Category: 1920-2020 : 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère-20/ Emile Le Page (1922-1942) et Pierre Jolivet (1921-1942)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère:

77/ Emile Le Page (1922-1942) et Pierre Jolivet (1921-1942): les premiers résistants fusillés à Quimper étaient des postiers communistes.  

 » Ils furent à un mois d’intervalle fusillés au stand de tir de La Tourelle à Quimper où une plaque commémorative rappelle leur mémoire : Pierre Jolivet le 5 juin 1942, Émile Le Page le 8 juillet 1942, le premier avait 20 ans, le second 19 ans. Tous deux, militants des Jeunesses communistes, adhèrent au parti communiste en 1939, au moment de son interdiction. Ces jeunes postiers auxiliaires de Quimper sont des résistants de la première heure.  Ils font partie des premiers groupes résistants du parti communiste dans l’Organisation Spéciale (O.S.) reconnue comme unité combattante dès octobre 1940 et mise en place en Bretagne par Robert Ballanger, puis dans les FTPF, qui prennent la suite de l’O.S.  Dans un rapport d’avril 1941, le préfet du Finistère place au premier rang des « adversaires de la Révolution Nationale » les communistes « aussi actifs qu’irréductibles ». En août 1941 les autorités militaires allemandes le somment d’agir contre la recrudescence des attentats et des sabotages dans le département.

Avec leur groupe, Émile Le Page et Pierre Jolivet participent aux distributions de tracts et journaux clandestins et dès janvier 1941 aux premières actions directes contre l’occupant : sabotages, attentats contre la caserne de la Wehrmacht, contre le Soldatenheim, foyer du soldat allemand, de Quimper. Ils préparent l’attentat contre le siège de la LVF, leur groupe l’exécutera sans eux en juin 1942. Car entretemps ils ont été repérés, sur dénonciation, lors d’une distribution de tracts appelant à manifester le 1er mai 1942. Arrêtés par des policiers français et torturés à la prison de Mesgloaguen, ils sont remis aux Allemands, condamnés à mort et fusillés, Pierre Jolivet le 5 juin, Émile Le Page, le chef de groupe, le 8 juillet. Leur groupe FTP continuera sans eux ses actions : contre le local de la LVF en juin 1942, contre le bureau d’embauche pour l’Allemagne en octobre, contre la Kommandantur et la poste militaire allemande en janvier 1943.

Alain Le Grand, dans son ouvrage sur la Résistance dans le Finistère, faisait état de nombreux témoignages disant que, loin de donner un coup d’arrêt à la résistance locale, leur exécution poussa d’autres jeunes à suivre leur exemple ».

Yvonne Rainero, secrétaire de section du PCF pays de Quimper

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Pierre Jolivet et Emile Lepage furent les premiers patriotes quimpérois qui tombèrent sous les balles d’un peloton d’exécution. D’autres résistants communistes furent aussi victimes de l’occupant et des autorités de collaboration: Charles Le Port, d’Ergué-Armel, le ferblantier de Penhars, Arthur Quéinnec, Kergornna, Jean Bernard, résistant de la première heure, capitaine FTP, condamné par la section spéciale de Rennes et déporté, comme son jeune frère Yves, arrêté en classe au lycée de Pont L’Abbé en octobre 194, André Quiniou, dirigeant de la JC avant guerre, un des responsables avec Jean Bernard du PCF clandestin à Quimper, arrêté et torturé par des policiers français.

Émile Le Page est né le 19 août 1922 à Quimper (Finistère). Fils de Émile Marie Lepage, zingueur, et de Jeanne Émilie Hopp, ménagère, Émile Le Page, ou Lepage d’après son acte de naissance, célibataire, était aide postier à Quimper. Selon Eugène Kerbaul il fut l’un des dirigeants finistériens en 1939 des Jeunesses communistes, avant d’intégrer en 1939 le Parti communiste. Participant d’abord à la restructuration dans l’illégalité du parti, il fit partie des premiers groupes de l’Organisation spéciale (OS), branche militaire du Parti communiste clandestin en septembre 1941.

Pierre Jolivet est né le 6 septembre 1921 à Quimper (Finistère). Fils de Jean Laurent Jolivet, boulanger, et de Marie Signor, ménagère, Pierre Jolivet, employé comme postier auxiliaire, il adhéra en 1937 aux Jeunesses communistes, avant d’intégrer en 1939 le Parti communiste, année de sa mise au ban de la politique française par le gouvernement Daladier. Il continua la lutte en participant d’abord à la restructuration dans l’illégalité du parti puis entra à l’Organisation spéciale du PCF avant de s’engager dans les Francs-tireurs et partisans (FTP) dès leur création dans le département du Finistère. 

Avec leur groupe, dont Émile Le Page était le responsable, ils ont participé dès janvier 1941 à des sabotages, des attentats contre la caserne de la Wehrmarcht, contre le Soldatenheim de Quimper, ils ont préparé l’action contre le siège de la LVF que leurs camarades effectuèrent sans eux en juin 1942. Ils furent arrêtés le 8 mai 1942 à Quimper par des policiers français: ils avaient été repérés distribuant des tracts appelant à manifester le 1er mai 1942. Ils distribuaient des tracts clandestins du PCF appelant à la résistance tout en distribuant le courrier.

Chef de groupe en mai 1942, Émile Le Page fut arrêté par la police française pour infraction aux décrets lois du 26 septembre 1939 concernant l’activité du Parti communiste. Sa mère réussit à prévenir les membres de son groupe lors de son arrestation.

Interné à la prison de Quimper, Émile Le Page fut torturé comme Pierre Jolivet, arrêté le 5 mai à Paris, où il venait de partir occuper un emploi aux P.T.T également, puis livré à l’autorité allemande d’occupation par la police française collaboratrice, à nouveau torturé, et changea de quartier à partir du 5 mai. Il fut condamné à mort par le tribunal militaire allemand FK 752 de Quimper le 30 mai 1942 pour « propagande communiste ».

Défiant les juges, Pierre Jolivet leur a jeté: « Vous allez tuer un communiste, mais vous ne tuerez pas l’idée et vous perdrez la guerre ». Lors des visites que lui rend sa mère, il parle de l’armée soviétique qui écrasera les hitlériens. Durant les entretiens, il gardait toujours les mains derrière le dos. Il ne voulait pas que sa maman voie ses doigts déformés par la torture.

Pierre Jolivet a été fusillé le 5 juin 1942 (ou le 6 juin selon le DAVCC) au stand de tir de La Tourelle à Quimper. Les habitants demeurant aux alentours du champ de manœuvres entendirent chanter « La Marseillaise ». Quelques jours plus tard, Madame Jolivet se voyait remettre ses vêtements à la prison. « Il est parti dans un camp », lui dirent les nazis.

Émile Le Page a été fusillé 8 juillet 1942 au stand de tir de La Tourelle à Quimper, un mois après son camarade Pierre Jolivet.  Émile Le Page et Pierre Jolivet étaient les premiers résistants fusillés à Quimper. 

Le 14 juillet 1942, un rassemblement est convoqyé au cimetière d’Ergué-Armel auprès de la fosse commune où leurs corps avaient été jetés, les gendarmes sont là pour empêcher les familles et les courageux patriotes d’accéder au cimetière pour célébrer les résistants.  La tombe des deux héros devient un lieu de pélerinage. Chaque jour, des mains anonymes y déposent des bouquets. 

Leurs corps ne furent rendus aux familles que le 2 octobre 1944 pour des obsèques officielles auxquels participa une foule impressionnante.

Depuis, les corps d’Émile Le Page et Pierre Jolivet reposent au cimetière Saint-Marc à Quimper dans une sépulture commune

La stèle en mémoire de Pierre Jolivet et Emille Le Page avait été dressée à la demande des camarades du PCF Quimper et nous ceux-ci avaient aussi obtenu en 1985 que 2 rues contigües dans le quartier de Créach Gwen où est la direction départementale de La Poste portent les noms de nos deux camarades. L’inauguration de la stèle eut lieu en novembre 1990 avec Gaston Plissonnier et Daniel Trellu.

Pierre Jolivet et Emile Le Page ont donné aussi leur nom à la cellule des PTT du PCF dont sont encore issus plusieurs de nos camarades.

Le 27 mai 2015, la section communiste de Quimper invitait à se retrouver devant la stèle dédiée à Emile Le Page et Pierre Jolivet pour un hommage à toute la Résistance:

« Ces deux jeunes postiers communistes engagés très tôt dans la Résistance, appartenaient aux FTPF (Francs Tireurs et Partisans Français). Arrêtés par des policiers français, torturés, puis remis aux occupants, ils ont été fusillés à Quimper, au champ de tir de la Tourelle, en juin et juillet 1942. Ils avaient 19 et 20 ans. Ce sont les premiers résistants fusillés à Quimper. Au cours de cette cérémonie, une gerbe sera déposée et un jeune lycéen lira un poème de Paul Éluard » (Ouest-France, 26 mai 2015)

Sources:

Yvonne Rainero et Piero Rainero, site de la section PCF de Quimper:  http://quimper.pcf.fr/71327

Dictionnaire des militants du Finistère d’Eugène Kerbaul,

La Résistance dans le Finistère d’Alain Le Grand

Le dictionnaire des fusillés du Maitron: Alain Prigent, Serge Tilly sur Emile Le PageBiger Brewalan, René-Pierre Sudre sur Pierre Jolivet

 

 

Stèle dédiée à Pierre Jolivet et Émile Le Page, place Blaise-Pascal à Quimper (à la Tourelle, en haut de la rue Pen Ar Stang). Cette stèle avait été dressée à la demande du PCF et nous avions aussi obtenu en 1985 que 2 rues contigües dans le quartier de Créach Gwen où est la direction départementale de La Poste portent les noms de nos deux camarades. L’inauguration de la stèle eut lieu en novembre 1990 avec Gaston Plissonnier et Daniel Trellu.

 

 

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 19/La résistance FTP à Morlaix: le témoignage d’Eugène Le Luc .

le 8 août 1944, Morlaix est libérée. Les autorités organisent une remise de diplômes FTPF en présence notamment d’Eugène Le Luc, quatrième en partant de la gauche, de Mme Coquin, la marraine de Tanguy-Prigent, et de M. Masson, maire de Morlaix. (photo Le Télégramme)

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

19/ La résistance FTP à Morlaix: le témoignage d’Eugène Le Luc .

La résistance FTP à Morlaix: le témoignage d’Eugène Le Luc recueilli par le Télégramme et Jeannine Guichoux (mémoire universitaire)

 

Eugène Le Luc, la mémoire des résistants morlaisiens

Article du Télégramme, publié le 5 mai 2001, avec le témoignage d’Eugène Le Luc, responsable du réseau FTP « Justice » de Morlaix

« Réhabiliter la mémoire des résistants fusillés durant la Seconde guerre mondiale ». Dernier survivant du groupe de résistants du pays de Morlaix, Eugène Le Luc y pense sans cesse. Témoignage d’un homme qui, en compagnie de ses camarades, a combattu l’occupant allemand au péril de sa vie.

A la veille du 56 e anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, Eugène Le Luc, aujourd’hui âgé de 80 ans, n’a rien oublié de son passé de résistant. Et lorsqu’il en parle, c’est avec beaucoup de passion et d’émotion. Ce Morlaisien pure souche vient tout juste d’atteindre la vingtaine d’année lorsqu’il décide de s’engager dans la Résistance. «Voir les Allemands défiler avec leurs grandes bottes dans les rues de Morlaix, le drapeau nazi e t la croix gammée flotter sur la mairie, ça me glaçait. Il fallait faire quelque chose».

Des tracts aux sabotages 

Au début de l’année 1942, avec son ami horloger morlaisien, Georges Frelin, il lance les bases de la résistance sur le pays de Morlaix, en créant un groupuscule d’exécution et de sabotage qui deviendra le groupe « Justice». Tracts et journaux clandestins dénonçant les collaborateurs font immédiatement sensation. Ils sont très vite suivis par des actes tous azimuts : sabotage de lignes téléphoniques, de voies ferrées, attentats contre les dépôts de munition allemands ou contre les écluses de Morlaix, pour n’en citer que quelques-uns. Tout était bon pour contrer l’occupant. «On a dévalisé plusieurs camions allemands remplis de vêtements», raconte Eugène. Le cambriolage des mairies de Ploujean, Plourin, Henvic et Commana figure aussi à leur tableau de chasse. «On y récupérait des tickets d’alimentation et le matériel pour fabriquer de faux papiers d’identité».

«On en a caché beaucoup»

En 1944, fort désormais de 24 hommes, le groupe «Justice», émanation des francs tireurs et partisans français (FTPF), est désormais bien organisé. Il s’applique également au camouflage de familles juives et de réfractaires, principalement dans les fermes. «On en a caché beaucoup dans le canton de Sizun», explique Eugène. Avec ses amis, notamment le docteur Léon Le Janne, dit le commandant Noël, président des maquisards et résistants de l’arrondissement, il va constamment se battre pour la liberté de son pays. Jusqu’à la libération de Morlaix, le 8 août 1944.

A leur mémoire 

Aujourd’hui, il demeure le dernier survivant du groupe de résistants du pays de Morlaix. Avec l’aide de sa fille, c’est en mémoire de ses amis fusillés ou disparus depuis la guerre qu’il témoigne, notamment dans les écoles. «Pour que chacun sache bien ce qu’il s’est réellement passé à Morlaix. Pour que l’honneur des 14 membres du groupe « Justice» morts pour la France ne passe pas aux oubliettes.

 

Le Télégramme

J’ai lu tout dernièrement un mémoire intéressant présenté par Jeannine Guichoux, fille d’enseignants de St Martin des Champs, à la faculté des lettres et sciences humaines de Brest sous la direction de Monsieur Néré en 1970. Ce mémoire ne pouvait s’appuyer sur les archives (non déclassifiés à l’époque) mais il s’est appuyé sur des témoignages et des documents originaux.

Morlaix est occupée par les Allemands le 19 juin 1940. Les éléments motorisés allemands arrivent par la Madeleine, puis la rampe St Nicolas, la place Cornic et le quai du Léon, après que le pont de Trevidy sur la route de Paris ait été partiellement démoli. Le 20 juin à minuit, l’heure allemande est instaurée. Le couvre-feu est édicté entre 23h et 5 heures du matin dans un rayon de 10 km autour de Morlaix, avec interdiction de circuler sauf laisser-passer exceptionnels de la Kommandantur.

Le lundi 24 juin, le drapeau à croix gammée fut hissé sur l’hôtel de ville.

Le 8 juillet, les commerçants se voient contraints d’accepter les paiements en monnaie allemande. L’armée allemande ne tarde pas à vider les magasins. Peu à peu, toutes les denrées sont rationnées: tabac, pain, vin, charbon, bois. Le beurre et la viande seront très vite introuvables sur le marché.

Le 23 juillet, la kommandantur ordonne de céder à l’armée allemande toutes les chambres à coucher non utilisées, puis le 13 août, ce sont les maisons et appartements inoccupés qui sont mis à disposition de force de l’armée d’occupation allemande en fonction de ses besoins.

La Kreiskommandantur de Morlaix était dirigée au départ par le commandant Radowki, puis par le commandant Klein, sarrois d’origine et juriste, remplacé ensuite par un dénommé Keller, beaucoup plus dur.

