Je suis intervenu pour le groupe Finistère et Solidaires au Conseil départemental du Finistère en séance plénière ce jeudi 26 octobre sur le volet mobilités du contrat de plan état région et singulièrement sur la question sur les investissements sur le réseau ferré (études) dans le CPER.
« Dans un contexte où le dérèglement et le réchauffement climatique se confirment et s’accentuent au fil des ans, profitant de l’insuffisance et des retards de l’action des États, comme des entreprises et des particuliers, laissant craindre la production des scénarios les pires, une augmentation de 4 degrés de la température moyenne du globe, de 6 degrés sur certaines zones, et une augmentation de plusieurs mètres du niveau de la mer, il y a une nécessité reconnue de décarboner les transports.
Rappelons que les transports routiers sont responsables de 30 % des émissions de gaz à effet de serre.
Pourtant, il nous semble qu’au contraire des intentions affichées, le financement de l’État pour le développement du train, se réduit comme peau de chagrin tant pour le transport des voyageurs que des marchandises.
Il est grand temps de changer de paradigme pour que le contexte et les besoins climatique et sociaux soient réellement pris en compte.
Pour la Bretagne, à la fin juin, le financement de l’État pour le Contrat de Plan État Région – CPER 2023-2027 était annoncé à 189 millions, dont 75 millions € pour le ferroviaire. Nous rejoignons la majorité quand elle écrit que la maquette financière n’était pas à la hauteur d’un développement équilibré du territoire, des besoins du Finistère et de la Bretagne, et qu’elle ne reflétait pas le poids démographique de la Bretagne : 2,2 % de l’enveloppe nationale pour 5 % de la population.
Ce budget a été jugé nettement insuffisant, inadmissible par tous, comparé aux 264 millions € du précédent CPER 2015-2022 .
Une baisse de dotation de 75 millions d’euros, alors que les besoins sont en augmentation et que l’urgence climatique n’a jamais été aussi grande, c’était incompréhensible.
Fin septembre, les 44 millions € de plus obtenus après négociations de la Région avec l’État ne font à notre sens toujours pas le compte et sont toujours insuffisants, comparés aux 264 millions € du précédent CPER 2015-2022. 233 millions, c’est toujours 31 millions de moins que le précédent CPER, alors qu’entre temps, il y a eu une sacrée inflation ! Et des besoins nouveaux se sont affirmés!
58 millions par an : Comparé aux dotations des différentes régions, sur les 5 ans à venir au titre du CPER, la Bretagne malgré sa position péninsulaire est en queue de peloton, 70€ par habitant, loin derrière l’île de France (environ 4 fois plus de dotation par habitant sans compter les 4 milliards par an des investissements du grand Paris Express… Et en totalité 4,6 milliards par an pour l’Ile-de-France, 58 millions d’euros pour la Bretagne).
Si la Bretagne était traitée comme l’Île-de-France, l’apport de l’État serait de près d’un milliard de dotation CPER sur 4 ans, pas de 229 millions d’euros.
La dotation de la Bretagne, c’est aussi deux fois moins de moyens que la région Nouvelle Aquitaine.
C’est anormal, incompréhensible, injuste, compte tenu de l’éloignement de la capitale, de notre situation péninsulaire, surtout pour Quimper ou Brest, de la géographie – la périphérie bretonne étant encore plus sensible dans le Finistère qu’ailleurs.
Compte tenu des besoins de mobilités croissants, de l’inflation, de la crise énergétique, de l’urgence climatique, de la perte de pouvoir d’achat des salariés et des citoyens… il aurait fallu que le budget 2023-2027 soit réévalué, a minima à hauteur de l’inflation, d’un montant largement supérieur au précédent CPER.
Les moyens existent. L’État, le gouvernement n’avait t-il pas annoncé, par la voix d’Elisabeth Borne, son intention dernièrement de mettre 100 milliards € d’investissement récemment pour le ferroviaire d’ici à 2040, pour la rénovation du réseau ferré et les petites lignes, avec la priorité pour les trains du quotidien ?
N’a t’il pas fait voter récemment 413 milliards € sur 7 ans pour la loi de programmation militaire ?
Pour le ferroviaire, en dehors des études sur la LNOBPL et les différentes options et scénarios sur la grande vitesse, nous ne voyons pas assez assez d’investissement sur l’accessibilité quotidienne du ferroviaire, les trains du quotidien, les lignes dites « de desserte fine du territoire ».
Concernant le projet « BreizhGo Express Sud » d’ici fin 2025 , si l’intention est bonne de faire circuler des TER entre Quimper et Vannes à une cadence de trains augmentée allant jusqu’à 21 trajets supplémentaires par jour « soit 47 % d’arrêts en plus » avec l’objectif d’un train toutes les 30 minutes aux heures de pointe, on peut douter de la réalisation technique sans gros travaux de modernisations des voies et de la signalisation d’ici à 2025.
Va t-on demander par ailleurs aux intercommunalités (Vannes, Auray, Lorient, Quimperlé, Concarneau, Quimper) de financer ce service augmenté ?
Il faut se féliciter du renouvellement et prolongation de la convention de la région Bretagne avec la SNCF pour le TER, marque de confiance pour un meilleur fonctionnement mais il faut être attentif au fait que cette nouvelle convention demanderait 3 millions € d’exigence de gains de productivité..
