Résolution de la conférence européenne du PCF du 14 octobre 2023

Faire entendre la voix de la France pour une Europe de peuples libres, souverains et associés.

Ensemble, pour le progrès social, la démocratie, la justice climatique, le pain et la paix !

Nous voulons une Europe au service de la démocratie, de la paix, du progrès social et du climat, libérée du poids de la finance et des logiques capitalistes. Force est de constater que l’Union européenne n’a pas su apporter la paix et n’est pas en mesure de relever les défis de l’émancipation sociale, humaine et du climat. C’est l’échec d’une orientation néolibérale martelée dans les traités européens auxquels nous nous sommes toujours opposés.

Avec la pandémie, les règles budgétaires, pourtant érigées en dogme les décennies précédentes, ont été suspendues. Des brèches se sont ouvertes mais l’UE suit toujours la même boussole : avant tout, maximiser les profits et l’accumulation contre l’emploi, la formation, la recherche et les services publics. La prétendue « souveraineté européenne » ne remet surtout pas en cause la prééminence étatsunienne, ni la concurrence entre les pays de l’UE. Et désormais la Commission européenne promeut une « économie de guerre », pour justifier le retour des politiques d’austérité, en transformant l’UE en financeuse de l’industrie d’armement.

Cette politique alimente la rupture entre les peuples et l’idée même d’Europe et accélère l’essor de l’extrême droite, aujourd’hui au pouvoir dans six des vingt-sept pays membres. Une partie des bourgeoisies européennes fait le choix d’une sortie de crise sur des bases autoritaires tandis que l’extrême droite pèse sur les politiques de l’UE, notamment par un traitement ignoble infligé aux personnes migrantes.

L’heure est aux grands choix. Un nouveau saut fédéraliste et atlantiste, tel que le prépare une autre partie des classes dirigeantes européennes, ne ferait qu’aggraver la crise. S’agirait-il alors de prôner une simple « désobéissance » ou un « Frexit » ? Nous ne partageons pas non plus ces discours qui n’ouvrent aucune perspective pour les peuples. Il y a donc urgence à initier une autre construction européenne de peuples et de nations libres, souveraines et associées. La souveraineté démocratique des peuples et des nations doit se faire entendre au service d’une coopération solidaire en rupture avec un modèle dépassé.

Nous avons un point d’appui pour cela car partout s’expriment les luttes sociales et écologiques, démocratiques et féministes, laïques, antiracistes et celles du mouvement de paix. Elles portent en elles la contestation des logiques financières et la nécessité de nouvelles coopérations en Europe donnant la priorité aux dépenses pour l’emploi, la formation, les capacités humaines et les services publics plutôt qu’au capital.

Pour les élections européennes de juin prochain, nous nous engageons donc avec cette ambition dans la constitution d’une liste de large rassemblement, ouverte à l’ensemble des forces progressistes et des représentant·es du mouvement social.

Nous y défendrons douze priorités que la France et les député·es européen.nes devront porter en Europe :

1. Pour le respect de la souveraineté des peuples

Nous refusons le retour des règles budgétaires austéritaires et la levée des règles d’unanimité en matière de défense et de politique extérieure. Nous portons l’élaboration démocratique d’un autre traité européen. Sans délai, notre pays peut dès maintenant déroger aux règles des traités européens qui vont à l’encontre des intérêts démocratiques, sociaux et économiques du peuple de France. Il peut s’atteler à la construction de fronts d’entente en Europe, non seulement pour bloquer les dynamiques antidémocratiques et antisociales et construire des alternatives et des coopérations concrètes. Nous refusons l’élargissement de l’UE existante, qui ne ferait qu’aggraver les différences de développement entre pays, et qui ne permettrait pas la définition d’un projet émancipateur au service de tou·tes. Nous proposons aux États voisins de l’UE la constitution d’un forum d’échanges et d’élaboration de politiques communes mutuellement avantageuses.

 

2. Pour une nouvelle politique énergétique

Nous voulons sortir du marché spéculatif européen de l’énergie. Nous remettons en cause les directives européennes qui promeuvent les différents marchés carbone et la « bourse du CO2 « qui permet aux grandes entreprises d’acheter des « droits à polluer » et de spéculer avec ceux-ci. Nous refusons le système européen d’échange de quotas d’émissions (ETS) et la taxe carbone, qui engendrent l’augmentation des prix. Nous voulons une organisation du secteur de l’énergie qui garantisse un droit à l’énergie pour tou·tes par la mise en place d’une agence européenne de l’énergie visant à renforcer les coopérations et les complémentarités. Une nouvelle politique énergétique est nécessaire, en maintenant une filière publique de production et de distribution, fondée sur la maîtrise des prix et sur un mix énergétique entre le nucléaire, qui doit rentrer dans les circuits de financement européen des énergies vertes, et les énergies renouvelables. Nous visons, de cette manière, à réaliser la décarbonation nécessaire de l’énergie.