Les Allemands occupaient à Morlaix, précise Jeannine Guichoux, de nombreux bâtiments:

–  l’Aussenstelle (les postes extérieurs) et le Standartaelteste rue de Brest

– la Feldgendarmerie quai de Léon face au pont tournant avant la rue Villeneuve

– le siège du Soldatenheim (foyer du soldat) dans les salons Quiviger rue de Brest, puis, après l’attentat et l’incendie du 24 décembre 1943, à l’hôtel de l’Europe

– la Kriegsmarine quai de Tréguier face au pont tournant

– la cantine du Modern’café: place Thiers (place des Otages actuelle) au pied du Viaduc côté gauche par rapport à la mairie

– l’état-major au collège des garçons

A Morlaix, les premières inscriptions à la peinture rouge apparaissent dès la fin 1940. On y lit à différents endroits de la ville: « A bas les traîtres de Vichy », « Thorez au pouvoir », « Vive de Gaulle ».

La fondation du groupe FTPF à Morlaix remonte à juin 1942.

Jeannine Guichoux reprend le témoignage d’Eugène Le Luc:

« Ce fut à cette date, nous a dit Eugène Le Luc, morlaisien, que je fis la connaissance de William et de Bob. Le réseau des Francs-Tireurs et Partisans Français, dont l’existence se signala dès septembre 1941, nous avait annoncé l’arrivée à Morlaix de deux chefs venant de Paris pour y former un groupe de résistance. Au jour et à l’heure indiquée, je m’étais donc rendu à la gare. Deux jeunes gens passèrent devant moi, et firent le signal convenu. Je m’avançais; il n’y eut pas de longues présentations. William et Bob transportaient des grenades, des mitraillettes et des revolvers. J’ai d’abord caché les chefs dans un hangar de la ville.

Comme le réseau des FTP préconisait l’action à outrance, William me chargea de recruter tous les jeunes gens susceptibles d’entrer dans notre groupe. Nous étions d’abord quatre qui assistions à une réunion organisée par Mr Caron, dit William, dans un local mis à notre disposition par Me Mahéo.

Etaient présents: Caron (William Henri)

Fontet Robert, dit Bob

Le Luc (Eugène) de Ploujean

Frelin (Emile) horloger à Morlaix, et des inconnus étrangers à Morlaix, dont William répondait.

Au cours de cette réunion, il fut décidé que les premières missions du groupe Justice consisteraient à faire de la propagande patriotique. Des tracts, tapés à la machine à écrire, au domicile de M. Frelin, furent distribués, et devinrent par la suite un petit journal régulier, ayant pour titre « Le Combattant ».

« Des indiscrétions furent commises et la personnalité de Mr Frelin faisant l’objet de commentaires fâcheux risquant d’être captés par les services de la police de l’occupant, il fut décidé que la machine à écrire serait provisoirement placée chez un membre du groupe, possédant une chambre meublée, chez M. Sillau, au lieu-dit « Pont-Bellec », en St Martin des Champs.

Notre quartier général se trouvait chez Mme Mahéo, 3, Place Thiers, chez laquelle nous entrions par le four St-Mélaine. C’est là que William et Bob avaient leur chambre gratuitement depuis octobre 1943.

Venelle du Four St Mélaine, donnant sur la place Thiers en 1943 (actuellement place des Otages)

Nous nous réunissions aussi chez Mr et Mme Le Bras, au café-restaurant Le Viaduc, Place Cornic, et aussi au café de Mme Coquin. Ces gens nous encourageaient dans notre lutte, contre les Allemands, et nous donnaient bien souvent des renseignements forts utiles. La police morlaisienne aussi, nous aidait beaucoup.

Les Allemands ne tardèrent pas à sentir les premiers agissements de notre section. Nous avions en effet commencé par les attaquer pour récupérer leurs armes et nous avons entrepris le sabotage systématique des voies ferrées. Nous fûmes bientôt 15 dans le groupe, ce qui nous permet d’étendre nos opérations ».

(Témoignage d’Eugène Le Luc, cité par Jeannine Guichoux).

Résumé des principales actions du groupe Justice

« Sous l’impulsion de William, poursuit Jeannine Guichoux p 71 de son mémoire, chef du groupe, de nombreuses fausses cartes d’identité, destinées aux réfractaires du STO et plus tard, aux maquisards, furent établies. Un cachet disparu du commissariat de Morlaix servit à établir de faux documents.

Un service de placement pour les réfractaires, et plus tard pour les maquisards, fut créé. Le responsable de ce nouveau service fut Eugène Le Luc, qui devint par la suite, recruteur de volontaires pour les coups de main.

Le premier acte de sabotage, effectué sans armes par quelques hommes du groupe, fut exécuté au cours d’une nuit d’octobre 1942. Les moteurs de quatre camions allemands garés sur la place du Pouliet, à Morlaix, furent gravement détériorés à grands coups de masses.

En janvier 1943, la famille Athem, d’origine juive, fut camouflée par le groupe Justice et placée à St Sauveur munie de faux papiers.

En février et mars 1943, une trentaine d’hommes, réfractaires du S.T.O ou recherchés par la police d’occupation vinrent grossir les rangs du groupe et chercher un refuge qui leur fut procuré. En présence de ces effectifs, il fut décidé que les attaques et les coups de main allaient commencer.

En avril 1943, deux soldats allemands attardés furent attaqués sur le territoire de la commune de St Martin des Champs. Leurs mitraillettes constituèrent un armement précieux.

En mai 1943, après avoir récupéré les deux jeux de clefs de la gare de Plouigneau, le groupe Justice se proposa de se livrer au sabotage des voies ferrées. Mais ces opérations ne purent être menées à bien à cette époque.

En juin 1943, « récupération » de bottes de cuir et en caoutchouc destinée à la Wehrmacht , et aux chantiers Todt dans un wagon stationné en gare de Morlaix.

En juillet 1943, « récupération » sans effusion de sang d’un fusil sur un soldat allemand en sentinelle à la gare de Morlaix.

Août 1943: William se déplace à Paris, Rennes, Quimper, Lamballe, St Brieux, Brest, etc. , établissant la liaison avec de nombreux chefs de la résistance FTP, et organisant un groupe de résistants à Plédeliac, près de Lamballe.

Septembre 1943: attaque surprise d’une patrouille allemande de 4 hommes sur la Nationale 12 (Paris-Brest) sur la commune de Plouigneau. « Récupération » de fusils et de grenades après la fuite des Allemands qui disparurent à bicyclette sans combattre.

Octobre 1943: M. Messager, secrétaire de police à Morlaix, est contacté par William. Par la suite, le commissaire Le Du et les inspecteurs de la sûreté, suivirent son exemple, ainsi que le brigadier Charles, et de nombreux gardiens de la Paix. Le groupe fut ainsi doté d’un service de renseignements efficace et indispensable. En accord avec William, il fut décidé que les jeunes français désignés d’office par le STO seraient avertis au moins 24 heures à l’avance par les services de la sûreté qu’ils devaient se rendre en Allemagne au titre du Travail Obligatoire. Tous, ou à peu près tous, se cachèrent et demeurèrent introuvables pour les Allemands. Selon les statistiques du Préfet du Finistère, à l’époque, Morlaix fut considérée comme une des villes les plus réfractaires du département, au point de vue du recrutement pour le STO.

Novembre 1943: les réfractaires du S.T.O devenant de plus en plus nombreux, gonflèrent considérablement les effectifs du groupe Justice. Vers la mi-novembre, il faut décider de faire gagner l’Angleterre, au moyen d’embarcations, aux patriotes volontaires pour combattre dans les rangs des Forces Françaises Libres. Un premier bateau fut affrété au Dourduff. Après une minutieuse préparation, le départ de cette opération est fixé dans la nuit du 23 au 24 novembre 1943. Malheureusement, un traître à la solde de l’ennemi, après avoir procuré le bateau destiné au transport des patriotes, dénonça la tentative de départ à la Gestapo. Les Allemands en nombre considérable, armés jusqu’aux dents, procédèrent à l’arrestation de treize patriotes sans défense, cachés dans un château, attendant la marée pour gagner l’Angleterre. Les patriotes furent tous déportés. Cette opération s’étant soldé par un échec complet, aucun autre départ de volontaires pour l’Angleterre ne fut tenté par les responsables du groupe justice.

Décembre 1943: Route de Commana, et de Plounéour-Menez, au lieu-dit « Roch-Trévezel », attaque d’un soldat allemand isolé, abattu d’un coup de pistolet et immédiatement inhumé pour éviter des représailles contre la population civile. « Récupération d’armes ».

Janvier 1944: au début de janvier 1944, plusieurs membres du groupe Justice furent arrêtés puis relâchés, grâce à l’intervention de la police de Morlaix, et à la complicité courageuse du parquet, à la tête duquel se trouvait l’honorable procureur Dramart. Vers la fin de janvier 1944, un agent de la Gestapo, domicilié à Guingamp, dans les Côtes-du-Nord, au lieu-dit Rustang, de passage à Morlaix, dénonça et fit arrêter quatre patriotes chez une commerçante de la place au Lait. Avisé par les services de renseignements, William envoya deux jours plus tard, deux membres du groupe Justice à Guingamp, avec mission d’abattre le traître. Celui-ci, après avoir avoué sa trahison, fut exécuté à proximité d’un cimetière à Guingamp.

février 1944: dénoncé par une femme à la solde de la Gestapo, pratiquant double jeu, William est arrêté en pleine ville de Morlaix par nos ennemis. Cette arrestation causa une vive émotion en ville, lorsque la population apprit qu’il s’agissait du chef de la Résistance. William fut incarcéré à la prison St-Charles à Quimper, réservée aux détenus politiques; les hommes de main du groupe Justice attaquèrent courageusement cette prison, leur tentative désespérée fut infructueuse. L’opération se solda par la mort d’une douzaine de soldats allemands. Un patriote blessé put être emporté au moment du « décrochage ».

mars 1944: attaque de nombreuses mairies: Ploujean, St Martin-des-Champs, Plourin-les-Morlaix, Commana. Enlèvement de tickets d’alimentation, de cachets pour la fabrication de fausses cartes d’identité. Un aviateur anglais ayant sauté en parachute sur le territoire de la commune de Plourin-les-Morlaix, à la suite de la destruction de son avion par la D.C.A ennemie, fut dissimulé et remis en mains sûres.

avril 1944: attaque en pleine ville de Morlaix, près des halles, de plusieurs miliciens, à la grenade et au plastic qui furent fournis par le capitaine Marzin (Alexandre dit Merlin), chef local de Libération-Nord, sous les ordres du commandant Noël (commandant régional des F.F.I pour le Finistère) Nord). Bilan: deux miliciens blessés, l’un de ces miliciens fut abattu quelques jours plus tard, par un membre du groupe, à Quimper. Arrestation dans les Côtes-du-Nord de Bordolous (Paul), et de Le Luc (Maurice), par des fonctionnaires non patriotes. Le parquet de Lannion, composé à l’époque de magistrats dévoués aux Allemands et à Vichy, fut saisi de cette affaire et remit les deux résistants aux mains de la nouvelle milice de Darnand, qui venait d’être créée. Transférés à Angers et incarcérés à la prison du Pré-Pigeon réservée aux détenus politiques, les deux patriotes y furent, soi-disant, jugés devant une cour martiale dite française, puis fusillés immédiatement, à l’intérieur de la prison.

mai 1944: à l’aide de jeux de clefs prises à la gare de Plouigneau, dont l’un fut cédé à un groupe des Côtes-du-Nord, deux sabotages furent effectués sur l’importante voie ferrée Paris-Brest. Bilan: déraillement de deux trains de marchandises ennemis à St Pol de Léon et Pleyber-Christ. Sabotage à la dynamite des écluses, du port de Morlaix, qui ne furent que légèrement détériorés. Cet exploit avorta, en raison de la faiblesse de la puissance explosive; si l’opération avait réussi, douze chalutiers allemands auraient été bloqués dans le bassin.

Attaque du magasin d’habillement du camp d’aviation de Ploujean-Morlaix, afin de se procurer des uniformes allemands. Trente tenues furent ainsi récupérées nuitamment, à l’insu des Allemands. Elles permirent aux membres du groupe de s’habiller en « vert de gris », lors des nombreux coups de main effectués depuis le débarquement jusqu’à la libération.

– Débarquement des alliés impatiemment attendu: suivant les instructions reçues, de nombreux attentats en groupe ou isolés, furent perpétrés, notamment contre les dépôts de munitions, d’essence, les déplacements des troupes ennemies etc… Les fils téléphoniques aériens et souterrains, furent détruits. Un grand nombre de panneaux routiers allemands et français furent sabotés. Les panonceaux indiquant, par exemple, la direction Quimper, furent tournés, et la pointe de la flèche dirigée vers Brest. La confusion totale régna dans les rangs de l’ennemi, démoralisé, harcelé, aux abois, pendant les 8 jours qui suivirent le débarquement, grâce à l’activité insoupçonné des F.F.I et F.T.P?

A la fin de juin, Pontet Robert, dit Bob, qui prit la tête du groupe Justice après l’arrestation de William, fut appréhendé à Rennes, par les Allemands. Armé, il tenta de se défendre et fut exécuté immédiatement. Dénoncé en même temps que William, et recherché par l’ennemi, il avait dû quitter Morlaix, pour leur échapper.

Juillet 1944: Le Luc (Eugène) prit le commandement du groupe Justice. Quelques jours après, il fut arrêté en même temps que son adjoint qui fut torturé et exécuté à Sizun, par les troupes du maréchal nazi, destructeur de la ville de Brest. Avant qu’il ne fut interrogé, et torturé, le nouveau chef du groupe Justice, Le Luc, invoquant un malaise, réussit à s’évader au nez et à la barbe d’une sentinelle allemande. Il regroupa sa formation, et continua à harceler l’occupant, dans la région de Brennilis, et de Commana.

En juillet 1944, les réactions des Allemands puisées dans la fièvre de leur inévitable défaite furent à leur comble. De nombreux civils isolés et inoffensifs, rencontrés incidemment et ne faisant partie d’aucune formation de résistance, furent abattus sur place, sans aucun motif, par les Allemands, décimés et terrorisés. De son côté, la Résistance assénait coup sur coup à l’ennemi.

Les Waffen S.S, des soldats de la Wehrmacht, des parachutistes isolés ou en petits groupes furent exécutés. Les résistants encouragés par l’avance des Alliés en Normandie, redoublent leurs actes de sabotage. L’important câble téléphonique souterrain Paris-Brest fut coupé en plusieurs endroits. Un pylône et un transformateur électrique alimentant les positions allemandes des Monts d’Arrée furent détruits. D’audacieux coups de main perpétrés contre les convois et cantonnements ennemis permirent la récupération d’un armement important qui servit pour la bataille finale.

