Hommage à Erik Marchand, un monument de la musique bretonne – Hommage dans l’Humanité, 3 novembre 2025

Erik Marchand est décédé à 70 ans

Disparition

Par Ismaël Dupont, secrétaire de la fédération PCF du Finistère.

Nous avons appris avec beaucoup de tristesse le décès d’Erik Marchand survenu le 30 octobre en Roumanie, son deuxième pays, où il avait de très nombreux amis, et où il était avec sa compagne Marie pour un séjour afin de les revoir. Né en octobre 1955, Erik Marchand est décédé à 70 ans.

C’était une immense figure de la musique, de la culture bretonne, et bien au-delà, un passeur généreux, un défricheur, un chanteur et musicien hors pair, immensément respecté dans le milieu de la culture bretonne et de la musique. Le sénateur communiste des Côtes-d’Armor Gérard Lahellec, qui le connaît bien, exprime admirablement bien cette dimension d’Erik Marchand :

« Citoyen du monde, artiste à la carrière immense, sa création artistique va bien au-delà de la Bretagne. De Poullaouen dans le Finistère qui était devenu son port d’attache, il s’ouvrait au monde entier en puisant son inspiration dans cette culture populaire partagée aussi avec notre ami commun Marcel le Guillou de Crech Morvan à Lanrivain. Erik était un érudit. Il avait puisé dans la culture populaire un trésor inestimable de connaissances d’expressions, de rythmes et de sons. Il savait que l’écoute et les ajustements sont nécessaires pour que l’œuvre prenne forme. Chanteur au timbre de voix unique, que ce soit en kan ha diskan ou en gallo, la liste de ses compères était longue. Je pense en particulier en ce jour à Yann-Fanch Kemener qui repose ici, près de chez nous, à Sainte Tréphine.

En 1981, Erik participe à la création du fameux groupe Gwerz ; la Gwerz en Breton signifiant chant breton racontant une histoire, de l’anecdote jusqu’à l’épopée historique ou mythologique… Erik était également sonneur de treujenn goal dans Quintet de clarinette. Citoyen du monde, il a œuvré pour le collectage, la transmission musicale, multipliant les expériences pour une musique populaire à la fois enracinée et favorable aux mélanges (musique roumaine du Taraf de Caransebeș, blues-rock électrique…). Collecteur et transmetteur, Erik avait créé, en 2003, un programme de formation afin de transmettre l’entendement modal dans la musique bretonne dont il était un spécialiste unanimement reconnu. Je n’oublie pas de rappeler aussi qu’avec Erik, nous étanchions notre soif de liberté et de solidarités humaines aux mêmes sources d’un engagement commun, librement consenti… »

Son rapport à la musique

Erik Marchand a grandi dans une famille modeste à Paris et s’est passionné dès le début des années 70 pour les musiques populaires du monde, et tout particulièrement la musique traditionnelle de Bretagne, d’où était originaire son père. Il découvre adolescent un enregistrement de fest-noz que son père possède (En passant par la Bretagne, du kan ha diskan par Eugène Grenel et Albert Bolloré).

Erik Marchand s’est vite passionné pour le chant traditionnel breton. Il rencontre notamment Manuel Kerjean, à tout juste 18 ans, et apprend le kan ha diskan (chant et contrechant). Arrivant en stop dans le Centre-Bretagne, il commence par enregistrer les chanteurs de sa famille, autour de Quelneuc. Collecteur de paroles de chants bretons, tout en étant couvreur et apprenti laitier, il travaille dans ce cadre à partir de 1976 pour Dastum. Fasciné par les gwerzioù qu’il entend, il décide de les interpréter à son tour. En 1975, au lendemain du bac, il s’installe définitivement en Bretagne pour devenir l’un des premiers chanteurs traditionnels professionnels. Il rencontre Yann-Fañch Kemener dans le milieu des années soixante-dix. Avec lui, il va écumer les festoù-noz et les représentations.

Il participe à la création du groupe Gwerz en 1981. En apportant au chant traditionnel des arrangements inspirés par les formules musicales locales, le groupe élargit l’horizon de la musique bretonne. En quelques années, la formation de ses six musiciens devient quasiment mythique et marque le début du « traditionnel contemporain ». Victime des activités multiples de ses membres, le groupe fait une pause après l’album de 1988 et ne joue que ponctuellement depuis l’album live de 1992. En 1988, il rencontre Titi Robin. Leur travail est publié sur l’album An Henchoù Treuz dans lequel il pose son chant sur l’oud oriental et autres instruments à cordes de Thierry Robin. Ils se produisent également en trio avec le percussionniste du Rajastan Hameed Khan au tabla indien, association qui donne naissance à l’album An Tri Breur.