3. Pour une nouvelle politique commerciale et une nouvelle industrialisation

Il est urgent de dénoncer les traités de libre-échange afin d’assurer une souveraineté industrielle et commerciale. Nous voulons construire de nouveaux traités internationaux de maîtrise démocratique des échanges et des investissements au service des biens communs, du développement mutuel, de la sécurité, de la souveraineté alimentaire, industrielle, et de la réalisation des objectifs de développement durable de l’ONU. Cela permettra une nouvelle industrialisation en Europe, répondant aux besoins sociaux et respectant la planète. Cela impliquera de même la mise en chantier d’une nouvelle planification stratégique et démocratique, s’émancipant des logiques du capital et du profit, pilotée par des services publics renforcés. Cela renforcera l’exigence d’investissements massifs dans les infrastructures portuaires et ferroviaires, connectant nos ports aux corridors ferroviaires européens pour favoriser le fret ferroviaire, maritime et fluvial. C’est une des conditions pour garantir la transition écologique et une nouvelle industrialisation faite de coopérations solidaires entre territoires, libérées de la concurrence libre et non faussée et de l’emprise de capitaux extra-européens, en premier lieu nord-américains.

4. Pour que l’argent soit au service des peuples, pas du capital.

Il importe de remettre en cause le fonctionnement et les missions actuelles de la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci doit être mise sous contrôle démocratique et pratiquer une sélectivité sociale et écologique. Dès à présent, au lieu de confier davantage de ressources propres à l’UE, il est possible de constituer un fonds finançant à taux zéro les dépenses des États pour les services publics, la transition écologique et une nouvelle industrialisation. Ce fonds serait piloté par les Parlements nationaux, le Parlement européen, les organisations syndicales européennes et les acteurs représentés au Conseil économique et social européen, avec un droit de saisine des collectivités locales. Le refinancement par la BCE des crédits des banques aux entreprises doit favoriser les crédits aux investissements porteurs d’emplois, de formation, et de critères écologiques de lutte contre les émissions de CO2. Il doit pénaliser les crédits aux délocalisations, aux suppressions d’emploi ou aux productions polluantes. La question de la dette doit également être affrontée. Les dettes publiques doivent être renégociées. Les dettes reprises par la BCE doivent permettre à cette dernière de rétrocéder les intérêts aux États emprunteurs.

5. Pour le développement des services publics démocratisés et émancipés des critères du marché.

Le développement des services publics doit être un des piliers d’un nouveau modèle social européen, aussi bien pour l’émancipation et les défis sociaux que pour les défis écologiques, ceux de la nouvelle industrialisation comme de la nouvelle politique agricole. Cela implique la sortie des services publics du droit de la concurrence libre et non faussée et la définition de nouvelles règles de coopération, ainsi que la mise en place d’un financement dédié. Le développement des services publics doit s’appuyer sur la maîtrise des filières industrielles.

6. Pour une souveraineté agricole et alimentaire.

La Politique agricole commune (PAC), dans sa conception et son application actuelles, ne correspond en rien aux grands défis environnementaux, sociaux et climatiques. Elle doit être revalorisée et refondée afin d’intégrer davantage les politiques de l’alimentation. Les critères d’attribution, majoritairement proportionnels à la superficie déclarée ou la taille du cheptel doivent être dépassés pour sécuriser le revenu des producteurs, soutenir l’emploi et accompagner la transition agro-écologique. L’UE peut agir, avec l’Organisation des nations unies et son Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), pour la construction d’une conférence mondiale pour la souveraineté alimentaire mondiale, sur le modèle des COP contre le dérèglement climatique, en sortant l’alimentation des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

7. Pour l’égalité femmes-hommes. Les luttes féministes, pour l’égalité femmes-hommes, pour le libre droit des femmes à disposer de leur corps, sont également des enjeux européens. Notre ambition est d’aligner vers le haut les droits des femmes en Europe en nous inspirant des États membres les plus avancés en la matière. La lutte contre les violences faites aux femmes, pour l’égalité professionnelle et salariale, pour une politique familiale féministe sont au cœur du projet porté par la clause de l’Européenne la plus favorisée dont nous portons l’exigence.

8. Pour la mise en chantier d’un nouveau traité européen, grâce à la réunion d’une Assemblée des peuples d’Europe, constituée des forces vives des nations européennes.

Cette nouvelle construction européenne devra permettre des coopérations différenciées selon des modalités choisies souverainement par les peuples européens. Les Parlements d’Europe devront être associés à l’élaboration des règles européennes. Au contraire des logiques actuelles de l’Union européenne, dont les politiques libérales concourent à l’abaissement des droits sociaux, il faut étendre le principe à l’œuvre dans la clause de l’Européenne de la plus favorisée à tous les droits sociaux, pour un alignement vers le haut des droits sociaux de l’ensemble des peuples européens.