Ancienne prison du Créach-Joly, à Morlaix

Août 1944:  délivrance de nombreux patriotes à la prison de Créach-Joly, cette opération fut menée à bien grâce à l’appui du commissaire de police et à la complicité du gardien chef de la maison d’arrêt dont l’attitude patriotique fut connue de tous les résistants. M. Le Roy, qui remplaçait le gardien-chef en congé, avait reçu d’un des chefs du groupe Justice la mission de relâcher les prisonniers. Les deux gardiens de la paix de service approuvèrent après consultation.
4 août: les Allemands incendient les bâtiments occupés par eux à la barrière de Brest, à St Nicolas, chez Cam: route de Callac, chez Quéinnec et Guillou: voie d’accès au Port, à Traon-ar-Velin. Dans la soirée, ils font sauter les portes du bassin à flot, détruisant un des bateaux du port, coulant un chaland à l’extérieur du chenal et endommageant l’usine à gaz et l’usine électrique. Les pompiers courageusement éteignent l’incendie sans savoir si les Allemands ne vont pas les canarder. Des bruits divers courent en ville: on dit que les Américains approchent de Morlaix. C’est la ruée vers les drapeaux français que l’on vent au grand Bazar, il fallait faire la queue pour être servi. On s’arrache dans les magasins les morceaux de papier de couleur et les lanternes vénitiennes. Le 4 août Keller armé d’une hache avec des soldats allemands détruit le mobilier de la salle de la Renaissance place du Dossen.

Le 6 août; une reconnaissance américaine est signalée à St Martin des champs. La D.C.A allemande ne réagit plus quand les avions alliés survolent Morlaix à basse altitude.

7 août 1944: participation à la Libération de Morlaix, et Ploujean. De nombreux Allemands se rendirent sans combattre et furent fait prisonniers par le groupe. Dans la nuit, ils ont fait sauter des dépôts de munition, évacué leurs locaux de l’allée du Poan Ben. D’abord évacué, la Propriété du général Weygand, route de Paris, est à nouveau occupée par un groupe d’irréductibles soldats allemands. Elle fut assiégée par des résistants.

8 août 1944: Libération définitive de Morlaix, sans combat, les troupes ennemies s’étant repliées dans la poche de Brest. Les Américains arrivent après les véhicules de la résistance qui les annoncent dans l’enthousiasme général, après qu’on ait hissé un drapeau français sur la mairie à 15h, par la rue de Paris à 16h, avec leurs blindés et leurs automobiles.  La foule se rassembla à l’hôtel de ville. Pendant que se déroulaient ces manifestations enthousiastes, la Résistance attaquait au Créou, à l’entrée du Viaduc, un groupe d’Allemands, qui, chassé de la propriété Weygand, avançait sur deux colonnes de chaque côté de la voie ferrée. Les Allemands battirent en retraite vers la Madeleine, traversèrent le cimetière St-Charles ou les Américains intervinrent et obligèrent les Allemands à se rendre.

Les prisonniers allemands, parfois battus et rudoyés, traversèrent la ville sous les huée de la foule. Les groupes de résistance défilèrent le 10 août. Des collaborateurs furent arrêtés et emprisonnés, des femmes jugées trop proches des Allemands furent tondues, 6 d’entre elles emmenées de Pleyber-Christ dans un camion furent conduites à la prison du Créach-Joly le 13 août. Il y eut plusieurs scènes de ce genre, assez sinistres, à Morlaix.

Il y eut en dehors du groupe Justice des FTP d’autres groupes de résistance courageux qui eurent une action importante dans la région de Morlaix:

– le groupe d’évasion des chantiers Sibiril de Carantec qui permit le passage en Angleterre de près de deux cent résistants ou aviateur alliés

– le réseau Libération-Nord dirigé à Morlaix par le docteur Le Janne dit « Noël » et par Tanguy-Prigent. C’est à ce réseau que fut affilé le maquis de St Laurent qui eut des actions héroïques contre l’occupant dans les semaines de la libération, en se déployant au Ponthou, à Plouigneau (groupes FFI).

– le réseau Var à Beg-an-Fry près de Guimaëc: réseau de protection et d’évasion des aviateurs et agents de liaison, des résistants

Basé essentiellement sur le témoignage d’Eugène Le Luc, propos recueillis par Jeannine Guichoux dans son mémoire universitaire de juin 1970 « La Résistance dans la région morlaisienne sous l’occupation allemande ». 

 

 

 

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 18/ Simone Moreau (1908-1962)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

18/ Simone Moreau (1908-1962)

Simone Moreau, née Pineau le 24 novembre 1908 à Bourgueil (Indre-et-Loire), adhère au PCF clandestin dans les conditions les plus dangereuses, sous l’occupation allemande, le 9 janvier 1941. Mais elle avait déjà aidé et participé aux activités illégales de son mari dès 1940: Henri Moreau. Le local de la fédération du PCF Finistère est installé dans une petite rue, entre la rue Jean Jaurès et le cimetière Saint Martin, qui porte le nom de ce grand résistant communiste brestois.

Fils d’Alexandre Moreau, charcutier puis facteur des PTT, revenu très malade de la 1ère guerre mondiale, et d’Adrienne Leroux, sans profession puis couturière, Henri Moreau fut adopté par la Nation en 1925. Il s’engagea jeune dans la « Musique des Équipages de la Flotte ». D’après Eugène Kerbaul, il était l’un des deux militaires de carrière en activité qui furent membre du Parti communiste à Brest à la fin des années 30, l’autre étant Georges Cadiou. Simone Pineau et lui se marièrent à 22 ans, le 9 septembre 1931, à Chouzé-sur-Loire (Indre-et-Loire)  le couple avait un enfant. Henri Moreau aida la Jeunesse communiste de Brest à constituer une chorale et une société de musique, « La Lyre Populaire Brestoise », à la fin des années 40 mais elle eut peu l’occasion de se manifester.À la fin de 1940 il fut démobilisé en zone non-occupée, et devenu retraité de la marine nationale, il revint à Brest. Il y reprit aussitôt le contact avec le PCF clandestin depuis son interdiction par le gouvernement Daladier.

Le domicile d’Henri et Simone Moreau de la rue Portail devint un dépôt de matériel léger d’imprimerie : stencils pour ronéo (petite machine à imprimer de bureau), papier, encre, etc. En mai 1942, à la suite de la mise sur pied des FTPF dans le département, leur appartement servit aussi de dépôt d’armes et d’explosifs. Il participera personnellement à de nombreux sabotages.

Simone Moreau devient responsable à la propagande du comité brestois de l’Union des Femmes Patriotes (organisation clandestine créée par le PCF, qui en fait à Brest, en fin 1941 et en 1942, ne regroupe que des femmes communistes). Elle transporte du matériel de propagande à travers toute la Bretagne. Elle participe à l’organisation et au déroulement de la manifestation des femmes pour un meilleur ravitaillement, en avril 1942, avec Jeanne Goasguen-Cariou notamment, et à celles des femmes communistes de l’U.F.P conte le STO (Service de Travail Obligatoire) créé par Pétain pour fournir de la main-d’œuvre aux usines de guerre allemandes. Simone Moreau travaillait aussi avec Henri à l’impression des journaux et tracts clandestins dans leur petite maison de la rue André Portail à Brest. Arrêtée le 4 octobre 1942, elle fit preuve d’un grand courage. Relâchée en août 1943, faute de preuves et d’aveux, elle resta sous une étroite surveillance policière. Elle fait alors des démarches pour essayer de sauve son mari de la peine capitale, en vain.

Henri Moreau, qui s’occupait du matériel de propagande et d’impression de la propagande résistante des communistes brestois et du Front National de Libération de la France à Brest, puis de cacher les armes, munitions et explosifs, dans le domicile qu’il partageait avec Simone et leur fille, puis qui était devenu responsable pour le Finistère de la propagande du PCF, avait été arrêté le 4 octobre 1942, peu de temps après cette nomination, par des policiers brestois. Il sera interrogé avec brutalité et jugé… deux fois! Et deux fois condamné. Une fois par la section spéciale (française) de Rennes, en décembre 1942, puis par un tribunal allemand – auquel les juges vichystes l’ont livré – à Fresnes, le 28 août 1943. Il avait été emmené de prison en prison, de celle du Château à Brest à celles de Vitré, Fontrevrault – où il est responsable d’un groupe clandestin de détenus – Jacques Cartier à Rennes, Fresnes, près de Paris. Henri Moreau est fusillé le 17 septembre 1943 en même temps que 18 autres communistes brestois (Albert Rannou, Albert Albalain, Andé Berger, Eugène Lafleur, Joseph Ropars, Paul Monot, Louis-Marie Le Guen, Louis Departout, Etienne Rolland, Albert Rolland, Jean-Marie Teurroc, Lucien Argouarch, Charles Vuillemin, Yves Giloux, Louis Le Bail, Jean-Louis Primas) au Mont Valérien près de Paris.

Simone Moreau, après la Libération, continue de militer au PCF. Elle meurt à Brest en 1962.

 

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 17/ Henri Tanguy dit Rol-Tanguy (1908-2002)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère:

49/ Henri Tanguy dit Rol-Tanguy (1908-2002)

Henri Tanguy est né un peu par hasard en gare de Morlaix. Sa mère, blanchisseuse, a accouché précipitamment alors qu’elle devait probablement regagner Brest en train, Brest où le père de Henri était officier marinier. La famille a aussi été installée temporairement dans d’autres ports, Toulon et Cherbourg pendant l’enfance de Henri Rol-Tanguy.

C’est à Brest à 13 ans que Henri arrête l’école. Il devient télégraphiste pour les PTT à Brest mais il n’est pas titularisé. Il est embauché dans une entreprise de taxis, puis comme téléphoniste, et enfin comme apprenti mécanicien.

Sa mère estime que son avenir et celui de son frère Joseph n’est pas assuré à Brest à l’hiver 1923-1924, elle rejoint Paris avec ses enfants. Ayant été tourneuse d’obus pendant la guerre de 14 à l’arsenal de Toulon, elle se fait embaucher chez Renault comme métallurgiste tandis qu’Henri est engagé chez Talbot.

Puis en 1925 Henri Tanguy est embauché comme métallier chez Renault à Boulogne Billancourt et la même année il adhère aux Jeunesses Communistes, à l’âge de 17 ans, et au syndicat CGTU. Sa participation à la grève générale chez Renault Billancourt entraîne son licenciement en mai 1926. Il travaillera ensuite comme métallo dans différentes usines, dont Breguet où il crée après les émeutes nationalistes et anti-parlementaires de 1934 menaçant la République une cellule communiste et un syndicat CGTU.

En 1935 il membre du bureau des Jeunesses communistes à Paris et participe à des affrontements avec l’extrême-droite.

C’est dans son entreprise de chaudronnerie à Montrouge que Rol Tanguy vit la grève de mai-juin 1936 et il est licencié à la fin du conflit. A l’automne hiver 1936, et début 37, il est un des animateurs de la solidarité avec l’Espagne républicaine face au coup d’état franquiste. En février 1937, il peut enfin rejoindre l’Espagne comme volontaire des Brigades Internationales après plusieurs demandes infructueuses, compte tenu de la dégradation de la situation militaire pour les Républicains.

En raison des compétences acquises pendant son service militaire (notamment en Algérie, dans un bataillon disciplinaire, en 1929), il est nommé commissaire politique de l’arsenal d’Albacete, du parc auto des Brigades internationales, enfin de l’usine n° 1 où l’on fabriquait les grenades et réparait les automobiles. Puis il fut désigné, avec grade de capitaine, responsable à la main-d’œuvre étrangère dans les usines qui se montaient en zone républicaine.

Les Brigades Internationales recrutées en France, c’était 15 000 volontaires, dont 8000 Français et 7000 étrangers, environ 250 Bretons.

Mais, en octobre 1937, il fut rappelé en France, pour accomplir une période de réserve. A son issue, il reprit ses fonctions syndicales, notamment les actions de solidarité avec la République espagnole. De retour à Albacete en février 1938, André Marty l’ayant réclamé, il fut nommé commissaire politique du Bataillon d’instruction des volontaires francophones, à Villanueva de la Jara. En avril 1938, pendant la marche à la mer des troupes franquistes, Henri Tanguy fut chargé de l’acheminement à Barcelone des volontaires internationaux présents à Albacete et dans sa région (environ 1 200), mission qu’il accomplit la veille de la coupure en deux de l’Espagne républicaine, le 15 avril. Il assura ensuite le commissariat politique de la nouvelle base des Brigade internationales mise en place à Olot, mais quelques semaines plus tard, cette dernière ayant été dissoute, André Marty le désigna commissaire politique de la 14e Brigade, « La Marseillaise ».

Blessé le 18 juin 1938 d’une balle dans la poitrine, au retour d’une visite de bataillon, il reprit son poste après quelques jours passés à l’hôpital, refusant d’attendre l’extraction du projectile. Il participa à la grande offensive de l’Ebre, à Tortosa et dans la Sierra Caballs, de juillet à septembre 1938, date de relève des Brigades.

Revenu en France en novembre, à la dissolution des Brigades, Henri Tanguy reprit ses responsabilités au syndicat des Métaux et au Comité de la Région de Paris du Parti communiste. En avril 1939, l’ancien brigadiste épousa sa marraine d’Espagne, Cécile Le Bihan, fille du militant syndicaliste et communiste, résistant FTP mort en déportation, François Le Bihan*. Le couple eut quatre enfants.

Après avoir accompli son devoir militaire, Rol-Tanguy rentre dans la clandestinité en 1940 après les premières arrestations de militants communistes suite au pacte germano-soviétique et aux décrets d’interdiction et de répression du mouvement communiste sous Daladier. Dès août 41, il organise la mise en place des groupes armés en région parisienne qui donnent naissance en février 42 aux FTP. Rol-Tanguy devient le responsable militaire dans la direction des FTP en région parisienne. Identifié après l’arrestation d’autres dirigeants en mai 42, il migre dans la région Anjou-Poitou où il commande les FTP. A cette époque, il est aussi chargé de mission en Bretagne et à Bordeaux.

Fin 43 Henri Tanguy passa en octobre à l’état-major des FFI de la région Parisienne qui regroupait onze départements autour de Paris, où il représentait les FTP. Successivement responsable de l’action immédiate, du troisième bureau (« opérations »), puis sous-chef de l’état-major, enfin chef régional en mai 1944, il était à la veille du débarquement allié du 6 juin 1944, colonel chef de la région P1 (Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Oise), qu’il baptisa « Ile-de-France ».

Il prit alors son dernier pseudonyme Rol, nom d’un militant d’Épinay-sur-Seine, combattant des Brigades internationales, tué pendant la bataille de l’Ebre peu de temps après avoir été nommé commandant du bataillon « Commune-de-Paris ».

Le 19 août 1944, en qualité de chef régional des FFI, Rol-Tanguy donna l’ordre de l’insurrection parisienne. Il reçut, avec le général Leclerc, la reddition du général Von Choltitz — commandant la garnison allemande du Grand-Paris — le 25 août.

Le 18 juin 1945, il est élevé au rang de compagnon de la Libération par le Général de Gaule qui le respectait beaucoup.

Avant le passage du Rhin, le 31 mars 1945, Rol-Tanguy rejoignit le 151e régiment d’infanterie issu de la Brigade de Paris formée par le colonel Fabien, participa à la campagne Rhin-Danube en tant que lieutenant-colonel.

A la fin de la guerre, Rol-Tanguy rentre dans l’armée même si, dans le climat de guerre froide, après 48, ses engagements communistes vont contribuer à ce qu’il soit partiellement placardisé et bloqué dans son avancement.

 Invité occasionnel du Comité central du PCF à partir de 1947 — en tant que militaire il ne pouvait y intervenir — Henri Rol-Tanguy en devint membre de 1964 à 1987. Il avait été candidat du PCF aux élections législatives de 1962 à Paris (XXe arr.).

