « La France doit reconnaître l’État de Palestine », alerte Fabien Roussel
Au Proche-Orient, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, a rencontré Mohammed Chtayyeh, le premier ministre palestinien, et s’est rendu dans des camps de réfugiés. Lors de ce déplacement, il s’est également entretenu avec des familles israéliennes qui manifestent devant la Knesset pour un cessez-le-feu à Gaza et la libération des otages.
Au Proche-Orient, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, a rencontré Mohammed Chtayyeh, le premier ministre palestinien, et s’est rendu dans des camps de réfugiés. Lors de ce déplacement, il s’est également entretenu avec des familles israéliennes qui manifestent devant la Knesset pour un cessez-le-feu à Gaza et la libération des otages. Entretien.
Pour quelles raisons vous êtes-vous rendu en Israël et dans les territoires palestiniens ?
Ce qui se passe en Palestine, à Gaza notamment, mais aussi dans les territoires occupés, en Cisjordanie, à Jérusalem-Est, est d’une gravité sans nom. Peu de monde le mesure véritablement, hormis les Palestiniens. Les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre ont été un événement majeur qui va marquer ce XXIe siècle. Ce qui est en train de se passer à Gaza risque de le marquer de la même horreur et de la même barbarie.
À Gaza, 2 millions d’habitants sont enfermés. Ils subissent une grande famine. Toutes les personnes que nous avons rencontrés nous expliquent que jamais ils n’ont connu une situation humanitaire aussi grave. C’est sans précédent dans l’histoire contemporaine.
La politique de Benyamin Netanyahou et de son gouvernement suprémaciste d’extrême droite débouche sur des crimes terribles en Cisjordanie et à Gaza dont ils devront répondre devant la justice internationale. Les mots que nous avons entendus sont les mots de génocide, de nettoyage ethnique, d’apartheid. Des mots employés par des ONG, par des habitants, par des élus palestiniens. C’est donc d’une extrême gravité. Il est important de rapporter en France ce qui se passe ici. Il faut mettre fin à cette barbarie.
Vous avez rencontré des Israéliens endeuillés le 7 octobre et des Palestiniens de divers camps de réfugiés en Cisjordanie. Qu’en retenez-vous ?
Nous avons rencontré un père de famille qui a perdu son fils, Tom, de 52 ans, tué dans un kibboutz, le 8 octobre, au matin. Il est effondré. Il dénonce la responsabilité du gouvernement de Netanyahou dans la mort de son fils. J’ai fait aussi la connaissance d’un père de famille dans le camp de Jalazone. La Paix est l’exigence qui revient dans la bouche de ces deux hommes. Les députés communistes israéliens que nous avons rencontrés mènent le même combat au sein de la Knesset, dans des conditions extrêmement difficiles. Car ce gouvernement d’extrême droite réprime violemment tous ceux qui osent mettre en doute le principe même de cette guerre.
En Israël, 44 organisations ont comme mot d’ordre : « Arrêtez la guerre ». À l’instar de Standing Together (Debout ensemble), qui réunit des juifs et des Arabes et qui organise depuis des années des manifestations pour la paix, elles appellent au retour des otages, à la fin de l’occupation et à une solution politique à deux États. Je propose de reprendre cet appel en France.
En Cisjordanie, nous nous sommes entretenus avec des familles dans plusieurs camps de réfugiés. Nous avons vu Fadwa Barghouti, l’épouse de Marwan, l’un des plus anciens prisonniers politiques palestiniens. Nous avons également été reçus par le premier ministre palestinien, Mohammad Chtayyeh, le ministre des prisonniers, le maire de Bethléem. L’aggravation et la détérioration de la situation en Cisjordanie est particulièrement grave.
« La bande de Gaza, ce n’est plus une prison à ciel ouvert, c’est un cimetière. »
Elle est le fruit d’une stratégie politique du gouvernement israélien, qui consiste à pousser les Palestiniens de ce territoire à quitter leur pays. Il s’agit d’une politique de colonisation extrêmement violente : plus de 400 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre, parfois par des colons. Je regrette que si peu de chefs d’État ne dénoncent ces crimes, des crimes contre l’humanité. La France a pris des sanctions contre 28 colons. Je demande au président de la République d’aller plus loin. Il faut sanctionner les associations de colons qui organisent des violentes expéditions punitives.
