RSA: la répression remplace l’insertion: intervention d’Ismaël Dupont au Conseil départemental du Finistère du 11 décembre 2025

Monsieur le Président, Vous êtes très fiers de votre politique RSA, que vous transformez en outil de communication en recyclant les clichés sur les prétendus « fainéants » qui profiteraient des allocations plutôt que de travailler. Pendant qu’on pointe du doigt les plus pauvres, on évite soigneusement de parler de la fraude et de l’évasion fiscales des plus aisés, infiniment plus coûteuses pour la collectivité. Ces préjugés sont de plus en plus répandus, y compris chez les personnes aux revenus modestes, car on se compare plus facilement aux voisins qu’aux vrais privilégiés qu’on ne connaît pas dont les revenus et le patrimoine grandissent sans commune mesure. Va-t-on taxer les ultra-riches, ces 500 familles dont la fortune est passée de 6 % du PIB en 1996 à 42 % du PIB aujourd’hui, soit 1 228 milliards d’euros ? Va-t-on s’attaquer à l’évasion et à la fraude fiscale qui coûtent de 80 à 100 milliards d’euros par an ? Aux 211 milliards d’euros d’aides publiques données chaque année aux entreprises ?  Que nenni, on préfère taper sur les pauvres. Et pourtant… La réalité du RSA, c’est une vie avec quelques centaines d’euros par mois, souvent sans diplôme, sans permis, sans voiture, avec des problèmes de santé, des proches à charge et des freins lourds à l’emploi. Le non-recours aux droits est massif, mais ce ne sont pas les invisibles que vous ciblez : ce sont celles et ceux qui demandent encore le RSA. Dans le Finistère, près de 40% des allocataires contrôlés sont radiés, contre 2% en moyenne nationale. On ne fera croire à personne qu’il y a vingt fois plus de fraudeurs ici qu’ailleurs : ce n’est pas de l’insertion, c’est une politique d’exclusion. La part du budget dédiée à l’insertion baisse, le nombre d’allocataires recule plus vite que dans le reste du pays, et ce recul doit plus aux radiations qu’aux sorties vers l’emploi.  Le nombre d’allocataires du RSA baisse fortement dans le Finistère entre juin 2023 et juin 2024, – 8 %, là où il baisse de 1.2% en Bretagne et de 1.4% au niveau national. Cela nous interroge.

Nous pensons que ce recul du nombre d’allocataires du RSA s’explique moins par l’insertion que par une politique d’exclusion.

L’exclusion des droits RSA permettra aussi au département de se défausser de ses responsabilités d’accompagnement sur les CCAS, ou des associations solidaires comme les Restos du coeur, le secours populaire ou le secours catholique.

Le département fait des économies sur le RSA au détriment de la santé psychique et physique des allocataires, au détriment des communes qui viennent pallier ses désengagements. Cette politique crée chez des travailleurs sociaux du département un grand malaise.

C’est inacceptable… Et que dire de la violence psychologique et symbolique que peuvent constituer des contrôles tatillons, des demandes de documents et pièces justificatives difficiles à fournir pour des gens qui sont déjà souvent en situation humainement et socialement délicate.

Derrière ces chiffres, il y a des vies fracassées : Cette politique assumée  transforme les allocataires du RSA en suspects, sommés de justifier toute rentrée d’argent reçue, don ou cadeau.

Ken Loach dans « Moi Daniel Blake », ATD Quart Monde dénoncent régulièrement cette « maltraitance institutionnelle » dont les conséquences se traduisent par du « stress », de « l’épuisement », des « atteintes à la dignité », de la « dépression », voire des « problèmes de santé physiques et mentaux ». Tout le contraire d’une politique de prévention !

Voici quelques exemples de témoignages reçus ces dernières semaines :

Un simple formulaire oublié, et le RSA est coupé en une semaine, puis il faut trois mois pour le récupérer.

-Une hospitalisation, et malgré un motif légitime, la sanction tombe.

-Une hospitalisation, et malgré un motif légitime, la sanction tombe.

-Un rendez-vous fixé sur les horaires d’un petit contrat, et c’est la rupture de droits.

-Des assistantes sociales qui démissionnent pour ne plus servir une politique répressive alors que leur métier est la remobilisation sociale et la réinsertion.

Votre politique transforme les allocataires du RSA en suspects permanents, soumis à des contrôles tatillons et à une maltraitance institutionnelle qui génère stress, épuisement, perte de dignité et problèmes de santé. Nous demandons l’arrêt des radiations abusives, la fin de la logique du chiffre, et une véritable politique d’insertion fondée sur l’accès aux droits, l’accompagnement et l’émancipation, pas sur la peur et l’exclusion.

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