Passionné de voyage, lui qui adolescent n’avait pas les moyens de se payer l’avion pour découvrir la musique malienne comme il en rêvait, Erik Marchand parcourt l’Amérique du Nord avant de se lancer à la découverte des traditions musicales des Balkans. À travers la musique, il trouve toujours un moyen de communiquer lorsqu’il s’agit de sauter les barrières culturelles, se jouer des frontières et des divisions. Plusieurs fois par an, il sillonne l’Europe du Sud-Est, de l’ouest de la Roumanie à l’Albanie ou à la Serbie. Il étudie la musique traditionnelle de la Roumanie et de ses tarafs (orchestres), en passant des mois dans le Banat. Lors des Rencontres internationales de clarinettes populaires à Glomel, dont il est l’initiateur, il approfondit ses échanges et invite plusieurs fois le taraf de Caransebes, avec qui il fait le disque Sag An Tan Ell (Vers l’autre flamme, du titre de l’écrivain roumain Panait Istrati) mêlant sons bretons et sons roumains, aux influences serbes. Avec eux, il tourne un peu partout dans l’Europe de l’Est et du Sud.

Il évolue aussi à partir de 2002 en compagnie du guitariste rock alsacien Rodolphe Burger (Before Bach), du guitariste jazz Jacques Pellen, du clarinettiste turc Hasan Yarim-Dünia. Erik Marchand était un citoyen du monde prêt à tous les métissages et enrichissements réciproques des répertoires de la musique populaire ou plus savante. En 2003, Erik Marchand fonde la Kreiz Breizh Akademi, programme de formation visant à transmettre les règles de la musique modale mais aussi « laboratoire de création ».

Erik Marchand était également un homme engagé, un communiste convaincu, qui avait adhéré au PCF et qui fut même membre du Conseil départemental du PCF Finistère à la fin des années 2000. Depuis 3 ans, il militait et cotisait de nouveau à la section du PCF Carhaix-Huelgoat, et avait participé à plusieurs fêtes du Parti Communiste avec ses amis musiciens, comme en 2023 et en 2024 à Carhaix et Morlaix. Morlaix l’avait aussi accueilli au SEW à l’occasion d’une tournée nationale et internationale en janvier dernier pour la présentation de Gluck Auf, avec Rodolphe Burger et Mehdi Hadab. Nous le croisions régulièrement au marché de Morlaix, ou dans les réunions et banquets communistes de Carhaix.

Nous avions beaucoup d’admiration pour lui et c’était une fierté de compter une des plus belles voix et un des plus grands artistes de Bretagne, grand collecteur et passeur de la culture musicale populaire de Bretagne, comme de la musique du monde, parmi les adhérents du PCF dans le Finistère.

Le monde de la musique perd un artiste sans frontières, et soucieux de puiser à la source authenticité des cultures populaires, un défricheur, un découvreur. Comme l’a écrit mon camarade Taran Marec, membre de l’exécutif du PCF Finistère et responsable de la JC : « Figure majeure de la musique bretonne, Erik Marchand aura marqué son époque par son immense talent, son esprit d’ouverture et son travail inlassable de transmission. Les communistes finistériens perdent aussi un camarade fidèle, ancien membre du conseil départemental du PCF Finistère, engagé, généreux et toujours prêt à faire résonner le chant et la convivialité dans nos fêtes, à Morlaix comme à Carhaix. »

Nous nous associons par la pensée à tous ses proches. Nous témoignons de toute notre amitié à Marie Oster, sa compagne présente à ses côtés jusqu’au bout, et notre camarade de la section PCF de Morlaix, et adressons nos pensées à tous ses amis, musiciens et autres, ses camarades qui l’ont fréquenté et apprécié, et leur présentons nos plus sincères condoléances. Son œuvre et son humanité continueront de nous inspirer. Nos pensées vont aussi à toutes celles et ceux qu’il a touché·es par sa musique.

Kenavo dit kamalad !

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