C’était ce jeudi 3 février à Brest, la jeunesse mobilisée pour l’accès de tous à la fac, et une Université de qualité, avec des vraies moyens.
Mobilisation de la jeunesse pour des conditions d’études dignes ce jeudi 3 février après les annonces indignes d’Emmanuel Macron ouvrant la voie à des études supérieures à l’Université plus chères, à la fin du principe de la gratuité de l’enseignement supérieur!
Voir l’article de l’Humanité avec l’interview de notre camarade sénateur communiste Pierre Ouzoulias, déjà venu à Brest sur la question de Parcoursup à l’invitation du PCF:
Pierre Ouzoulias : « Pour l’Élysée, un cursus, c’est comme un produit de luxe »
Selon Pierre Ouzoulias, sénateur PCF des Hauts-de-Seine, le chef de l’État ne se soucie que de la préservation des élites. Un projet émancipateur et démocratique pour l’enseignement supérieur implique d’assurer la réussite de toutes et tous.
Faut-il s’étonner des déclarations d’Emmanuel Macron devant France Universités ?
Oui et non… On y retrouve l’essentiel de son programme de 2017 : un projet de transformation néolibérale de l’université, que Frédérique Vidal a appliqué de façon scrupuleuse pendant cinq ans. C’est un échec absolu, qui a conduit l’enseignement supérieur dans une situation catastrophique. À commencer par la précarité des étudiants, source de souffrances terribles, et bien entendu la faiblesse structurelle du financement des universités. Cela fait dix ans que le budget moyen par étudiant baisse chaque année, il est aujourd’hui l’un des plus bas de l’Union européenne. Le président prend-il en compte cet échec patent ? Non. Il revient de façon dogmatique à son programme de 2017. En fait, l’université ne l’intéresse pas. Comme pour beaucoup des membres des élites françaises, ce qui lui importe, c’est que celles-ci continuent à se perpétuer grâce aux grandes écoles. L’université, ça ne compte pas.
Pourtant, Frédérique Vidal répète qu’on n’a jamais autant investi dans l’enseignement supérieur…
C’est complètement faux. Le budget moyen par étudiant a baissé sous ce quinquennat, comme sous le précédent. Il y a entre 40 000 et 45 000 nouveaux étudiants chaque année. Pour les accueillir, il aurait fallu construire deux universités par an : pas une seule ne l’a été. Les établissements n’arrivent plus à faire face à cette montée du nombre d’étudiants.
Peut-on faire un lien avec l’exigence de professionnalisation des formations ?
C’est un enseignement supérieur à plusieurs niveaux que l’on voit poindre. Au niveau supérieur, les grandes écoles : on ne regarde pas à la dépense et on ne parle jamais d’employabilité, au contraire, il s’agit de donner une culture générale la plus vaste possible. Ensuite, il y a les universités qui fusionnent pour affronter la compétition internationale : celles-là, on les finance. Et puis il y a les sous-universités, dont on exige qu’elles adaptent leur offre pédagogique aux demandes du marché. C’est absolument contraire à l’idée de l’université républicaine, où l’enseignement supérieur a pour but l’émancipation, individuelle et sociale, pour tous, sur tout le territoire. Avec un objectif : permettre à une classe d’âge d’atteindre le plus haut niveau de formation possible. Le projet libéral, c’est, à l’inverse, de sélectionner l’élite en organisant la concurrence de tous contre tous. C’est Parcoursup : on parle d’égalité des chances, jamais d’égalité des droits. C’est à chacun de se faire le promoteur de sa propre réussite. Sauf que ceux qui réussissent le mieux dans ce système sont ceux qui en ont déjà les clés : les classes sociales supérieures. Même l’inspection générale de l’éducation nationale l’a reconnu : les déterminismes sociaux faussent les chances dès le début.
Emmanuel Macron est revenu en arrière sur ses déclarations…
Quand toute la société française est choquée par l’image des étudiants qui font la queue aux soupes populaires, qui peut admettre qu’on dise que la solution, c’est l’augmentation des droits d’inscription ? C’est invendable ! La crise sanitaire a permis une prise de conscience de la situation des étudiants. Macron ne veut pas le voir, pour lui, un cursus, c’est comme un produit de luxe : plus il est cher, plus il a de la valeur… Le précédent de « Bienvenue en France » le prouve, en appliquant déjà ce principe aux étudiants hors Union européenne.
Comment remédier à la précarité étudiante ?