Il faut refuser que ces gains de productivité se traduisent encore par des suppressions de postes dans les gares et dans les trains. Nous réclamons, au contraire, la réhumanisation de ceux-ci pour les besoins, la sécurité et la sûreté des voyageurs et du personnel cheminot, réclamée par tous.
Concernant la désaturation de la gare de Rennes, nous enregistrons positivement la mise en place de de l’organisation 2 TMV (2 trains, même voie) mais, nous doutons fortement de cette seule solution pour doubler le trafic TER d’ici à 2040 , mettre en place un RER Rennais et dans le même temps accueillir plus de TGV en réduisant les temps de trajet à 3h00 de la pointe bretonne.
Il y aurait de l’intérêt à lancer dès à présent des études pour une 2ème gare à Rennes, avec un contournement par le nord de la ville afin d’anticiper l’augmentation de la population et les besoins de transports ferrés, y compris pour le fret marchandise.
Cela permettrait aussi de faire circuler davantage de TGV entre Paris et Rennes/ d’une part, Paris et Brest, et Paris et Quimper d’autre part, car souvent le train est difficile à réserver depuis Brest ou Quimper vers Paris quand on ne s’y prend pas assez en avance.
Nous enregistrons positivement la remise en état des lignes Guingamp – Carhaix et Auray -Quiberon dont nous réclamons le fonctionnement toute l’année.
Concernant la ligne Quimper – Brest, nous notons l’amélioration prévue de l’atelier de maintenance à Quimper mais, nous ne comprenons pas que seules des études soient envisagées pour l’amélioration de la ligne !
Des études ont été faites récemment pour la rénovation et remise en service le 10 décembre 2017 , après 1 an de travaux pour 77,8 millions €.
Il suffit de reprendre les études initiales pour effectuer les travaux prévus à l’origine, en réactualisant les budgets.
Les décideurs SNCF, Région, État, savent déjà ce qu’il est nécessaire de faire pour augmenter le trafic et la fréquentation des trains comme des arrêts dans les gares intermédiaires entre Quimper et Brest, assurer les correspondances et les rabattements avec les TGV, avoir des horaires adaptés aux besoins des populations, avoir une tarification attractive serait nécessaire pour réduire le CO2, les bouchons à l’entrée et la sortie de Brest/Plougastel. Concernant cette ligne, nous ne comprenons pas que des travaux de rénovation du quai de la gare de Hanvec, totalement fonctionnelle par ailleurs, ne soit pas engagés pour permettre l’arrêt des TER réclamés par la population locale et les usagés potentiels depuis plusieurs années !
Idem pour la ligne Morlaix – Roscoff. Nous ne comprenons pas le report éternel de décision de réouverture de la ligne, fermée depuis juin 2018, mais avec une exploitation très dégradée depuis des années auparavant faute d’investissement sur la rénovation de la ligne.
Des études ont été faites depuis la fermeture après l’effondrement de la voie. Une étude socio-économique en 2018, une étude en cours actuellement, un comité de pilotage en place. Quid de l’inscription du port de Roscoff, surtout depuis le Brexit, dans le schéma des ports en eau profonde et du raccordement ferroviaire au réseau trans-européen RTE-T ?
Quid du raccordement ferroviaire d’une des plus grande zone légumière de production agricole d’Europe avec Rungis, à l’identique du train Perpignan – Rungis ? L’équilibre économique de l’exploitation de la ligne ferroviaire et l’avenir du port de Roscoff passent par une solution de fret ferroviaire.
On peut aussi s’interroger sur l’engagement de budget d’études pour des tronçons de LGV (Ligne à Grande Vitesse ) à coût de plusieurs milliards d’euros pour des gains de temps de trajets marginaux entre Redon et Rennes, un projet que veut imposer SNCF Réseau mais qui peut-être ne pourrait pas se faire en raison de la loi ZAN , de l’opposition des populations des villes intermédiaires et de la priorité à accorder aux lignes du quotidien et à la modernisation de l’ensemble du réseau breton par des rectifications des courbes, des suppressions de passages à niveaux, par des travaux de mise en place du système ferroviaire ERTMS ( système de gestion des circulations des trains de dernière génération développé au niveau européen, améliorant les capacités et les vitesses, permettant de faire rouler plus de trains, plus vite, avec moins d’intervalles entre les circulations, en toute sécurité), moins coûteux et qui bénéficiera à tous.
Cette modernisation ERTMS permettrait d’augmenter le nombre de trains en circulation sur toute la Bretagne , de faire du cadencement, d’augmenter les vitesses de tous les trains sur les voies actuelles (TGV, TER, Fret ), de mettre enfin Brest et Quimper à 3h00 de Paris, en uniformisant le réseau au normes européennes RTE-T.
Enfin, quid des liaisons Rennes – Fougères, Rennes -Nantes par Châteaubriant et St-Brieuc-Auray via Pontivy?
Vous l’aurez compris, même s’il y a eu un petit bougé sur le CPER, il ne va pas assez vite, pas assez loin, sur les besoins d’investissement pour la Bretagne. Nous voulons une équité de traitement entre la Bretagne et les autres régions. Tout particulièrement pour le Finistère qui est plus enclavé que l’Ille-et-Vilaine ou le Morbihan par exemple. »
Conseil Départemental du Finistère du 26 octobre 2023