 

Élu en juillet 1946, lors du 23e congrès, président d’honneur de l’ARAC (Association républicaine des anciens combattants), il assura également la coprésidence de l’ANACR (association nationale des anciens combattants de la résistance) et la présidence de l’AVER (association des volontaires de l’Espagne Républicaine).

Rol-Tanguy à la fête de la Bretagne du PCF dans le Sud Finistère, avec Alain Signor, Paul Le Gall, Pierre Le Rose, dirigeants communistes départementaux dans l’après-guerre,et des résistantes bigoudènes (archives Pierre Le Rose)

 

 

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 16/ Pierre Plassart (1912-1983)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère:

16/ Pierre Plassart (1912-1983) 

Pierre Plassart est né en 1912 et mort à Berrien en novembre 1983.

Militant communiste de Berrien. Sous l’occupation allemande, il est propagandiste de la résistance, il diffuse les tracts et journaux clandestins du PCF, du Front National de Libération de la France. Il avait chez lui, à Trédudon-les-Moines, un important dépôt d’armes et de munitions des FTP. Il sera conseiller municipal de Berrien à la libération.

Berrien a payé un très lourd tribut à la libération de la France et sa résistance, très forte, animée principalement par des communistes, sera lourdement réprimée: 22 résistants fusillés, 16 déportés, 11 résistants tués au combat dans ce village rouge des Monts d’Arrée.

Parmi eux, à Berrien Jean-Marie Plassart, communiste depuis 1936, résistant, sera arrêté par la police française et mourra dans un camp de concentration en Allemagne. Jean Créoff, cultivateur communiste de Berrien, FTP, sera aussi déporté en camp de concentration en Allemagne, Joseph Créoff aussi, communiste depuis 1936, qui meurt en camp de concentration. Pierre Grall, autre résistant communiste de Berrien, né le 7 mai 1921 et qui adhère au PCF pendant l’occupation, prenant part à des actions armées, sabotages, attaques, etc, sera déporté en Allemagne après son arrestation le 5 juin 1944. Il meurt au camp de Dora en avril 45. Son frère Marcel Grall, agriculteur, puis terrassier, qui adhère au PCF clandestin le 3 juillet 41 après avoir assisté à l’arrestation du communiste Jean Coant avec Jean Créoff, chef des FTP de la région du Faou, puis commandant FTP des Côtes-d’Armor, arrêté le 17 septembre 1943, sera fusillé à Rennes avec 28 de ses camarades  le 8 juin 1944.

Eugène Kerbaul, 1918-1945: 1640 militants du Finistère

Article du Ouest-France, 27 mai 2014:

Trédudon, premier village résistant de France

Il y a à Berrien, en plein cœur du centre-Bretagne, au pied des crêtes des Monts d’Arrée, un hameau qui a joué un rôle déterminant dans l’organisation de la Résistance sous l’Occupation : c’est Trédudon-le-Moine. Dès les premiers jours de l’occupation allemande, tout le hameau, situé à 6 km de Berrien, sur la route de La Feuillée, entre en résistance.

Ce village, qui comptait à l’époque près de deux cents âmes a maintenu de juin 1940 à août 1944 une parcelle de France libre. Le 16 juin 40, dès le départ des troupes anglaises du camp de Saint-Thégonnec, une organisation clandestine du Parti communiste français, dirigée localement par Pierre Plassart, y stocke des armes britanniques parachutées. Avec non seulement le soutien, mais aussi la complicité de toute la population. Trédudon-le-Moine sera à la fois un dépôt d’armes, un refuge pour les résistants traqués, un lieu de réunion pour les dirigeants nationaux et régionaux des FTP.

Le 17 mai 1943, un avion britannique est abattu par la défense allemande au-dessus des Monts d’Arrée et tombe en flammes au nord de Plonévez-du-Faou. Les pilotes trouvent refuge à Trédudon.

Hélène Plassard, qui avait 20 ans à l’époque, se souvient : « Il y en a eu du passage ! Les jeunes maquisards arrivaient de Lorient, de Brest… De partout. Il y en avait du monde ici. »

22 résistants fusillés

Après des opérations de sabotage menées notamment contre les lignes ferroviaires, des missions de récupération d’armes, ou encore des attaques des troupes ennemies, les résistants, qui fuyaient à travers la montagne, venaient se cacher dans les greniers et écuries du village : « Ils arrivaient alors vers 5 h du matin. »

Dans la journée, ils étaient occupés aux travaux des champs. Trédudon nourrissait toute cette population de passage. « Nous faisions le tour des fermes pour ramener du beurre, des patates et du lard. Jamais personne n’a refusé de donner. » Le village était devenu un point d’appui pour ceux qui coordonnaient les différentes actions, donc appelés à faire de fréquents déplacements, souvent périlleux.

Le village paiera un lourd tribut lors des représailles de l’occupant. Vingt-deux résistants seront fusillés, onze tués au combat, seize déportés. Dix d’entre eux mourront en déportation. À la Libération, Trédudon-le-Moine se verra décerner le titre de Premier village résistant de France. Une stèle sera érigée à la sortie du hameau et inaugurée en 1947 par Marcel Prenant, chef d’État-major des FTPF.

 

 

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 15/ Résistance et répression des communistes brestois de 1939 à 1943.

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 15 / Résistance et répression des communistes brestois de 1939 à 1943 à partir des souvenirs et des enquêtes d’Eugène Kerbaul, résistant communiste.

Après la signature le 23 août 1939 du pacte germano-soviétique, une vague d’anti-communisme déferle sur la France, portée par la bourgeoisie, l’Etat et le gouvernement, les médias. Les organisations communistes sont dissoutes le 26 septembre. A ce moment, le PCF compte sur Brest environ 200 adhérents, mais beaucoup sont mobilisés.

Le Parti Communiste se réorganise de manière clandestine à Brest, sous la direction de l’interrégional Auguste Havez: les groupes de trois camarades responsables de ville ou de secteur contactent les militants que la mobilisation n’a pas touchés et qui n’ont pas « lâché » le PCF pour les regrouper par groupes de trois ou quatre militants. Ces groupes n’ont pas de contact entre eux. Les camarades choisis pour former le « triangle » responsable de Brest sont Jeanne Goasguen-Cariou, Roger Chaigneau et Eugène Kerbaul. Carlo De Bortoli et Jules Lesven, responsable du secteur syndical de l’Arsenal, font parti des cadres intermédiaires.

La répression contre les syndiqués communistes à l’Arsenal bat son plein du côté des dirigeants réformistes de la CGT, unifiée depuis 1935, et de la direction. Marcel Paul, futur ministre à la Libération, secrétaire général de la Fédération des Gaziers et Electriciens CGT, élu communiste déchu, vient prêter main forte aux ouvriers communistes de l’Arsenal. Des tracts sont imprimés et distribués clandestinement à des centaines d’exemplaires par les communistes avec une ronéo artisanale. Début novembre, le premier numéro de l’Humanité clandestine donne matière à continuer leur action auprès des citoyens et ouvriers aux militants communistes brestois. Le 28 novembre, Kerbaul part pour l’armée et Jeanne Goasguen-Cariou reste seule au triangle avec Jules Lesven. Les numéros de L’Humanité clandestines dénonçant « la guerre capitaliste » sont récupérées en gare de Brest par des femmes et distribués sous le manteau, de main en main.

Le 30 novembre 1939, la Chambre des Députés décide la levée de l’immunité parlementaire des députés communistes qui avaient formé après l’interdiction du PCF « un groupe ouvrier et paysan ». L’invasion de la Finlande le même jour va intensifier la répression contre les communistes et le climat d’anti-communisme. Déjà, tout le mois de novembre 1939, la propagande anti-communiste s’était déchaînée.

En février 1940, les députés communistes sont envoyés devant un tribunal militaire. Ils seront condamnés à 5 ans de prison et la privation de leurs droits civiques le 3 avril – Ambroise Croizat est du lot, qui ira moisir dans un bagne en Algérie. En mars, les perquisitions et les arrestations vont bon train contre les communistes. En avril 1940, Jeanne Goasguen-Cariou et Jules Lesven, qui a remplacé Chaigneau dans le triangle de direction, protestent énergiquement de l’absence de ronéo (la leur était partie dans le sud-Finistère avec Alain Signor) pour localiser leurs tracts.

L’armée allemande atteint Brest le 19 juin après que le 17 juin, Pétain ait appelé à la radio à cesser le combat. Début juillet, les militaires brestois ou stationnés à Brest sont appelés à régulariser leur situation auprès de l’occupant: le 5 juillet, 2000 hommes sont envoyés dans les stalags d’outre-Rhin, dont Henri Moreau, militaire de carrière et musicien du 2e Dépôt, communiste, qui se libérera et retrouvera Brest en fin d’année.

Le parti se restructure. « Tante Jeanne »- Jeanne Goasguen-Cariou, Jules Lesven, De Bortoli, Mathurin Le Gôf entreprennent de contacter un à un tous ces militants afin de restructurer l’organisation clandestine de la ville et les environs. A l’arsenal, des camarades s’interrogent: « Est-il juste d’aller travailler dans cet établissement mis totalement au service des Allemands par Pétain? ». Ils en concluent qu’il faut continuer à agir politiquement auprès des ouvriers qui s’y trouvent et contre l’occupant selon les moyens et méthodes à déterminer au gré des circonstances.

 

Le 17 juillet est connu le contenu de l’appel à la résistance de Maurice Thorez et Jacques Duclos:

« La France encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante… jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves… La France, au passé si glorieux, ne s’agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes… C’est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c’est autour de la classe ouvrière, ardente et généreuse… que peut se constituer le front de la liberté, de l’indépendance, de la renaissance de la France » …

Il faudra attendre août 1940, précise Eugène Kerbaul, pour en avoir un paquet à distribuer à Brest. Et encore, ce n’était pas un gros paquet. Mais il avait été publié dans un numéro de « L’Humanité » clandestine.

En août 1940, des inscriptions sont faites sur les murs pour stigmatiser la trahison de Pétain  » A bas Pétain le traître, vive Thorez ». Les petits groupes qui les font sont emmenés par Lesven, Le Nédellec et des cheminots communistes. En août, les slogans de l’Humanité sont très méfiants vis-à-vis du général de Gaulle mais appellent à l’Union du peuple de France pour l’indépendance et la liberté de la France. Le 16 août, la CGT est dissoute par le traître Belin, ancien dirigeant réformiste de la CGT. Le droit de grève est supprimé à l’Arsenal en septembre 1940. Les communistes multiplient les inscriptions sur les murs, les papillons, ils cherchent à repérer des anti-fascistes dans les rangs militaires allemands.

En octobre 1940, alors que les Allemands commencent à mettre en oeuvre leurs gros travaux militaires sur Brest, un triangle de direction du bâtiment pour les opérations de résistance et de sabotage s’organise autour de Jean Goasguen, Jacob Mendrès et Germain Riou, secondé par Charles de Bortoli. La propagande contre Vichy se poursuit, s’intensifie en novembre 1940 contre les « traîtres de Vichy » et le pillage allemand. Le n°93 de L’Humanité clandestine explique:

« Le gouvernement de Vichy, c’est le gouvernement des trusts. Plus que jamais, les 200 familles sont maîtresses de l’économie et de la politique de la France, tandis que les ouvriers sont privés de tous les droits, que les chômeurs sont affamés, que les petits commerçants sont menacés de ruine et que les paysans sont traités comme au temps du servage ».

Le journal anglais « Daily Telegraph » reconnaît qu’en France:

« … le seul parti existant quoiqu’étant illégal est le Parti communiste et plus de mille de ses militants ont été arrêtés le mois dernier; ils distribuent des tracts anti-allemands qui font appel au sentiment patriotique des Français ».

En décembre, Venise Gosnat remplace Auguste Havez comme inter-régional du PCF clandestin et réside à Brest périodiquement sous un faux nom, « Pichard ». Ballanger et Gosnat considèrent que Brest et Nantes à l’une et l’autre des extrémités de la Bretagne sont les villes où la force de résistance du Parti communiste est la plus importante. Fin décembre, des tracts anti-nazis en langue allemande signés du PCF parviennent à Brest. En janvier 1941, Ballanger organise l’organisation spéciale à Brest, des groupes de communistes chargés d’abord de protéger les militants dans leurs actions de propagande, qui seront bientôt chargés des sabotages et des représailles contre les soldats allemands. Le 8 février 1941, on peut lire dans L’Humanité:

« En février 1934 le peuple de France fit échec aux fascistes, agents de l’étranger. En février 1941, ces mêmes hommes, profitant de la défaite qu’ils ont préparée, asservissent notre pays sous la protection des occupants (…)

UNISSONS-NOUS POUR LA GRANDE REVANCHE ».

Preuve que l’esprit de résistance du Parti Communiste précède de loin l’invasion de l’URSS par les nazis. Un soldat allemand est jeté à l’eau dans le port de Brest à l’hiver 1941. En mars 1941, trois soldats allemands sont tués par des membres armés de l’O.S à Brest suite à une bagarre dans un café de Saint-Marc.

Cinq militants communistes sont arrêtés en mars 1941 pour propagande subversive: Yves Jacotot du Bourg-Blanc, René Corre, Yves Labous, Louis Morvan de Brest et Jean Marc de Saint-Marc.

A la mi-mars, des jeunes de l’O.S du PCF tuent trois soldats allemands à la suite d’une bagarre. Leurs corps disparaissent dans la rade sur la suggestion de Jules Lesven.

D’autres soldats allemands sont molestés les fin mars après le couvre-feu alors qu’ils s’apprêtaient à arrêter des militants. Le 27 mars, un tract du PCF brestois appelle à la résistance pour l’indépendance de la France pour la première fois avec une visée d’union de classe patriotique et sans lier cet objectif de libération nationale à l’objectif de révolution sociale.

En avril 1941, le préfet du Finistère, dans son rapport mensuel sur l’état d’esprit de la population, pointe l’esprit de résistance des communistes:

« Parmi les adversaires de la Rénovation nationale, on peut distinguer:

1°) Les communistes qui sont aussi actifs qu’irréductibles. Ceux qui n’ont pas quitté le Parti après la signature du pacte germano-soviétique de 1939 doivent être considérés comme rebelles à toute propagande

2°) Les tenants de l’ancien régime (Front Populaire), ce sont les plus nombreux, ils sont guidés par l’intérêt, d’autres intoxiqués par l’idéologie. On y trouve pêle-mêle des francs-maçons, des politiciens, des membres des anciens partis qui ne peuvent s’habituer à la disparition de ceux-ci.

3°) Les gaullistes proprement dits. C’est une déviation du patriotisme. Ils oublient momentanément les anciennes querelles par haine de l’occupant. Anti-communistes, anti-maçons, beaucoup seraient sur le plan intérieur, très proches de la Révolution Nationale.

4°) Enfin un assez grand nombre d’hésitants… ».

Fin mars, les militants communistes brestois distribuent des tracts en langue allemande appelant à rejoindre le mouvement anti-nazi. Le tract est intitulé « Soldaten der Besatzungstruppen ». Les groupes O.S du Parti Communiste continuent leurs sabotages à Kerguillo, à la S.N.C.F, et à l’arsenal (une grue abattue à l’atelier des torpilles). Une locomotive déraille au port de commerce par un coin de fer bloquant un aiguillage. Des sabotages ont lieu aussi sur des chantiers du bâtiment.