Il faut d’abord affirmer un projet : jamais nous n’avons été confrontés à des enjeux tels que le changement climatique et environnemental. La seule façon de s’en sortir, c’est d’investir massivement dans la connaissance, la recherche, l’éducation. C’est une priorité absolue, fondamentale. Donc, il faut mettre de l’argent. Le Conseil d’analyse économique, qui n’est pas une officine de gauchistes, a montré qu’il faut entre 5 et 8 milliards d’euros pour accueillir les étudiants qui arrivent. Cet investissement peut parfaitement être financé par un grand emprunt national : on sait que chaque euro investi dans l’enseignement supérieur et la recherche entraîne des bénéfices au moins équivalents.
Comment permet-on à tous ces jeunes de vivre pendant leurs années d’études ?
Si on veut qu’un étudiant réussisse, il faut se soucier, avant même la pédagogie, des conditions matérielles de son cursus : logement, alimentation, santé. Si la nation veut qu’une classe d’âge aille le plus haut possible dans son cursus, alors elle fait confiance à cette jeunesse et lui assure les moyens matériels d’y parvenir. Ce n’est ni un salaire ni une aide sociale : c’est une aide à la réussite, un engagement de l’État pour permettre à chacune et chacun d’aller au bout de ses ambitions.
Faut-il supprimer Parcoursup ?
Malheureusement, je pense que nous n’avons même plus la possibilité de le faire dès la première année de mandat. Si on le fait, la sélection se fera sur la capacité à dormir dans la rue pour obtenir les premières places… En revanche, il faut, dès la première année de mandat, une loi de programmation qui dise : « Dans les cinq ans, je m’engage à créer tant de places dans l’enseignement supérieur. » On doit aussi restaurer le bac professionnel en quatre ans, afin d’assurer la poursuite d’études de ces jeunes. Enfin, il faut promouvoir l’autonomie pédagogique et scientifique des universités, les sortir de la vision utilitariste de Macron, qui veut faire entrer les entreprises dans les universités pour leur dicter ce qu’elles doivent faire en fonction de leurs besoins.
Le plan de Macron pour l’université : faire payer les familles
Enseignement supérieur Des organisations de jeunes et d’étudiants appellent ce jeudi à une journée d’action contre la sélection et la précarité, le projet d’Emmanuel Macron dessinant les contours de facultés à l’anglo-saxonne.
Emmanuel Macron veut-il vraiment rendre l’université payante ? La question a surgi sous les feux de l’actualité, le 13 janvier. Ce jour-là, le président de la République participait aux 50 ans de la Conférence des présidents d’université, qui actaient en même temps sa transformation en France Universités. Et il a prononcé cette phrase : « On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants. »
Le tollé fut immédiat, de la gauche à la droite. Tous dénoncent la volonté du président de la République, plus que probable candidat à sa propre succession, de rendre l’université payante en se préparant à faire exploser les droits d’inscription.
La réponse des premiers concernés, les jeunes et les étudiants, a pris la forme d’un appel à une journée de mobilisation, ce jeudi, contre la précarité, la sélection et l’augmentation des frais d’inscription. Organisations syndicales (Unef, FSE, Solidaires étudiants, l’Alternative, la Voix lycéenne) ou politiques (UEC, Génération.s, Jeunes écologistes, Jeunes insoumis, MJS) demandent « un plan d’urgence (…) à destination des étudiants et des lycéens pour de meilleures conditions d’études et de vie ». À Paris, une manifestation partira à 13 heures de Port-Royal, et d’autres initiatives se dérouleront dans plusieurs villes universitaires.
La « note de Gary-Bobo »
Emmanuel Macron, lui, a fait marche arrière. « Je n’ai jamais dit ça », s’est-il défendu, une semaine après son discours. Pourtant, ce qu’on peut connaître de son projet pour l’enseignement supérieur le contredit. Pour en dégager les grandes lignes, on peut se reporter à celui du candidat Macron en 2017, comparer ce qui a été accompli, et en déduire ce qu’il reste à faire.
Le plus parlant dans ce domaine, c’est sans doute la note de Gary-Bobo, comme on a appelé ce court texte daté de novembre 2016. Signée de Robert Gary-Bobo, professeur d’économie à l’Ensae (École nationale de la statistique et de l’administration économique), elle était adressée à Thierry Coulhon, à l’époque conseiller éducation, enseignement supérieur et recherche d’Emmanuel Macron – et nommé en 2020 par ce dernier président du Hcéres, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Robert Gary-Bobo y listait les « réformes souhaitables » pour l’enseignement supérieur, ainsi que des « éléments d’une stratégie » pour y parvenir.