9. Pour la défense de la démocratie locale et des services publics : de nouveaux financements européens en direction des collectivités territoriales.

Les fonds européens structurels et d’investissements confiés aux régions sont technocratiques, sous-utilisés et mal utilisés. Ils alimentent des disparités territoriales grandissantes. La libre administration des communes, et donc l’innovation des politiques publiques au service des populations et de leurs territoires, suppose une vision transformatrice de la place de l’Europe au service des 34 945 communes de France : il est indispensable de promouvoir le développement des services publics locaux, et l’accès de toutes les collectivités locales aux fonds européens, par un accès direct des communes à des fonds européens simplifiés.

10. Pour la construction d’un espace méditerranéen de coopération et de paix.

Pour relever les immenses défis dont cette zone est le théâtre, cet espace devrait regrouper des États qui ont des intérêts communs, qu’ils soient dans l’UE ou hors de celle-ci, par exemple sur les questions industrielles, les questions migratoires, les questions climatiques. Le mécanisme de Dublin doit être aboli et le Pacte européen asile-migration refusé pour instaurer des politiques migratoires européennes refondées dans le respect du droit international et pour l’instauration de voies légales et sécurisées de migration. La directive européenne de 2001 instaurant la protection temporaire des réfugié·es doit être étendue à l’ensemble de ces derniers. Les accords scandaleux conclus avec des pays tiers, dans le but de leur déléguer le « filtrage » des migrant·es, doivent être dénoncés. Les aides publiques au développement ne peuvent plus être conditionnées à une « bonne coopération » des pays tiers sur les expulsions.

11. Pour la paix et la sécurité collective

Nous dénonçons la boussole stratégique de l’UE adoptée en mars 2022 qui renforce l’hégémonie des États-Unis et de l’Otan. L’UE peut agir en facilitatrice d’une offre de paix en Ukraine, assurant la neutralité de celle-ci assortie de garanties de sécurité sous protection de l’ONU, dans le respect de la souveraineté du peuple ukrainien et de la sécurité commune pour l’Ukraine, la Russie et l’ensemble de l’Europe. Cela permettrait de rouvrir les négociations pour le désarmement global et multilatéral en Europe, en commençant par les armes nucléaires présentes sur le sol européen et russe, ainsi que la constitution d’un espace commun de sécurité collective en Europe, indépendant de l’Otan et des États-Unis.

12. Pour que l’Union européenne contribue à un autre ordre du monde.

Il est impératif d’agir pour l’application du droit international contre les politiques de force et l’application des résolutions de l’ONU. L’UE, en application de la résolution du Parlement européen de 2014 sur la reconnaissance de l’État de Palestine, doit agir pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens sur la base de deux États vivant en paix et en sécurité. Elle doit instaurer d’autres relations économiques avec l’Afrique et sortir de l’appui néocolonial aux multinationales à base européenne. Ainsi, l’aide publique au codéveloppement doit être réformée en portant attention à la maîtrise d’ouvrage et à la réalisation, par les États, les entreprises et la société civile des pays concernés, de leurs projets de développement économique, social et humain, ainsi que de leurs politiques de transition écologique. Le franc CFA/Eco, lié à l’Euro, doit être aboli pour permettre l’émancipation économique et monétaire des peuples d’Afrique. L’établissement de coopérations avec les BRICS (pays fondateurs : Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) portera l’exigence d’une refonte du système financier international pour une véritable monnaie commune mondiale alternative au dollar permettant un financement solidaire et efficace pour atteindre les objectifs de développement durable.

Ces priorités ne sont pas un programme européen mais elles constituent l’orientation politique sur laquelle le PCF entend construire une liste de large rassemblement. Nous portons l’ambition de faire entendre une voix forte au Parlement européen et contribuer à l’avenir du groupe « The Left », selon des modalités de fonctionnement confédérales.

Pour lancer la constitution de cette liste, nous décidons de :

• Désigner Léon Deffontaines comme tête de liste. Cette proposition sera soumise au vote des communistes, du 9 au 12 novembre.

• D’engager un dialogue avec les forces progressistes, avec toutes celles et tous ceux qui, actrices et acteurs du mouvement social, de la culture et de l’émancipation, souhaitent s’engager sur ces bases politiques et porter au Parlement européen les revendications du monde du travail et de la création.

• Mettre en place un comité de campagne, avec Ian Brossat comme directeur de campagne, ainsi qu’un comité de soutien.

• Lancer une campagne contre la vie chère et l’austérité, pour l’emploi, l’augmentation des salaires et des retraites. Cette campagne s’appuiera notamment sur le renforcement des services publics et le développement des pré-recrutements dans la fonction publique.

• Fixer un point d’étape aux CN du 19 novembre et du 9 décembre sur le déploiement de notre campagne, la constitution du programme et l’élaboration de la liste.

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