La situation du Rojava est catastrophique. Les combats ont atteint un niveau de brutalité exceptionnel comme en témoignent le nombre de victimes civils et militaires et l’exode des 160 000 déplacés dont 70 000 enfants annoncés par l’ONU. Le Rojava pacifiste, féministe, démocratique et progressiste agonise entraînant dans sa chute une nouvelle phase de violence en Syrie, au Moyen-Orient mais aussi dans le monde.
Les Etats-Unis de D. Trump parachèvent depuis le 13 octobre leur désengagement, livrant les populations et les combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS) au feu de l’armée turque et à la sauvagerie de ses supplétifs djihadistes. Des villageois sont exécutés froidement alors qu’une dirigeante kurde a subi le martyr avant de succomber. Certains djihadistes sont parvenus à s’enfuir des camps de rétention sous contrôle kurde et s’engagent déjà aux côtés d’Ankara ou rejoignent les cellules de Daesh.
Face à cette situation, les FDS et le commandement des YPG ont dû faire appel, sous les auspices de la Russie, au régime syrien qui a dépêché l’envoi de contingents à la frontière turque.
Pour les Kurdes, contraints et forcés, l’objectif de cet accord est d’empêcher la transformation du Rojava en djihadistan et « de sauver la vie de millions de Kurdes. Il s’agit d’un compromis douloureux mais entre le compromis et le génocide du peuple kurde nous choisissons la vie ».
Bachar al-Assad se frotte les mains et capitalise ainsi l’affaiblissement des Kurdes qu’il qualifiait voici peu de « traîtres ». Le tyran de son peuple entend briser l’expérience d’autonomie démocratique en rétablissant sa féroce autorité dont les Kurdes ont déjà payé un lourd tribut.
L’engrenage guerrier s’amplifie et peut dégénérer à tout instant.
Si les protestations internationales d’ampleur sont à souligner, elles demeureront inefficaces si elles en restent là. R.T. Erdogan continuera à avoir les mains libres. Il faut donc tout faire pour stopper cette offensive criminelle en tenant compte du rapport de force mouvant pour imposer un cessez-le-feu, l’arrêt des combats et le départ de la Turquie du sol syrien.
Notre mobilisation doit répondre avant tout aux demandes des Kurdes exprimées par Ilham Ahmed, co-présidente du Conseil démocratique syrien. Pour elle « seule l’ONU peut empêcher que notre précieux projet de démocratie ne soit réduit en poussière » (The Independant, 11 octobre 2019).
Les Kurdes exigent l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne sachant que, pour l’instant, seuls les Etats-Unis, qui ont les trahis, sont en capacité de l’imposer alors qu’ils sont sur le retrait.
La France et l’Union européenne doivent poursuivre leur aide aux Kurdes mais aussi:
- retourner devant le Conseil de Sécurité de l’ONU pour faire reconnaître le rôle des Kurdes dans la lutte contre Daesh et entériner l’autonomie démocratique en les plaçant sous protection internationale.
- établir un dialogue avec la Russie dans la perspective d’une paix durable dans laquelle les droits des Kurdes seront préservés.
- frapper la Turquie par des sanctions radicales et cela commence par un véritable embargo sur les armes, y compris celles dont les commandes sont déjà enregistrées, et l’inscrire dans la durée. Tous les contrats et accords de coopération doivent être rompus.
- geler les avoirs personnels d’Erdogan.
- avec le HCR protéger les réfugiés qui fuient les combats en aidant les pays d’accueil (Liban, Irak) et leur garantir un accueil digne en Europe s’ils le souhaitent.
La situation appelle à une grande responsabilité. La No Fly Zone oui mais en aucun cas un engagement militaire qui ne ferait qu’ajouter la guerre à la guerre. L’urgence est de rassembler les pays qui expriment leur opposition à l’intervention turque mais aussi avec la Russie.
Le désastre actuel réside également dans les capitulations successives de la France et des pays de l’Union européenne face à l’arrogance et à la dictature de R.T. Erdogan. Externaliser et confier le sort des migrants à la Turquie a justifié toutes les bassesses et les turpitudes. Personne n’ignorait la volonté de R.T. Erdogan de « dé-kurdifier » l’est de l’Euphrate et de procéder à un nettoyage ethnique comme cela a été le cas à Afrin. Comment prétendre méconnaître le mépris de la justice, du droit, des institutions et la destruction de la démocratie quand des milliers de démocrates croupissent dans les prisons turques dont le leader kurde S. Demirtas? Comment donner du crédit au président R.T. Erdogan honni par une frange croissante de sa population et sanctionné par les urnes?
Il est temps qu’un vaste débat s’ouvre dans le pays et au Parlement sur la politique internationale et de défense de la France, mais aussi sur son rôle et sa place au sein de l’OTAN. Que fait la France au sein du Commandement intégré de cette organisation?
Le Parti communiste français (PCF) ne ménagera pas ses efforts de solidarité avec le peuple kurde, avec la population de Rojava. Il est à leurs côtés, indéfectiblement, pour mettre un terme à la guerre, épargner les souffrances des populations, imposer leurs droits légitimes, l’intégrité souveraine d’une Syrie démocratisée.