Les familles vont s’endetter pour financer les études de leurs enfants
Au menu : « Parachever l’autonomie » des universités, initiée par les lois Pécresse (2007) et Fioraso (2013), en renforçant les pouvoirs des présidents appelés à devenir de véritables managers du supérieur et en leur laissant toute liberté sur les ressources humaines, la sélection des étudiants et les droits d’inscription. Sur ce dernier point, Gary-Bobo affirme qu’il « n’y a rien à attendre du budget de l’État qui soit à la hauteur des besoins ». Pour offrir aux universités le financement dont elles ont besoin, y compris pour prendre leur place dans le paysage international, il faudrait donc prendre dans la poche des familles, avec des frais d’inscription atteignant entre 4 000 et 8 000 euros par an… dans un premier temps.
Prévenant le rejet d’une telle mesure dans un pays attaché à l’égalité des droits pour tous, la note suggère fortement de pousser les familles à recourir à l’emprunt pour financer les études de leurs enfants. Au grand bénéfice du secteur bancaire, d’autant que, anticipant sur la possibilité que de nombreux emprunteurs fassent défaut, de tels prêts seraient garantis… par l’État. Ainsi serait lancé, dans le style vulgaire qui caractérise son texte, ce que Robert Gary-Bobo nomme « la pompe à finances » pour l’enseignement supérieur, au détriment des familles et des jeunes appelés à s’endetter lourdement avant même leur entrée sur le marché du travail.
Une dégradation des conditions d’études
C’est bien ce programme qui a été mis en œuvre par Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Sur le quinquennat, 220 000 étudiants supplémentaires se sont inscrits à l’université ; seules 84 000 places de plus ont été créées. Et ces places sont largement en trompe-l’œil : sans construction de nouveaux locaux (ou de nouvelles universités), sans recrutement d’enseignants-chercheurs…
Conséquences : une dégradation des conditions d’études, la précarisation des enseignants (le 26 janvier a été « le jour du dépassement » pour le Snesup-FSU, l’université ne fonctionnant plus depuis ce jour que grâce à des heures de personnels non statutaires) et la mise en péril des finances des établissements.
La domination des « personnalités extérieures »
Sur le plan des structures et de la gouvernance, on a assisté durant cinq ans à un mouvement sans précédent de fusions entre établissements, sur le modèle de ce qui se fait dans l’industrie, dans le but d’atteindre une « taille critique » face aux universités les mieux placées dans les classements mondiaux.
Ce mouvement s’est accompagné de changements profonds dans la gouvernance, ces structures mêlant souvent universités et grandes écoles, voire écoles privées, leurs instances étant désormais dominées par des « personnalités extérieures » souvent issues du monde économique. C’est sans doute là ce qu’Emmanuel Macron entendait en appelant, le 13 janvier, à faire tomber les barrières entre universités et grandes écoles.
De même, sa demande pressante à ce que l’université délivre désormais des diplômes professionnalisants, qu’Anne Roger, cosecrétaire générale du Snesup, stigmatise comme une « vision court-termiste, qui demande à l’enseignement supérieur de couvrir les besoins immédiats de tel ou tel secteur économique, et tant pis si ensuite, les jeunes sont en difficulté pour évoluer, s’adapter ».
« Un modèle qui se met en place »
L’augmentation des droits d’inscription ? « Le plan Bienvenue en France, rappelle Adèle Labich, secrétaire générale de la FSE, a déjà fait passer les droits d’inscription pour les étudiants étrangers hors Union européenne à près de 4 000 euros en master et près de 3 000 euros en licence. » Pour la jeune syndicaliste, « cela ressemble à ce qui s’est passé en Angleterre, où ils ont augmenté les droits des étudiants étrangers, et ensuite ceux des autres ». Vice-présidente de l’Unef, Maryam Pougetoux rappelle que « l’an dernier, pendant la crise du Covid, nous avions alerté sur la mise en place de prêts étudiants garantis par l’État ».
« Ce ne sont pas juste quelques mesures, c’est un modèle qui se met en place », alerte Adèle Labich. Précisément le modèle décrit par Robert Gary-Bobo et dont Emmanuel Macron a repris les grandes lignes devant France Universités, ce « Medef des universités », comme ironise Anne Roger. Un modèle où « la logique de l’offre doit prendre le pas sur la logique de la demande », selon Macron, et dont les systèmes de gestion de flux d’étudiants, comme Parcoursup (ou son petit frère dont la mise en place pour les masters a été repoussée), ont pour fonction d’obliger les jeunes à accepter ce qu’on veut bien leur offrir. Au péril de leurs projets, de leur avenir, et de celui du pays tout entier.