« La gauche ce sont des services publics universels, pas la charité »
« Comment va-t-on payer les factures, passer les fêtes de Noël ? Les Français sont inquiets. Donc on a besoin de changer ensemble cette situation », déclare Fabien Roussel.
Entretien
Fabien Roussel, secrétaire national du PCF sacré personnalité politique la plus appréciée des Français par le sondeur Cluster 17, est ce samedi en meeting à la Fête offensive des communistes des Bouches-du-Rhône.
La Marseillaise : La question des salaires est l’objet de fortes mobilisations, quel discours tenez-vous sur le sujet ?
Fabien Roussel : J’en ai parlé pendant toute la campagne de la présidentielle et cela reste le nœud, le cœur du sujet de cette rentrée. Il n’y a jamais eu autant de grèves, de mobilisations dans les entreprises pour obtenir, arracher des hausses de salaire, pour faire en sorte qu’un travail ça paye. Pour faire en sorte que se déplacer pour aller travailler permette de vivre, de payer ses courses, ses factures, son crédit, ou des études pour ses enfants. Aujourd’hui, on est très loin du compte. Je rencontre beaucoup de salariés, qui ont de l’ancienneté : 10 ans, 15 ans, 20 ans et qui ont des salaires à 1 500 ou 1 600 euros, qui n’arrivent pas à vivre tellement les prix ont augmenté. Alors oui, il faut réussir à arracher partout des hausses de salaire et obtenir du gouvernement une hausse du Smic partout dans le privé, mais aussi dans le public.
Quelle est pour vous la définition du travail ?
F.R. : Le travail c’est ce qui permet de produire ce dont a besoin pour répondre aux besoins d’une population, d’un pays. Pour se nourrir, se déplacer, pour répondre à la révolution énergétique, environnementale qui est nécessaire. Le travail, c’est ce qui doit nous permettre de créer, d’inventer tout ce dont on a besoin.
On a beaucoup parlé de la polémique sur les allocations, comment comprendre votre pensée sur le sujet ?
F.R. : J’ai voulu parler comme les gens me parlent et j’ai répété oralement dans un échange avec des journalistes ce qu’ils me disent : « Il faut que vous à gauche vous redéfendiez le travail. On en a marre de vivre d’allocations, de minima sociaux. On ne vit pas avec ça. » C’est ce que j’entends. Et tout est fait par ce gouvernement pour opposer les Français. Entre ceux qui travaillent et qui ont de maigres salaires et ceux qui ne travaillent pas et ont des revenus de solidarité extrêmement bas et vivent sous des seuils de pauvreté.
Ils nous divisent entre nous. Je souhaite construire une société où tout le monde vit de son travail, où on arrive à éradiquer le chômage, où notre objectif est de permettre à chacun d’avoir sa place dans la société avec un travail, un salaire, des temps de formation tout au long de la vie. C’est qui doit tous nous rassembler à gauche et c’est ce débat que j’ai voulu ouvrir.
Quelle est justement la bataille culturelle au PCF pour reconquérir cet électorat perdu ?
F.R. : L’enjeu pour toute la gauche est de pouvoir aller reconquérir ces millions de travailleurs, les classes populaires comme les classes moyennes, qui aujourd’hui ne se sentent pas assez soutenus. Notre discours a du mal à parvenir jusqu’à eux et pour cela il faut pouvoir leur parler comme eux nous parlent et apporter des réponses. Je pense qu’il faut être offensif. Il ne faut pas avoir peur d’aller au débat, de parler du RSA. Le RSA ne peut pas être une solution à vie. Cela fait 40 ans que le RSA existe en France. Ce n’est plus possible. Il faut sortir de ce système-là.
Pourquoi alors la gauche continue-t-elle de se fissurer ?
F.R. : Nous avons d’abord réussi à nous rassembler aux législatives, sur un socle commun de propositions. Une base de départ qui nous a permis de gagner 150 députés. Mais ce socle ne nous a pas permis de remporter une majorité et de convaincre les 26 millions d’électeurs qui se sont abstenus. C’est plus de 50 % de l’électorat. Il nous faut être beaucoup plus offensifs sur les services publics qui doivent être universels, pour une énergie décarbonée et pas chère. Tout le monde doit avoir droit à l’électricité pas chère et pas en fonction de ses revenus avec des chèques qui nous divisent. La gauche, ce sont des services publics universels et ce n’est pas la charité en fonction de ses revenus.
Propos recueillis par Catherine Walgenwitz