À l’issue d’un débat à l’Assemblée nationale, tronqué par la Macronie, le député communiste Pierre Dharréville invite la majorité à réfléchir aux conséquences d’un passage en force d’une réforme massivement rejetée.
Vendredi 17 février 2023
L’ambiance à l’Assemblée nationale a fait couler beaucoup d’encre. Quel regard portez-vous sur les échanges des deux dernières semaines ?
Le gouvernement veut imposer son projet au pays. Et il a choisi le passage en force avec une procédure budgétaire qui lui donne la possibilité de couper court au travail parlementaire, quitte à légiférer par ordonnances. De notre côté, nous avons souhaité à la fois éclairer la réalité du projet, derrière sa publicité mensongère, et manifester notre opposition frontale.
L’exécutif et la majorité utilisent tous les incidents possibles pour renvoyer à d’autres la responsabilité qui est la leur.
C’est le sens des amendements que nous avons déposés : contester, démasquer, proposer. Nous ne voulons pas que ce texte acquière de la légitimité à l’Assemblée. Pour autant, nous ne pouvons nous satisfaire de la tournure des discussions.
L’exécutif et la majorité utilisent tous les incidents possibles pour renvoyer à d’autres la responsabilité qui est la leur : celle d’un débat qui n’est pas serein parce que, dans le pays, une grande colère s’exprime. Ils tentent de se dédouaner et de renverser l’opinion, de démobiliser celles et ceux qui manifestent. C’est assez limpide et voué à l’échec. Nous avons retiré nos amendements, le 16 février au matin, pour faire cette démonstration.
« Le gouvernement n’a cessé de faire des concessions », prétend Bruno Le Maire. Presque au terme de l’examen, avez-vous relevé des modifications significatives ?
En réalité, la majorité n’accepte pas de ne pas tout décider toute seule et veut mener son projet à terme « quoi qu’il en coûte ». La semaine dernière, elle a quitté l’Hémicycle parce qu’elle allait être battue. Nous essayons de leur faire entendre raison : la seule issue raisonnable, c’est le retrait.
Le gouvernement a une obsession, une promesse faite à Bruxelles : il veut deux ans de plus de travail, deux ans de moins de droit à la retraite pour tout le monde et une accélération de la réforme Touraine, qui augmente la durée de cotisation.
Le gouvernement a une obsession, une promesse faite à Bruxelles : il veut deux ans de plus de travail, deux ans de moins de droit à la retraite pour tout le monde et une accélération de la réforme Touraine, qui augmente la durée de cotisation. Le reste, ce sont des décorations inutiles, de l’habillage pour tenter de faire avaler le cœur du projet. C’est le cas, par exemple, de l’index des seniors, une disposition complètement inefficace. Les minces « concessions » s’adressent aux « Républicains », dont ils essaient d’obtenir le vote favorable.
Emploi des seniors, pénibilité, petites pensions… Ce sont des sujets importants, mais le prix qu’ils exigent pour de maigres améliorations, souvent hypothétiques à l’instar des soi-disant 1 200 euros minimum, est inacceptable. Il ne peut pas y avoir une discussion sur des contreparties quand le refus porte sur le cœur de la réforme. La retraite est un formidable geste de solidarité, de partage, de civilisation. Nous voulons l’améliorer.
L’examen se termine ce 17 février. Quelles propositions entendez-vous défendre ?
Nous avons défendu des propositions de financement alternatif face à un gouvernement qui prend prétexte d’un déficit qu’il a largement contribué à fabriquer. C’est un peu les Dalton qui crient « Au voleur ! ». Il faut arrêter d’assécher les finances de la Sécurité sociale et en finir avec les exonérations massives de cotisations sociales et le contournement du salaire.
Depuis le premier centime, la finance juge que nos retraites lui coûtent trop cher.
Alors qu’il prétend qu’il n’y a pas d’alternatives, nous avons toute une batterie de propositions, et même une proposition de loi que nous avons présentée la semaine dernière dans l’Hémicycle. Assurer un vrai droit à la retraite par la répartition solidaire, c’est une question de classe : qui finance les retraites ? Depuis le premier centime, la finance juge que nos retraites lui coûtent trop cher. Certains membres de la majorité se font les chantres du système par répartition, mais en réalité leur projet consiste à le réduire à peau de chagrin pour faire de la place à la capitalisation qu’ils ont encouragée dès la loi Pacte, le premier étage de leur fusée.
Comment réagissez-vous à la motion de censure déposée par le Rassemblement national ?
C’est une gesticulation inutile pour essayer d’exister dans le débat et faire de la récupération. Elle est complètement à contretemps et vouée à l’échec. La question du dépôt d’une motion se posera pour nous, mais l’heure est à batailler contre ce projet.
Si les macronistes et LR s’entendent lors d’une commission mixte paritaire après l’examen du texte au Sénat, celui-ci ne sera pas réexaminé à l’Assemblée. Avez-vous encore des cartes en main ?
L’Assemblée aura à voter si tel est le cas. Ensuite, nous réfléchissons à des initiatives parlementaires qui permettraient de continuer à contester ce projet et à un recours devant le Conseil constitutionnel. Celui-ci est fondé, puisqu’il ne s’agit pas en réalité d’un budget rectificatif : il y a une tromperie manifeste et une instrumentalisation de dispositions constitutionnelles.
Le mouvement puissant qui se développe montre l’aspiration très forte au progrès social et le rejet des politiques néolibérales.
Mais ce que nous souhaitons, c’est que ce projet soit retiré avant. Le mouvement puissant qui se développe montre l’aspiration très forte au progrès social et le rejet des politiques néolibérales. Au-delà même des retraites, les effets d’un passage en force et la crise politique qu’il alimenterait devraient inquiéter.