Le cargo « Grande America » a fini par sombrer le 12 mars dans le Golfe de Gascogne au large des cotes françaises. Il gît désormais par 4600 mètres de fond avec une partie de sa cargaison et 2200 tonnes de fuel lourd, particulièrement visqueux et polluant, destinées à sa propulsion.
Il a perdu avant son naufrage une partie des 365 containers qu’il transportait.
45 d’entre eux sont officiellement repérés comme accueillant des matières dangereuses. Mais l’on sait que la description des produits transportés est laissée à la libre appréciation des affréteurs. Les marges d’erreur, découlant de déclarations douteuses ou approximatives sont donc très significatives!
La mobilisation des moyens d’intervention et de sauvetage, la coordination opérationnelle assurée par le CROSS Atlantique, la collaboration des équipes de sauveteurs britanniques et français ont permis de sauver les 26 membres d’équipage et le passager du navire.
Si nous nous inquiétons des risques environnementaux et de leurs conséquences, nous n’ oublierons jamais que la sauvegarde la vie en mer est au cœur de nos préoccupations.
Nous saluons la compétence et le courage des sauveteurs.
Le naufrage de ce cargo hybride à la cargaison hétérogène est l’occasion malheureuse de s’interroger à nouveau sur un certain nombre de pratiques commerciales, industrielles, dont le transport maritime surpuissant à la mode « capitaliste effréné », est le cadre préféré. Il questionne aussi les relations qu’entretient l’Europe avec les régimes du continent africain.
Car enfin que pouvait bien transporter le « Grande America » ?
Des véhicules d’occasion, grand classique de l’Afrique du Nord et Subsaharienne, comme on le sait. Mais certainement aussi des produits dangereux ou usagés destinés à la destruction, à l’enfouissement, au stockage dans des conditions aléatoires, bien loin des normes de sécurité humaine et environnementale en vigueur. On citera les pneus, les déchets industriels, les résidus de chantier..pour exemple.
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On pointera du doigt avec raison la faiblesse des moyens de contrôle dont disposent les autorités locales et nationales alors que le trafic maritime est en constante progression. Les politiques libérales qui font rage en Europe supprimant systématiquement les services publics sont incompatibles avec la sécurité des citoyens, des marins et de l’environnement maritime.
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Il en va de même pour les contrôles des navires et leurs conséquences concrètes. Le « Grande America »construit en 1997, a été retenu à quai en 2010 au Royaume-Uni. Depuis, d’autres défaillances ont été régulièrement relevées par les inspecteurs de sécurité maritime à Hambourg et à Anvers. Pour autant ça ne l’a pas empêché de prendre la mer !
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Par ailleurs si l’intervention de l’Abeille Bourbon était indispensable, on peut se poser la question quant au délai incompressible qu’il lui a fallu pour rejoindre la zone d’opération en appareillant de son mouillage au Stiff. à Ouessant. La présence d’un remorqueur de haute mer supplémentaire, basé à La Rochelle et dont la zone d’intervention serait le Golfe de Gascogne est à étudier en urgence.
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Enfin on ne posera jamais assez la question de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et de son application réelle. Il est temps d’imposer d’autres règles que celle du capitalisme sans vergogne et notamment l’obligation de traiter les déchets et les résidus, les produits en fin de vie, comme la déconstruction des navires d’ailleurs, au lieu de s’en débarrasser dans les pays à bas coûts où les gouvernements locaux sont très conciliants pour ne pas dire complices.
Brest le 14 mars 2019