Avez-vous eu l’occasion de discuter de la question de l’UNRWA, l’organisme des Nations unies en charge des réfugiés palestiniens dont l’existence est menacée ?
Bien avant le 7 octobre, le gouvernement israélien faisait tout pour discréditer le rôle de l’UNRWA. Désormais, son existence même est en jeu. Si, demain, cette agence disparaissait, tous les habitants des camps, en Cisjordanie comme à Gaza, mais aussi en Jordanie, au Liban et en Syrie, se retrouveraient dans le dénuement le plus complet. C’est elle qui garantit, entre autres, le fonctionnement des écoles et des hôpitaux. L’UNRWA a également subi de lourdes pertes à Gaza : 160 membres de son personnel ont été tués depuis le 7 octobre et 355 de ses infrastructures ont été bombardées. Il est indispensable que cette agence des Nations unies poursuive ses activités.
De son existence dépend la reconnaissance du statut de réfugié, et donc du droit au retour pour ces millions de réfugiés palestiniens, comme le stipule la résolution 194 de l’ONU. Quant à la bande de Gaza, ce n’est plus une prison à ciel ouvert, c’est un cimetière. L’armée et le gouvernement israéliens font tout pour, à terme, vider ce territoire de ses habitants. Face à la politique de Benyamin Netanyahou, qui ne montre aucun signe de fléchissement, la pression internationale doit être plus forte afin que l’aide humanitaire arrive. Il faut stopper cette guerre.
Que comptez-vous faire en ce sens ?
Tous ceux que j’ai rencontré m’ont demandé d’agir pour que cesse ce qu’ils appellent le génocide. Ils m’ont dit aussi que, s’ils avaient regretté la position de la France au début, ils observent un changement de ton ces dernières semaines. Ils souhaitent que la France parle beaucoup plus fortement et, surtout, agisse. Comme l’a souligné le premier ministre palestinien, Mohammad Chtayyeh, la France doit reconnaître l’État de Palestine. Le PCF appuie cette demande depuis des années. De nombreux pays de l’Union européenne seraient prêts à une telle décision. Le moment est venu. Je défendrai cette proposition auprès du président de la République.
Il faut créer un mouvement de pression politique sur le gouvernement de Netanyahou. La reconnaissance de l’État de Palestine y participe. Des sanctions contre les responsables des crimes commis actuellement à Gaza sont également nécessaires tout comme contre ceux qui empêchent la nourriture de rentrer. Cinq points de passage sont possibles vers l’enclave palestinienne. Quatre se situent sur le territoire israélien et un en Égypte. Seuls deux sont ouverts. Les Israéliens bloquent les trois autres points d’accès. Ce n’est pas tolérable, c’est pourquoi il faut élever le niveau des sanctions.
Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures en matière de droits internationaux. L’Europe et la France ont pris des sanctions importantes contre les oligarques russes, contre ceux qui soutiennent la guerre de Poutine. Il faut faire de même contre les responsables des massacres de Palestiniens en Cisjordanie et ceux qui, à Gaza, organisent une des plus grandes famines de ce siècle.
Enfin, les acteurs économiques, qui entretiennent des relations étroites avec le gouvernement israélien, ne peuvent être exonérés de leurs responsabilités dans cette tragédie.
Il convient également de dénoncer le sort fait aux femmes : celui des Israéliennes, victimes des violences du Hamas le 7 octobre ; celui des Palestiniennes harcelées, battues dans les prisons israéliennes, parfois menacées de viols par l’armée.
Il faut aussi parler aux Israéliens, aux membres de la communauté juive qui ont peur de la paix. Car la guerre à perpétuité n’apportera jamais la sécurité. Au contraire, elle engendre du racisme, de la haine et de la pauvreté.
Toutes les familles israéliennes sont touchées par la guerre, par les attentats du 7 octobre ou par le sort des otages. De même, aucune famille palestinienne n’est épargnée par le drame de Gaza tout comme par l’occupation de la Palestine. Il faut de nouveau croire en la paix. C’est la seule garante de la sécurité et de la prospérité pour les deux peuples et la région.