Gosnat va à Pont-de-Buis et demande à Pierre Berthelot d’y former un groupe de l’Organisation Spéciale. L’intérêt est la récupération d’explosifs à la Poudrerie. Masson, le secrétaire du syndicat de la Poudrerie de Pont-de-Buis, licencié à la suite des grèves de novembre 1938, rejoint à ce moment le Parti Communiste clandestin Brest. Charles Cadiou prend la direction des opérations clandestines de résistance communiste à l’arsenal.

Venise Gosnat et Ballanger envoient fin mars des questionnaires aux groupes de base du Parti Communiste dans les départements bretons pour mesurer les effectifs et la structuration du Parti Communiste clandestin.

Avec le retour de ces questionnaires, on peut établir le nombre de groupes de base du Parti communiste clandestin au printemps 1941 à 300, soit environ 1200 à 1500 membres du Parti Communiste clandestin. « Il faut probablement compter, précise Eugène Kerbaul, sur un chiffre du même ordre pour les isolés et ceux que les péripéties du moment ont coupé de l’organisation ».

A Brest, « L »Huma » clandestine arrive en grandes quantités par la gare à partir d’avril 1941, en caissettes, récupérées par Yvette Richard-Castel, Jeanne Goasguen-Cariou, comme s’il s’agissait de colis ordinaires. Parallèlement, Jules Lesven et Pierre Corre ont terminé la presse nécessaire au tirage brestois de « La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime » , le journal communiste, et l’amènent à Kerichen. C’est Kerbaul qui est chargé par Ballanger de la direction du journal.

De terribles bombardements détruisent l’hôpital civil de Brest le 14 avril 1941 (78 morts et 200 blessés) et peu avant l’Hôtel Continental où logeait l’Etat-major de la marine allemande le 4 avril. Au port de commerce, le groupe d’Ernest Mazé fait dérailler une locomotive après avoir bloqué un aiguillage avec un caillou. Au château de Kerguillo, les suites du sabotage d’un tableau électrique incitent Eugène Kerbaul à prendre le large. Il avait été vu par une des Françaises qui travaillaient pour la Luftwaffe, dont Kerguillo allait être le siège de l’état-major pour le Nord de la Bretagne.

Le 8 mai, Chaigneau, le chef des résistants communistes cheminots, est arrêté alors qu’il s’apprêtait à mettre le feu à un chargement militaire allemand, dans un wagon ouvert par des résistants communistes, qui n’avaient pas le temps de voler les armes et les effets. Il est arrêté avec Morvan. François Tournevache, qui avait pris la succession de Chaigneau immédiatement après son arrestation, est arrêté à son tour. On le conduit au commissariat de la place Anatole France où il retrouve Pierre Mazé, le fils d’Ernest Mazé, un autre militant arrêté alors qu’il cherchait à récupérer des plaquettes incendiaires non brûlées jetées par les bombardiers anglais. Le juge d’instruction Le Braz, qui sera abattu plus tard par un groupe de FTP, fait inculper Tournevache, poursuivi pour propagande au profit de la IIIe Internationale et action au service d’une puissance étrangère (l’URSS).

En mai, Eugène Kerbaul organise les sabotages à l’arsenal avec Jules Lesven, Le Nédellec, Pierre Corre et Mathurin Le Gôf. Des wagons prévus pour dix tonnes de fer en reçoivent vingt afin que leurs ressorts plient et que le matériel s’use très vite. De la poudre d’émeri est déposée dans les boîtes de graissage des essieux des wagons.

A la mi-mai 1941, le parti communiste diffuse un tract qui, une fois de plus, invite les travailleurs à résister à l’occupant et à Vichy dans le cadre de leurs organisations de classe en les mettant en garde contre les aspects réactionnaires des organisations se réclamant de de Gaulle. Les ouvriers sont appelés à combattre dans les organisations de Résistance qui veulent d’une libération nationale assortie de profondes réformes sociales. Ce qui ne signifie pas pour autant le refus de l’union, le parti reconnaît à la fois la pluralité de la Résistance et la nécessité de l’union dans la lutte.

« La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime » n°3, qui sort en début mai, appelle ainsi à un:

« …véritable Front populaire de lutte qui demain fera flotter à nouveau sur notre pays et cette fois pour toujours, le grand drapeau du pain, de la liberté et de la paix, le drapeau de la France libre et indépendante »,

accompagné d’un appel aux socialistes et aux radicaux.

Dans la troisième semaine de mai 1941, Ballanger et Gosnat arrivent à Brest porteurs d’une grande nouvelle: le 15 mai, le Comité Central du Parti Communiste a lancé un appel à la formation d’un « Front National de Lutte pour le Salut et l’Indépendance de la France ». Ballanger et Gosnat recommandent aux militants communistes brestois la prise de contact avec toutes les formations patriotiques qui résistent, y compris de droite.

A la fin du mois de mai, 38 membres du groupe de résistance brestois « Elie » sont arrêtés quand le réseau est démantelé à la suite d’une dénonciation. Ce groupe était à l’origine d’une violente bagarre avec des militaires allemands, provoquée le 28 avril par plusieurs ouvriers de l’arsenal, membres de ce réseau.

En juin 1941, un tract clandestin du parti communiste brestois fait connaître la grande grève résistante et revendicative de 100 000 mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, organisée et dirigée par le Parti Communiste, entre le 28 mai et le 9 juin. L’occupant se vengera de la perte de 500 000 tonnes de charbon en fusillant 50 travailleurs et en faisant décapiter à la hache à Cologne une des femmes qui participait à la direction du mouvement, Emilienne Mopty, une communiste.

Le 22 juin, l’Allemagne commence son invasion de l’URSS. Dans un supplément au numéro de juin de « La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime » cette nouvelle est annoncée par l’interrégion du PCF, associée à l’appel du 15 mai pour la constitution d’un Front National de Lutte pour l’Indépendance:

« BRETONS, BRETONNES, de toutes conditions, de toutes opinions, de toutes croyances, répondez « présent » à l’appel que vous lance le Parti Communiste Français. UNISSEZ-VOUS dans chaque ville et chaque village pour que la France reste la France, pour qu’elle puisse vivre LIBRE et INDEPENDANTE, délivrée du joug de l’oppression nationale qui pèse sur elle.

VIVE LE FRONT NATIONAL DE LUTTE POUR L’INDEPENDANCE DE LA FRANCE!!

VIVE LA FRANCE LIBRE ET INDEPENDANTE!! »

Dans cet appel, le PCF se dit prêt:

« …à soutenir tout gouvernement français, toute organisation et tous les hommes dont les efforts seront orientés dans le sens d’une lutte véritable contre l’oppression nationale subie par la France et contre les traîtres au service de l’envahisseur ».

Au mois de juillet 1941, de grandes rafles de personnes suspectes d’être communistes ont lieu partout en France et amènent les militants dans des camps de concentration gentiment baptisés « camps de séjour surveillé » ou « d’internement administratif ».

A Landerneau, Lucien Kerouanton est arrêté, Henri Bénard à Brest, Fanch Paul, un sympathisant communiste, à Kérinou. Ils sont envoyés au camp de Châteaubriant, lequel ne va pas tarder à se voir préciser son véritable rôle: camp d’otages. Ils y retrouvent nombre de militants du Finistère et du Morbihan. Le docteur Jacq d’Huelgoat, Jean-Désiré Larnicol, Lucas, Marc Scouarnec, Albert Jaouen, Jean Coant, etc. Eugène Kerbaul est lui aussi arrêté, roué de coups au commissariat, et envoyé au camp de Châteaubriant. C’est la fin de l’imprimerie clandestine de Kerichen. François Prigent, ex-secrétaire de l’Union Départementale CGT, tout récemment rapatrié d’un camp de prisonniers de guerre, accepte de mettre l’Imprimerie Coopérative de la rue Kléber dont il a repris la direction au service de la presse de résistance du PCF. Il sera secondé par son ancien typographe au chômage, le communiste Albert Cadiou.

Le 14 juillet 1941, les ouvriers de l’arsenal, sous l’influence des résistants communistes, se mettent spontanément en grève dès le matin, brandissant des drapeaux français dans plusieurs ateliers. Les Allemands n’osent pas réprimer le mouvement le jour de la fête nationale et déclarent l’après-midi libérée de travail.

Les actions de résistance des militants communistes, l’invasion de l’URSS et le climat d’anti-communisme violent dans la presse et les milieux officiels, contribuent à un renouveau de l’influence communiste en milieu ouvrier. Des « Vive l’URSS », « Vive le P.C », « Vive Thorez » apparaissent sur les murs de Brest qui ne doivent rien aux militants du PCF.

Le 14 août, Vichy promulgue coup sur coup l’obligation de fidélité à Pétain et la création de tribunaux spéciaux où seront déférés les communistes. Le même jour, le haut commandement allemand annonce que l’activité communiste sera punie de mort. Le 22 août 1941, le haut commandement allemand promulgue la loi des otages: tous les Français arrêtés sont considérés comme otages et peuvent être fusillés en cas d’attentat contre l’armée allemande.

C’est à ce moment que la lutte terroriste du Parti Communiste contre l’occupant nazi va vraiment s’engager (en dehors des actes spontanés d’attentats par les O.S, comme à Brest) par des assassinats ciblés. Le futur colonel Fabien, Pierre Georges, abat ainsi un officier allemand à la station de métro Barbès à Paris le 23 août.

A Brest, depuis l’arrestation de Chaigneau et Kerbaul, ce sont Jeanne Goasguen-Cariou et Jules Lesven qui dirigent l’organisation communiste. Ils relancent un Secours Populaire clandestin avec Jean Le Nédellec, Pierre Corre, Marie Miry. Dès août 1941, les familles en difficulté recevront une aide. A l’arsenal, sur les chantiers, des quêteurs efficaces et discrets du Secours populaire reçoivent un bon accueil.

En juillet 1941, le triangle de direction brestois envisage un projet de libération des prisonniers du camp de Châteaubriant, gardé par quelques dizaines de gendarmes français. Venise Gosnat, sollicité pour accord par Jeanne Goasguen-Cariou, manifeste son opposition au projet, de crainte que les centaines de militants prisonniers venus de région parisienne ne parviennent pas à se repérer dans la campagne bretonne de nuit ni à bénéficier de caches. Néanmois, Venise Gosnat reprend l’organisation d’un projet d’évasion collective et l’infiltration des gardiens du camp de Châteaubriant.

A l’été 41, la jeunesse communiste se reconstitue avec Yves Prigent, « triangle » du Parti à l’Arsenal (et avec qui Kerautret récupère un pistolet sur un officier allemand préalablement assommé, ce sera la première arme du groupe), Guy Drogou, Jean Ansquer, André Berger.

Dans les derniers jours de septembre, à l’arsenal, Charles Cadiou, mécanien à l’usine distillatoire chargée du ravitaillement des accus de sous-marins, glisse du sel dans les cuves accompagné d’un groupe O.S qu’il dirige. Cela empêche l’apparaillage de cinq sous-marins de la Kriegsmarine. On signale aussi en cette fin septembre la distribution par un groupe de femmes communistes de tracts anti-allemands en français et de tracts anti-nazis en allemand effectuée aux abords de l’arsenal et de la pyrotechnie de Saint-Nicolas.

L’ex-secrétaire du syndicat de l’arsenal, Ernest Miry, est arrêté en octobre. L’imprimerie clandestine est rapatriée chez Henri Moreau, militaire de carrière de la Marine Nationale, communiste avec sa femme Simone. Pierre Berthelot à Pont-de-Buis fabrique aussi des tracts communistes alimentant les groupes clandestins du centre-Finistère. En octobre, Lucien Kerouanton est libéré – faute de preuves et d’aveux- du camp de Châteaubriant, et reprend du service pour le PCF à l’arsenal.

Après les massacres de 27 militants communistes et syndicalistes à Châteaubriant le 22 octobre 1941, de 21 à Nantes, et de 50 à Bordeaux, les communistes brestois organisent une grève de protestation à l’arsenal et un dépôt de gerbe au Monument aux Morts. C’est Jean Goasguen qui porte la gerbe à déposer, sa femme Jeanne Goasguen-Cariou marche à une vingtaine de mètres derrière lui avec dans son sac le ruban où est inscrit « Aux victimes de Châteaubriant ». Lesven donne l’alerte quand arrivent des policiers en civil et les militants parviennent à s’enfuir.

La grève des ouvriers de l’arsenal est organisée le 25 octobre. Des militants se laissent enfermer pendant la nuit pour coller papillons et affiches. Un soldat allemand est blessé grièvement par des militants communistes aux abords de l’arsenal.

En novembre 1941, à l’école navale, le groupe que dirige Charles de Bortoli crève les tuyauteries provoquant l’inondation des entrepôts.

Le 22 novembre, 11 condamnations à mort sont prononcées contre les résistants du groupe « Elie », dont 3 ouvriers de l’arsenal. Ces 11 condamnés à mort seront exécutés le 10 décembre 1941 au Mont Valérien.

Simone Bastien, dite « Monique », une jeune militante communiste champenoise envoyée dans le Finistère pour réorganiser départementalement les Jeunesses Communistes, travaille à Brest depuis le domicile de Jeanne Goasguen-Cariou.

Suite à l’exécution des onze membres du groupe Elie condamnés à mort, un nouveau mouvement de grève de protestation est organisé à l’arsenal et le maire de Brest, Victor Le Gorgeu, qui avait déjà refusé de voter les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, refuse de voter une motion de confiance au Maréchal, ce qui lui vaut la suspension de ses fonctions de maire. A l’hiver 41, Simone Moreau prend la direction d’un groupe de « Femmes patriotes » organisé par le parti communiste.

En janvier 42, Venise Gosnat organise à Brest un nouveau « triangle militaire » composé de Jules Lesven, Pierre Corre et Lucien Kerouanton, chargé d’organiser et de coordonner l’activité des O.S.

En janvier 42, toujours, des femmes communistes brestoises, avec notamment Marie Salou et Jeanne Goasguen-Cariou, font évader des militants républicains espagnols enfermés au fort de Montbarrey sur le lieu de travail forcé, sur la base sous-marine qu’ils creusent dans des conditions terribles. Ceux-ci reçoivent de faux papiers d’identité et sont employés dans des entreprises du bâtiment avant leur départ grâce à Jacob Mendrès et Jean Jézéquel, deux militants du Parti. On sut que parmi ces évadés, il avait 3 membres du Comité Central du PC espagnol qui rejoindront l’Espagne.

Les femmes communistes sous la direction de Marie Miry, sage-femme, de Angèle Le Nédellec, de Marie Salou, de Simone Bastien, d’Aline de Bortoli, d’Yvette Richard-Castel, organisent des soins, des manifestations pour la libération des prisonniers de guerre et contre la fin des restrictions alimentaires.

Les stations électriques de l’arsenal sont sabotées en mars sous la direction de Pierre Corre et Lucien Kerouanton. Paul Monot, parmi d’autres militants, fait parti des saboteurs.

Le 28 avril 1942, Albert Abalain est arrêté avec des valises bourrées d’explosif qu’il a récupérées auprès de Pierre Berthelot à Pont-de-Buis. A leur tour, De Bortoli, Charles Cadiou, Mathurin Le Gôf, Yves Prigent sont arrêtés alors qu’ils devaient tenir une réunion de direction communiste chez Henri Moreau, rue André-Portail. Des policiers accompagnés de la Gestapo perquisitionnent chez les militants communistes, persuadés de l’imminence d’un sabotage accompagnant le 1er mai. Jeanne Goasguen-Cariou, Joséphine Le Roux, soeur du premier maire communiste de France, Daniel Le Flanchec, passé chez Doriot avant-guerre.

En mai 42, Robert Ballanger quitte la direction de l’interrégion de Bretagne, pour devenir interrégional du Centre, et cède la direction à Venise Gosnat.

Le 14 mai 1942, un des policiers français qui avait arrêté Charles Cadiou, De Bortoli, Yves Prigent et Le Gôf, cité comme témoin par le tribunal allemand devant lequel ils comparaissaient, déclare sous serment que ces hommes sont bien des terroristes. De Bortoli est celui sur lequel pèsent les plus graves menaces. Ce ressortissant italien à qui l’on avait refusé la naturalisation française, était celui qui portait la valise remplie de papier blanc destiné aux tracts clandestins. De Bortoli, devant l’acharnement montré contre lui, perd toutes ses illusions. Alors devant le tribunal, debout, il s’écrie « Vive le Parti Communiste ». Il sera condamné à mort, quand ses camarades s’en tireront avec des peines de prison. Les militants sont enfermés à la prison de Potaniou. Aline de Bortoli, apprenant qu’un service allemand embauche des femmes pour effectuer des travaux ménagers, s’y présente et est embauchée, mais elle ne parvient pas à établir le contact avec son mari, trop gardé.

Le 21 mai, le tribunal spécial (français!) de Rennes condamne Jean Goasguen à trois ans de prison et sa femme Jeanne Goasguen-Cariou à deux années de prison, Jeanne Le Roux-Le Flanchec est elle condamnée à un an de prison.

Sitôt connue, la condamnation à mort de De Bortoli provoque une réunion des responsables du PCF et des FTP à Brest. Albert Abalain rédige devant ses camarades le texte d’un tract dans lequel il est publiquement demandé au policier G… de se rétracter en avouant son faux témoignage devant le tribunal militaire allemand (il avait prétendu avoir vu les militants condamnés coller des affiches appelant à la lutte contre l’occupant), en l’avertissant que s’il ne le fait pas, il sera jugé, et probablement condamné à mort par le tribunal de la Résistance de Brest.

Rien ne se passe. Le policier est condamné à mort par Albert Abalain, Pierre Corre, Eugène Lafleur, le « tribunal » désigné par le PCF et la sentence est applicable en cas d’exécution de la condamnation à mort de De Bortoli.

En avril 42, Joseph Ropars et Albert Rolland, avec un groupe de FTP, font sauter le central téléphonique de la rue de Verdun à Saint-Marc. Albert Rannou et Jacob Mendrès parviennent à se faire embaucher à la base sous-marine pour des activités d’espionnage et de sabotage. Là ils apprendront que des réunions vont y rassembler des membres des états-majors allemand et italien. Il y a là aussi un sous-marin japonais. Ces camarades demandent des explosifs pour faire sauter l’immeuble où ces officiers doivent se réunir. Seulement, quand l’explosif arriva, la réunion était terminée depuis plusieurs jours. Alors les résistants communistes se rabattirent sur le sabotage de deux gros moteurs diesel de la base sous-marine. Les Allemands furieux arrêtèrent une trentaine d’ouvriers français qui travaillaient dans ce secteur. Rannou et Mendrès se séparèrent alors, par prudence. Quant aux ouvriers arrêtés, ils furent incarcérés et interrogés sans relâche pendant une semaine. Aucun d’entre eux ne parla.

Au début de l’été 42, Venise Gosnat nomme Pierre Corre responsable des FTP brestois, avec Pierre Berthelot comme adjoint. Henri Moreau est chargé de planquer chez lui la ronéo et le stock de papier.

En juillet 42, jusqu’au 14 juillet, les femmes communistes organisent de nouvelles manifestations de la faim de femmes à Brest contre les réquisitions et les restrictions. Des sabotages effectués par des groupes communistes sur les chantiers du bâtiment allemands dans et autour de Brest se multiplient.

Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1942, un attentat touche le siège du parti pro-nazi M.S.R (Mouvement Social Révolutionnaire). C’est l’oeuvre d’un groupe de FTP dirigé par le Morbihannais Jean-Louis Primas, ancien des Brigades Internationales. La devanture est détruite mais la déflagration a aussi causé la perte des vitres aux alentours. Déjà un attentat avait été organisé en mai contre cette permanence de collabos par un groupe qu’animait Jean Kerautret. Mais la bombe, identifiée, avait pu être désamorcée. La propagande orale du PCF met en parallèle l’efficacité de ces sabotages qui n’ont coûté aucune vie humaine et le bombardement du 24 juillet 1941 qui a fait plus de cents morts, dont 40 à Recouvrance pour un résultat militaire nul ou presque. Les actes de résistance commencent à être de plus en plus approuvés par les Brestois.

Un groupe de femmes communistes emmenée avec Raymonde Vadaine, Angèle Le Nedellec, Yvette Richard-Castel et Marie Salou infiltrent l’arsenal pour servir de relais au niveau des consignes du Parti Communiste et de la propagande. Pierre Corre prend le titre de commandant des FTP de l’arsenal. Jean-Louis Primas et Louis Le Bail, deux militants communistes Morbihanais envoyés en Finistère, vont montrer un courage remarquable dans l’action directe des FTP contre les Allemands. Quand Jean-Louis Primas sera jugé par un tribunal allemand, il devra répondre de 47 inculpations pour attentats à main armée contre les troupes allemandes!

Charles De Bortoli est exécuté le 22 août 1942 au champ de tir d’Issy-les-Moulineaux, près de la porte de Versailles. C’est Jean-Louis Primat qui doit se charger d’exécuter le policier collaborateur, mais aucun de ses coups de feu ne sera mortel pour le brigadier G.

En août, la vitrine de la L.V..F (Ligue des Volontaires Français contre le bolchevisme) vole en éclat rue de Siam, à deux pas de la préfecture maritime occupée par la Kriegsmarine. Raymonde Vadaine, Marie Salou, Venise Gosnat, Pierre Corre, André Berger, Joseph Ropars, Albert Abalain, A. Rolland, Albert Rannou, Etienne Rolland, participent aux opérations.

Peu de temps après, le 31 août 42, Jean Kerautret, responsable des J.C brestois, et un autre J.C, Vincent Guivarc’h, se heurtent à un groupe de soldats allemands alors qu’ils étaient en opération. Ils tirent sur eux. Dans l’échange de tir, les résistants sont grièvement atteints et tombent aux mains des allemands. Ils seront fusillés le 14 octobre 1942 après avoir été abominablement torturés.

C’est à ce moment que paraissent sur les murs des affiches menaçant de représailles les parents des résistants. Ainsi, Albert Cadiou, oncle de Jean Kerautret et membre du Parti Communiste, est arrêté par la Gestapo qui menace de fusiller son beau-frère Bourhis s’il quitte Brest.

Le 3 septembre 1942, 3 transformateurs sautent à l’arsenal grâce à l’explosif fourni par le groupe FTP du Pont-de-Buis, composé des membres du groupe local du PCF. Ils feront eux-mêmes un sabotage important, celui du téléphérique qui dessert la poudrerie, le 5 septembre.

Peu après un groupe FTP de l’arsenal dirigé par François Joncour tente de provoquer un incendie à l’atelier de chaudronnerie et manque de peu de réussir. Albert Rannou et son groupe, Joseph Ropars, Albert Rolland, etc. tentent, eux, de faire sauter des bureaux allemands, 17 rue Jean Jaurès, et dont la vitrine affiche de grands portraits de dignitaires nazis, d’où son surnom de « Maison à Hitler »… mais le système de mise à feu ne fonctionne pas. Quelques jours plus tard le groupe a plus de chance en faisant sauter un pylône supportant une ligne de 120 000 volts.

Le 16 septembre, Yvette Richard-Castel , solidement encadrée par des FTP, prend la parole, place de l’Harteloire dans le flot des ouvriers sortant de l’arsenal qui s’arrêtent pour écouter ses exhortations à refuser tout départ pour l’Allemagne. Car on veut déporter des ouvriers de l’arsenal, notamment, dit-on, à Hambourg.

Les FTP à Brest en ce mois de septembre 1942 ne sont toujours composés que de communistes et de sympathisants très proches. J.L Primas et Pierre Corre mettent sur pied deux attentats, le premier contre le « Gasthaus », cercle pour officier allemands et « Maison de rendez-vous », un bordel fréquenté par les Allemands 93 rue Jean Jaurès, face à l’église Saint-Martin et qui avait déjà fait l’objet d’une tentative qui avorta en mai. La bombe est préparée au domicile tout proche d’Adolphe Le Roux et elle est déposée sur le rebord de la devanture principale par le groupe de Joseph Ropars, Adolphe Le Roux, Albert Rolland et J.P Le Rest. L’engin explose le 20 septembre à 0h30 quand à l’intérieur la soirée est des plus joyeuses. Les autorités allemandes vont nier contre toute vraisemblance qu’il y ait eu des victimes mais plusieurs ambulances sont nécessaires pour évacuer les corps qui gisent à l’intérieur. Il y eut peut-être 28 morts, Allemands et Françaises.

L’autre attentat (groupe Primas ou groupe Rannou?) a lieu au même moment et dans des conditions similaires contre l’hôtel abritant l’état-major de la Kriegsmarine. Il provoque aussi de gros dégâts et des pertes chez les Allemands, on parle de 12 officiers tués.

Quelques jours plus tard un groupe de FTP abat un major-général allemand dans sa voiture au bord de la route entre Landerneau et Landivisiau. Nous n’avons pas eu d’autres précisions.

Les communistes constatent un glissement très net dans l’attitude de la population brestoise en faveur des actions les plus dures de la Résistance.

L’exécution du juge d’instruction Le Bras à Nantes, qui était connu à Brest pour y avoir procédé à des interrogatoires de résistants, notamment du groupe « Elie » suivie de près par l’attentat contre le brigadier G qui avait porté un faux témoignage contre Charles De Bortoli, responsable de son exécution, va entraîner une formidable activité policière dans toute la Bretagne.

De juin à fin septembre 1942, on compte déjà 247 arrestations de communistes et de sympathisants très proches dans le seul département du Finistère. L’enquête est confiée à la SPAC (Section de Protection anticommuniste) et dure du 26 septembre 1942 à février 1943. Elle va porter des coups très durs à l’organisation communiste comme à ses FTP, notamment à Brest. Des policiers de la SPAC viennent à Brest, les policiers collaborateurs locaux leur remettent les rapports des enquêtes passées ou en cours.

Le premier arrêté dans cette affaire est Raoul Derrien, alors qu’il vient retirer à la consigne de la gare son vélo que Primas lui renvoie après l’avoir utilisé lors d’opération dans le Morbihan, où l’engin a été repéré. A peu près à la même heure, Albert Rolland, adjoint de Pierre Corre, reçoit la visite de la police à son domicile. Il est arrêté tandis que Eugène Lafleur (« Charpentier ») qui se trouve chez lui s’échappe pour être rattrapé peu de temps après par la meute des policiers et des gendarmes français qui ont investi les lieux. La police se présente au domicile de Jules Lesven, mais celui-ci a eu le temps de prendre la fuite. La police embarque sa femme, Mme Lesven, qui laisse dans l’appartement un enfant malade.

Pendant ce temps là, à Quimper, 700 personnes, dont des notables, suivent le convoi funéraire d’André Quiniou, ancien trésorier régional des J.C., mort en prison des tortures endurées de la part de policiers, français surtout. Et une planque d’explosifs est faite au domicile de Joseph Ropars, 28, rue Richelieu.

Dans la nuit du 1er au 2 octobre 1942, la police frappe un grand coup.

Ils sont cette nuit-là 17 militants arrêtés répartis dans trois commissariats de la ville pour être plus tard regroupés dans une cellule du commissariat de Saint-Martin. Parmi les arrêtés, André Vadaine qui a vu le matin Albert Rannou pour discuter d’une action projetée.

Adolphe Le Roux, Louis Le Guen sont arrêtés. Pierre Le Corre, sur qui les policiers tirent, parvient à s’échapper.

Les résistants communistes arrêtés sont conduits à Pontaniou. Les Allemands ont exigé que les « terroristes » soient amenés là. De là, ils sont transférés à la prison du Château, toujours à grand renfort de gendarmes. Une cinquantaine de résistants y sont détenus, communistes pour la plupart ou sympathisants très proches connus dans leurs activités militantes dans diverses organisations du Front Populaire. A la fin de ces opérations policières, le nombre total de détenus patriotes à la prison allemande du Château s’élèvera à 70 environ.

Beaucoup de ces détenus sont torturés par des policiers français. Certains abominablement tel Lafleur: pendu par les mains, il est frappé pendant cinq heures sans qu’il soit détaché une seule minute. Les policiers se relaient à la cravache en présence d’un commissaire qui encourage ses hommes. Les policiers menacent les résistants arrêtés de nuire à leurs proches, femmes et enfants.

Joseph Ropars est arrêté dans sa « planque » de la rue de Verdun à Saint-Marc, par cinq policiers français. Albert Rolland et Albert Rannou à Saint-Marc, Louis Departout à Kerhuon sont aussi arrêtés.

Le bilan de ces arrestations est très lourd, touchant des résistants très actifs:

le 1er octobre 42: Albert Abalain, Marie Salou, Charles Bénard, Théo Drogou, François Joncour, Pierre Le Bec, Adolphe Le Roux, Yves Lesteven, etc.

le 2 octobre: Yves Richard

le 3 octobre: Georges Abalain

le 4 octobre: Henri Moreau et sa femme Simone,

le 5 octobre: Armand Le Bihan. Et aussi Eugène Lafleur, Théo Salès, Yves Gourmelon, Raoul Derrien, André Vadaine, Albert Rannou, etc.

Jean Kerautret et V. Guivarc’h sont fusillés à Morlaix le 14 octobre 1942.

Ces arrestations massives vont gravement ralentir l’activité des FTP mais sans arriver totalement à l’éteindre. Le lundi 5 octobre, en pleine vague d’arrestations, J.L. Primas avec deux camarades, E. Rolland et J. Le Nédellec sauvent un dépôt d’armes de la Résistance. Un peu plus tard, une bombe fabriquée par Primas et déposée par Le Bail explose devant le siège de la Kommandantur. Elle avait été placée sur le rebord d’une fenêtre, rue d’Algésiras. Les autres organisations du PCF dans le Finistère sont durement touchées. Parmi celles qui ont eu des contacts avec Brest, citons: au Pont-de-Buis, Pierre Berthelot et son père, un invalide de la guerre 14-18, sont transférés en prison à Brest. A Quimper, le courageux cheminot Harré subit d’atroces tortures qui entraîneront sa mort le 13 octobre 1942, après huit jours de supplices.

Le Parti Communiste réussit tout de même à organiser une grande manifestation devant l’arsenal contre le départ de 600 ouvriers vers Hambourg, avec Yvette Richard-Castel qui harangue la foule. Les ouvriers partent mais les wagons sont saccagés et une partie des ouvriers parvient à s’enfuir en route. Selon un rapport du préfet, 6 000 personnes participaient à cette manifestation, criant entre autres « A bas Pétain » et « Aux chiottes le vieux ».

Un nouveau triangle de direction clandestine du PCF se met en place avec J.P Le Rest, Gabriel Paul, Jacob Mendrès.

Les arrestations sous l’égide de la SPAC vont se poursuivre jusqu’à fin novembre 1942. Sur les 127 personnes liés au Parti Communiste identifiés et poursuivis par la brigade anti-communiste, seuls 17 parviennent à échapper à la police.

Cela n’empêche pas les attentats FTP de se poursuivre: contre un train de permissionnaires allemands, contre des poteaux indicateurs allemands, le 19 novembre contre le Foyer de la Kriegsmarine. Le 30 novembre, une explosion retentit à 5h25 du matin contre des bureaux militaires allemands.

Après l’échec d’une tentative d’évasion avec la complicité de Mme Poitou-Duplessis, présidente de la Croix-Rouge, qui fait parvenir des scies à métaux aux prisonniers, et de nombreux sévices infligés par les policiers, les résistants arrêtés en octobre et en novembre 42 sont envoyés à Rennes pour y être jugés, puis à Paris.

En décembre 1942, Jean Le Nédellec, responsable départemental du Secours Populaire, est arrêté à son tour. Jean-Louis Primas et Jules Lesven sont contraints de quitter l’agglomération brestoise. Venise Gosnat, menacé d’arrestation, s’enfuit du Finistère par Morlaix et retrouve Robert Ballanger à Paris.

La direction des FTPF à Brest est désormais assumée par Charles Vuillemin et Yves Giloux.

Fin décembre, les FTP avec Charles Vuillemin, Louis Le Bail, J.P Le Rest, Yves Giloux, font exploser une bombe au cinéma « Eden » où beaucoup de soldats allemands se divertissaient.

J.L Primas et Yves Giloux sont arrêtés à Nantes en janvier 1943. Jules Lesven et Pierre Corre sont arrêtés en mars, et fusillés, après avoir encore descendu un collaborateur en janvier 43 au Mans.

Eugène Kerbaul s’évade lui du camp de concentration de Voves en janvier 43. L’année 1943 va être marquée par un redoublement des activités résistantes, par un redoublement de la répression aussi. Ainsi, dans l’été 1943 les Allemands pensant terroriser les communistes vont extraire de plusieurs lieux de détention 19 communistes brestois pour les amener au Mont-Valérien où ils sont fusillés le 17 septembre.

Voici la liste des résistants communistes brestois tombés en tout jusqu’en 1943:

32 fusillés: Albert Abalain, Lucien Argouac’h, Alex Auvinet, André Berger, Pierre Corre, Marcel Cosquer, Charles De Bortoli, Louis Departout, Yves Giloux, Vincent Guivarc’h, Alfred Jouan, Jean Kerautret, Eugène Lafleur, Bernard Laurent, Louis Le Bail, Ernest Le Borgne, Paul Le Gent, Louis Le Guen, Jean-Pierre Le Rest, Paul Lescop, Jules Lesven, Jean Loyen, Paul Monot, Henri Moreau, Jean-Louis Primas, Jean Quintric, Albert Rannou, Albert Rolland, Etienne Rolland, Joseph Ropars, Jean-Marie Teuroc, Charles Vuillemin

8 morts en déportation ou de la torture: Albert Cadiou, Georges Cadiou, Yves Gourmelen, Yvon Le Berre, Charles Le Bris, Jean Marc, Jean Masson, Ténénan Monot

7 tués en opérations dans les rangs des FTP: Marcel Boucher, Pierre Cariou, André Garrec, Jean-Pierre Gourlaouen, Georges Melou, Jean Nicolas, Guy Raoul.

Synthèse à partir du travail d’Eugène Kerbaul, ancien résistant et membre du PCF à Brest, dans « Chronique d’une section communiste de province. Brest, janvier 1935-janvier 1943 – publié en 1992) » reprises par Ismaël Dupont

– 1er avril 2017

 

 

 

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 14/ L’étincelle: journal de la Résistance communiste de Concarneau.

L’étincelle: journal de la Résistance communiste de Concarneau, Mai 1944- Juin 1944.

Un document exceptionnel des archives Pierre Le Rose.

En mai 1944 paraît le premier numéro de L’étincelle, organe du Parti Communiste et des Jeunesses Communistes de Concarneau. Le simple fait de distribuer, de lire, et de faire connaître ce journal en période d’occupation est un acte de résistance qui exposait considérablement les intéressés.

Pierre Le Rose est un des rédacteurs de ce journal à titre bien choisi pour dire l’envie d’en découdre, la flamme qui anime les jeunes et moins jeunes résistants communistes de Concarneau. Le prototype du journal est écrit à la main, dans des conditions très artisanales.

Il y est question de justice rendue: on se félicite de l’exécution à Alger du traître Pucheu, responsable des fusillades de Châteaubriant, de la mort de Guy Môquet, de Pierre Guéguen, et Bourhis, mais aussi plus tard de l’exécution de Gabriel Péri. On demande justice pour Jean Chauvet, militant communiste tué par les miliciens de Darnand. On évoque le bilan du « règne de Vichy »: 400 000 arrestations par les Allemands, 80 000 patriotes exécutés ou déportés.

Au nom de l’unité des Français au service de la victoire et de l’insurrection nationale contre les tyrans, les traîtres, les profiteurs de guerre, on célèbre même Jeanne d’Arc: « Le 14 mai, les français de toutes opinions fêterons (sic) la jeune paysanne de Domrémy qui sauva son pays. L’Anti-France de Vichy va sans doute vouloir faire sienne notre héroïne nationale et comparer son sacrifice à la désinvolture avec laquelle Pétain a livré son pays. Les patriotes savent que Jeanne la lorraine personnifie la résistance de la France au joug de l’envahisseur. Les braves du maquis savent qu’aujourd’hui elle serait avec eux. Comme elle ils luttent pour chasser l’ennemi. Comme elle ils savent mourir quand il le faut sur le bûcher. Quant à Pétain, il ne ressemble pas à la française Jeanne d’Arc, mais à l’évêque Cauchon qui la condamna ».

On est confiant sur la prochaine libération, sur le prochain débarquement des anglo-américains: ainsi on dit que la situation alimentaire et la pénurie de pain continueront à s’aggraver et empireront jusqu’à la libération dans le Finistère. On prend appui sur le manque de pain pour encourager les Finistériens à lutter contre leurs autorités, soumises à Vichy et surtout aux réquisitions allemandes.

On se félicite que l’Assemblée d’Alger ait accordé le droit de vote aux femmes et on se demande pourquoi la majorité n’a pas été fixée à 18 ans. L’exemple de l’URSS, là encore, où le droit de vote et d’éligibilité est fixé à 18 ans, fait figure de marche à suivre.

On célèbre le courage de 250 travailleurs patriotes à Glomel qui ont célébré la Fête du Travail escortés de FTP avec leurs drapeaux tricolores, qui n’ont pas craint de chanter « La Marseillaise » et « l’Internationale ».

L’article le plus développé est dirigé contre Pétain, et sa visite prétendument compassionnelle à Paris après un bombardement:

« Pétain à Paris,

Pétain, au nom duquel les valets d’Hitler: Darnand, Déat, Laval… pourvoient les charniers de la Gestapo; Pétain, l’homme de la haute finance et de la grosse propriété; Pétain qui a livré la France au pillage et à la torture nazie; Pétain que le peuple exècre et châtiera un jour; a osé venir à Paris insulter par sa honteuse présence les malheureuses victimes du bombardement du 21 avril.

Il est venu et reparti furtivement encadré par ses miliciens traîtres, connaissant les sentiments du Paris populaire à son égard.

Il croyait mettre en valeur sa politique d’abandon, de trahison, de répression. Il a échoué.

Le peuple pleure ses morts; ceux des camps de prisonniers et de concentration, ceux qui tombent sous les balles allemandes; ceux qui périssent dans les bombardements, parce qu’une clique criminelle a permis à l’ennemi de transformer notre pays en un vaste objectif militaire.

Le peuple qui souffre ne permettra à personne de s’accaparer de ses morts héroïques à des fins politiques qui le livreraient pour toujours à l’esclavage nazi.

Il se prépare à l’insurrection nationale qui jettera bas ces fantoches sanglants et boutera hors de France l’envahisseur hitlérien

PATRIOTE! POUR LUTTER CONTRE HENRIOT PASSE ET FAIT LIRE CE JOURNAL DANS TON ENTOURAGE « .

Un slogan fait aussi écho à cette revendication: « des Armes pour le maquis! » Manière de dire qu’il en manque cruellement.

Sous le titre « Enfin! » , on évoque en page 2 le débarquement allié, « un premier débarquement plein de promesses ».

La défense des idées communistes n’est pas oubliée avec un article expliquant que Katyn, et ses 12 000 officiers polonais trouvés dans des fosses communes, est un crime nazi et non soviétique, ce qui, on l’a établi avec certitude plus tard, était malheureusement faux.

Enfin, un très bel article montre que dans les heures douloureuses de la fin de l’occupation, on trouve encore une source d’inspiration et de courage dans la Commune de Paris et le sacrifice de ses milliers de révolutionnaires tués, déportés ou bannis soixante-treize ans plus tôt.

« La Semaine Sanglante!

En ces jours anniversaires de la Commune de Paris, le peuple de France adresse aux morts de Mai 1871 l’hommage toujours vivace de son admiration. En luttant contre Hitler et les traîtres, il continue l’esprit des communards qui dans un mouvement d’indignation patriotique se levèrent contre l’envahisseur prussien et les traîtres à sa solde. Aujourd’hui, nos vichyssois et collaborateurs s’identifient aux versaillais de 71 et les dépassent par leur platitude devant l’ennemi et leur grande cruauté. Pétain est le digne héritier de Thiers, qui obtint de Bismark les 100 000 hommes nécessaires pour vaincre la bravoure patriotique des Communards. Ecrasés dans le sang de ses 55 000 martyrs, la commune est restée et restera pour chaque français le symbole d’un peuple qui n’abdique pas devant l’oppression et sait mourir pour la liberté. Dans le combat contre les cannibales nazis et leur clique de « Versaillais », nous seront dignes de nos grands ancêtres et nous lutterons jusqu’à la victoire.

Vive la Commune! VIVE LA FRANCE! »

 

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 13/ Guy Liziar (1937-2010)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

13/ Guy Liziar (1937-2010)

Notice biographique du Maitron en ligne – Jacques Girault et Alain Prigent

Né le 7 février 1937 à Quimerch (Finistère), mort le 14 novembre 2010 à Brest (Finistère) ; instituteur ; militant communiste dans le Finistère, maire du Relecq-Kerhuon.

Fils d’un ajusteur mécanicien et d’une future couturière d’opinions communistes, Guy Liziar reçut les premiers sacrements catholiques. Il obtint le baccalauréat « Mathématiques élémentaires » et devint instituteur. Après avoir travaillé comme surveillant dans un collège technique, il enseigna à Treffiagat et à Lesconil, à l’école primaire Kergoat dans la ZUP de Brest, puis à partir de 1970, au Relecq-Kerhuon. Il se maria en août 1963 au Relecq-Kerhuon avec Marie-Louise Léost, assistante sociale, communiste, fille d’un maçon socialiste. Le couple eut trois enfants puis divorça. Liziar se remaria en mai 1992 au Relecq-Kerhuon, avec Marie-Hélène Aubert, fille d’un secrétaire comptable à l’arsenal maritime de Brest.

Membre du Syndicat national de l’enseignement technique en 1958, Liziar devint membre du Syndicat national des instituteurs.

Liziar adhéra au Parti communiste français et aux Jeunesses communistes en mars 1959. Il entra au bureau de la fédération des JC, puis fut membre du secrétariat de la section communiste du Relecq-Kerhuon, chargé de l’organisation et de la commission des fêtes. Responsable de l’organisation départementale de Loisirs et vacances de la Jeunesse, il entra au comité de la fédération communiste en 1966, puis de la fédération Finistère-Nord à partir de 1972, responsable de la commission « vie municipale et cantonale » à la fin des années 1970, et y resta jusqu’en 1987, année où il demanda à être libéré pour s’investir davantage dans les associations.

 

 

Il était en effet membre du conseil d’administration du patronage laïque et militait dans le comité local de l’association de parents d’élèves. Depuis 1964, il avait créé des centres nautiques (Esquibien près d’Audierne, puis Lechiagat-Le Guilvinec, puis du Relecq-Kerhuon et de Camfrout). Il créa en 1977 une association TUL qui se transforma après des difficultés, à partir de 1990, en « Association vacances, évasions, loisirs » qui acheta la « Résidence-club Le Savoy » au Grand-Bornand (Haute-Savoie) dont il s’occupa avec d’autres bénévoles.

Liziar fut le suppléant du candidat communiste Yves Cam aux élections législatives dans la troisième circonscription (Landerneau) en 1967 et en 1968. Candidat aux élections législatives dans cette circonscription (Brest II) en 1973, il obtint 3 392 voix sur 64 760 inscrits (6, 18 % des suffrages exprimés au premier tour). Candidat aux élections législatives de 1978 dans la même circonscription (5 402 voix au premier tour, 77 410 inscrits), au Conseil général en 1970 (canton de Landerneau), en 1973, en 1976 (canton de Brest 2, Guipavas-Kerhuon-Guesnou), en 1982 dans le septième canton de Brest, il fut également candidat aux élections régionales.

Candidat sur la liste présentée par le PCF aux élections municipales de 1971 au Relecq-Kerhuon, chef de file des communistes sur la liste d’union de la gauche en 1977, Liziar fut élu et devint maire de la commune. Pendant son mandat, il réalisa des aménagements de logements sociaux, une maison des associations et une salle des fêtes.

Vice-président de la communauté urbaine de Brest, il fut chargé des questions des eaux, de l’assainissement, de la collecte des déchets et du service public de ramassage. Il présidait aussi le syndicat mixte de l’aménagement hydraulique de l’Elorn et de la rivière de Daoulas (construction du barrage de Drennec). Il fut élu, le 25 novembre 1979 au congrès de Pantin, au conseil national de l’association des élus communistes et républicains. La liste qu’il conduisait fut battue en 1983 par la droite mais il resta conseiller municipal minoritaire jusqu’en 2008. Il apporta son soutien à la liste d’union conduite par un militant socialiste qui l’emporta contre la droite qui administrait la commune depuis 1983.

Liziar mourut à la clinique Pasteur de Brest. La presse régionale et diverses personnalités de tendances politiques différentes lui rendirent hommage.

Sources :

 

Les grèves de 1950 à Brest, la mort d’Edouard Mazé et l’amputation de Pierre Cauzien – excellent dossier dans la Lettre aux adhérents du collectif finistérien de l’IHS CGT Bretagne

Nous mettons en ligne en pièce jointe le très beau dossier réalisé par le collectif finistérien de l’IHS CGT sur les grèves de 1950 et la répression ayant causé la mort de notre camarade Édouard Mazé, l’amputation de notre camarade Pierre Cauzien.

En complément de ce dossier vous pourrez trouver des articles consacrés à nos camarades publié sur Rouge Finistère.




PDF lettre-aux-adherents-n-11-3

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 12/ Pierre Cauzien (1922-2009)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

12/ Pierre Cauzien (1922-2009)

 » Pierre Cauzien, figure du militantisme brestois, s’est éteint samedi matin, à l’âge de 86 ans. Lors de la manifestation du 17 avril 1950, Pierre Cauzien avait perdu une jambe. Il avait alors 27 ans, délégué de la CGT, il travaillait à l’arsenal. La manifestation avait coûté la vie à Edouard Mazé. À 86 ans, Pierre Cauzien n’avait oublié aucun détail de cette triste journée où la manifestation d’ouvriers s’était traduite par cette mort par balle. Pierre Cauzien s’est alors beaucoup battu pour faire la lumière sur ce qu’il qualifiait de « drame social ». Il était toujours adhérent du Parti communiste. Il faisait aussi partie de la section CGT des retraités » (Ouest-France, 13 avril 2009)

Notice du Maitron (établie par Claude Pennetier):

Né en 1922 à Lesneven (Finistère), mort le 11 avril 2009 ; ouvrier à l’Arsenal de Brest ; grièvement blessé lors la manifestation du 17 avril 1950.

Le père de Pierre Cauzien mourut peu après sa naissance. Il fut élevé par sa tante au Cléguer, à Plougastel, où il alla à l’école. Une bourse lui a permis de poursuivre ses études et de rentrer à l’arsenal comme traceur de coques. Syndicaliste CGT, il participa à la grève et à la manifestation de soutien aux ouvrièrs du bâtiment le 17 avril 1950. En arrivant à la sous-préfecture les policiers entreprirent de disperser le cortège. Les pavés volèrent et la police tira, tuant l’ouvrier Édouard Mazé et blessant au mollet Cauzien. À l’hôpital, le chirurgien retira la « balle de gradé » qui lui avait coûté la jambe. Une vingtaine d’autre manifestants furent blessés.

Il resta handicapé. L’enquête après ces événements s’était conclue par un non-lieu, estimant impossible d’établir qui avait tiré. Cauzien chercha longtemps à faire reconnaître qu’il n’avait pas été victime d’un accident.

Josiane Mazé, la fille de Pierre Cauzien, raconte: «Il se défendait de la gloire d’avoir fait partie de la Résistance», malgré son rôle de passeur, de porteur de messages… Pour lui, cela n’avait rien à voir avec ceux qui «avaient risqué leur vie». ( photo publié par le Télégramme lors de la mort de Pierre Cauzien, en 2009)

 

 

 

Article Télégramme :

Publié le 29 mai 2007

https://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=20070529&article=952345&type=ar

Kris, l’un des auteurs de la BD « Un homme est mort » était aux côtés de Pierre Cauzien, lors de la conférence donnée à la médiathèque.

Pierre Cauzien, mémoire de la BD de Kris et Davodeau

En clôture de l’exposition « Un homme est mort », bande dessinée de Kris et Davodeau, relatant une page sombre de la reconstruction de Brest, la médiathèque de Bellevue a organisé, mercredi 23 mai, une rencontre avec Pierre Cauzien, témoin et victime des événements dramatiques évoqués dans la bande dessinée. l’époque des faits, qui aboutirent à la mort d’Édouard Mazé, le 17 avril 1950, Pierre Cauzien était jeune ouvrier de l’arsenal et simple militant CGT. Il a lui-même été blessé par balle et amputé d’une jambe quelques jours plus tard. À 85 ans, Pierre Cauzien a conservé intact dans sa mémoire le souvenir de ces événements dramatiques. Kris et Davodeau ont fait appel à lui pour reproduire les faits, au travers de la bande dessinée « Un homme est mort » qui a, depuis sa sortie en octobre 2006, reçu plusieurs prix.

Une BD de combat

« Je n’aurais jamais imaginé que la BD puisse traiter ce sujet , souligne Pierre Cauzien. Compte tenu des circonstances actuelles, je trouve que les auteurs font preuve d’un grand courage, en se lançant dans une BD de combat. Je les en remercie. Le comportement des années 50 s’explique par ce qui s’est passé quelque temps auparavant, avec la guerre, l’Occupation. Il y a des analogies avec ce qui se passe actuellement. J’en ai connu des trahisons et des changements de vestes. Ce n’est pas une démarche personnelle. Quand la gauche était au pouvoir, j’aurais voulu que l’on en fasse une affaire collective ».

 

 

Source :


 

 

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 11/ Edouard Mazé (1924-1950)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère:

38/ Edouard Mazé (1924-1950)

Ouvrier du bâtiment ; militant de la CGT à Brest (Finistère).

Frère du secrétaire général du syndicat CGT du bâtiment de Brest (manoeuvre chez Sainrapt et Brice), Édouard Mazé fut tué par les forces de l’ordre d’une balle en pleine tête lors de la manifestation du 17 avril 1950 à Brest.

Presque entièrement détruite en 1944, encore un énorme chantier de reconstruction en 1950, Brest vit de plein fouet les tensions de la guerre froide en pleine guerre d’Indochine.

Au mois de janvier avait déjà eu lieu dans le Finistère la grève des carriers d’Huelgoat, rejoints par les marins-pêcheurs qui protestent contre les importations de poissons puis par les fonctionnaires de Brest qui réclament le maintien de l’indemnité qui leur est versée au titre de « ville sinistrée ».

« Le 19 mars, ce sont plus de 5 000 ouvriers du bâtiment qui entrent à leur tour en grève, afin d’obtenir une augmentation de salaire. Ils sont bientôt suivis par les dockers du port de Brest et, peu à peu, la cité finistérienne prend des allures de forteresse assiégée par la grève générale.  Elle durera plus d’un mois et sera sanglante.

Les manifestations se succèdent devant un impressionnant déploiement de forces de police jusqu’à la tragique journée du 17 avril 1950 : une fusillade éclate et Edouard Mazé, 26 ans, frère du secrétaire du syndicat du bâtiment, affilié à la CGT, s’effondre. Au final, le bilan est très lourd : un mort, de nombreux blessés dont certains gravement, à l’image de Pierre Cauzien, qui est amputé d’une jambe cinq jours plus tard. Edouard Mazé devient instantanément un emblème de la répression policière et se forge autour de lui une mémoire d’autant plus vive que l’enquête diligentée aboutit à un non-lieu » (Erwan Le Gall, site internet En Envor).

Sa mort provoqua un grande émotion et fait partie de la mémoire ouvrier de la ville et de la région. Ses obsèques ont lieu le 19 avril 1950. Un cortège accompagne les proches de l’ouvrier sur la tombe duquel figure l’épitaphe « Mort pour le pain, la paix et la liberté ». L’enquête lancée à la suite de ce drame, au cours duquel un autre militant, Pierre Cauzien, est grièvement blessé, a abouti à un non-lieu.

Le cinéaste finistérien René Vautier, 20 ans, communiste, tout jeune auteur du brûlot anti-colonial « Afrique 50 »,  se rend clandestinement à Brest à la demande de la CGT pour relater cette fin tragique dans son film Un Homme est mort (film disparu, mais à l’époque projeté 88 fois dans les rues de Brest, la 89e projection lui ayant été fatale), dont le titre et l’histoire ont été repris par une belle bande dessinée de Kris et Davodeau (Futuropolis, 2006), base d’un long métrage d’animation de Olivier Cossu sorti en 2017.

Ce titre « Un homme est mort » est emprunté à un poème d’Eluard en hommage au journaliste de L’Humanité et militant communiste Gabriel Péri, fusillé par les Nazis:

Un homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oubli

Car tout ce qu’il voulait
Nous le voulions aussi
Nous le voulons aujourd’hui
Que le bonheur soit la lumière
Au fond des yeux au fond du cœur
Et la justice sur la terre

Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur le mot confiance
Amour justice et le mot liberté
Le mot enfant et le mot gentillesse
Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits
Le mot courage et le mot découvrir
Et le mot frère et le mot camarade
Et certains noms de pays de villages
Et certains noms de femmes et d’amies
Ajoutons-y Péri
Péri est mort pour ce qui nous fait vivre
Tutoyons-le sa poitrine est trouée
Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux
Tutoyons-nous son espoir est vivant.

Paul Éluard

Après les grèves du bâtiment de 1950 et la mort d’Edouard Mazé le 17 avril 1950, le député communiste de Brest Gabriel Paul, ami  de Pierre Cauzien, a accompagné la grande grève des travailleurs de l’Etat en 1951 et joué un rôle décisif à l’Assemblée Nationale pour la promulgation du décret du 22 mai 1951 qui alignait les salaires des travailleurs de l’Etat sur ceux des métallurgistes de la région parisienne. 1950 fut, dans le contexte de la lutte contre la guerre d’Indochine, des mouvements ouvriers et populaires dans un climat d’exaspération sociale liée à la misère, et de guerre froide, une période d’anti-communisme d’État très violent: ainsi les députés communistes du Finistère, Alain Signor et Marie Lambert, furent emprisonnés cette année-là pour avoir manifesté contre la guerre d’Indochine, comme Jacques Duclos, lui-même, pourtant figure de la résistance.

 

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 10/ Denise Larzul (1922-2009): une grande résistante du pays quimpérois

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

10/ Denise Larzul (1922-2009): une grande résistante du pays quimpérois

Denise Larzul, Goyat de son nom de jeune fille, est née dans l’Orne en 1922 et demeurait à Ergué-Armel (commune rattachée à Quimper en 1960). Elle s’engagea dès sa majorité en 1943 dans la Résistance à l’occupant nazi et à ses collaborateurs. Elle fut intégrée dans la 1ère compagnie « Sous-marin Curie » du bataillon « La Tour d’Auvergne » des FTPF de Quimper et sa région.

Recherchée par la Gestapo, elle entra dans la clandestinité et eut la surprise de retrouver au maquis de Langolen son père Jean-Louis Goyat dont elle ignorait jusqu’alors l’engagement dans la Résistance.

Elle participa aux combats pour la libération du Sud-Finistère, notamment ceux de Concarneau, de la presqu’île de Crozon et de Quimper, sous la direction de Jean Mével son chef de compagnie. Le relevé officiel des actions de résistance de Denise Larzul recense notamment des attentats (au moins à 6 reprises) contre des trains de munitions, de ravitaillement pour les nazis, diverses actions contre les administrations vichystes au service de l’occupant.

C’est en reconnaissance de cette participation active à la lutte contre les nazis et leurs collaborateurs que le Lieutenant-Colonel Berthaud, chef départemental des FFI la nomme au grade d’adjudant en exécution des instructions du Gouvernement français d’Alger.

Dans le rapport qu’il établit le 19 novembre 1944, le capitaine Kervarec commandant du bataillon « la Tour d’Auvergne » notait que mademoiselle Denise Goyat était détentrice des archives secrètes du bataillon qui lui avaient été confiées, avait réalisé des liaisons nécessaires à la bonne marche de la Résistance et participé aux combats pour la Libération. Infirmière bénévole, elle a également soigné, relevait-il, les malades et blessés, tant à l’arrière qu’en 1ère ligne. Il notait enfin dans son rapport qu’elle avait secondé son chef de compagnie et même remplacé celui-ci pendant son internement à la prison Saint-Charles de Quimper, et cela mérite d’être relevé dans des fonctions rarement occupées par une jeune femme à cette époque.

La Croix de Guerre avec étoile d’argent lui a été décernée par les autorités après la Libération.

Denise Goyat se marie après la guerre avec Basile Larzul, instituteur bigouden rencontré dans la Résistance qui fut par la suite directeur au CIO de Quimper.

Elle a par ailleurs été une sportive émérite dans les années d’après guerre. Membre active de l’association gymnique « La Quimpéroise », elle se distinguait dans plusieurs disciplines : les agrès, les barres parallèles notamment, et le basket dont elle fut pendant une longue période capitaine de l’équipe féminine. Elle participa dans ces deux disciplines à des nombreuses compétitions dans la région quimpéroise et en Bretagne.

Denise Larzul avait adhéré au Parti Communiste Français en 1946, elle était membre de la section de Quimper, d’abord à la cellule Ambroise Croizat des organismes sociaux où elle travaillait, puis à la cellule Arthur Quéinec(1) qui rayonnait sur le quartier d’Ergué-Armel La Tourelle.

Elle est décédée le 18 juin 2009.

Une salle municipale porte son nom, « Espace Denise Larzul » dans son ancien quartier d’Ergué-Armel allée Louise Michel à Quimper.

Note biographique établi par Piero Rainero.

(1) résistant quimpérois fusillé par les nazis au Poulguen à Penmac’h en 1944.

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 9/ Pierre Le Rose

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

9/ Pierre Le Rose

Marie-Pierre Le Rose et sa sœur ont fait don à l’hiver 2015-2016 à la Fédération du Parti Communiste Français du Finistère des archives de leur père, ancien résistant et ancien secrétaire départemental du Parti Communiste du Finistère, puis adjoint au maire à Concarneau, un militant exceptionnel qui a consacré sa vie à ses idéaux de justice sociale et de progrès. Un homme que nous admirons beaucoup, d’une grande qualité humaine, en qui nous voyons un exemple et un modèle de rigueur politique et morale et de dévouement.

Ce fut une grande joie et un honneur pour nous de pouvoir explorer pendant plusieurs mois les traces d’un intérêt exceptionnel de ce passé de militant, ses documents issus de la Résistance, du CNR, ses lectures communistes, ses rapports, ses comptes rendus de réunions de cellules et de sections, et à travers cela, de restituer une époque passionnante et inspirante de notre histoire.

Nous avons commencé à lire les compte rendus de réunions de sections, de cellules, de comité de rédaction « d’Ouest-Matin », de comités fédéraux de Pierre Le Rose, alors secrétaire départemental du Parti Communiste, en 1955-1956, dans un contexte de guerre d’Algérie, de réorientation par rapport à l’héritage de Staline suite au XXe congrès, d’effort constant pour renforcer l’audience du parti communiste dans les masses et pour réaliser les conditions d’un rassemblement populaire à gauche.

On y découvre un PCF fort dans le Finistère (2533 adhérents, 2 sièges de députés, le 2e parti en nombre de voix aux élections législatives de début 1956), avec une implantation dans les quartiers, les entreprises. Un Parti qui est relativement serein, avec de forts consensus, sans beaucoup de débats idéologiques et politiques contradictoires, même si parfois on voit des doutes, des désaccords et des contradictions affleurer, mais avec un effort qui est dirigée surtout vers l’action, l’organisation, la « propagande » et l’explication auprès du grand public, et une très forte préoccupation pour les problèmes sociaux quotidiens de la population. Le Parti est organisé en cellules, plus ou moins active, il s’appuie sur une presse importante, y compris avec une dimension départementale et régionale (Ouest-Matin), et un travail collectif considérable, même si comme aujourd’hui, des problèmes d’organisation existent. Il est amusant de découvrir dans ces carnets le fonctionnement du Parti et son quotidien, il y a plus de 60 ans, avec des différences importantes de contexte mais aussi beaucoup de similitudes avec les préoccupations et discours actuels des adhérents du Parti Communiste.

Pierre Le Rose est le fils de Théophile Le Rose, né à Concarneau le 11 février 1900, qui était lui-même un militant communiste.

 

Engagé à 18 ans, Théophile Le Rose était au dépôt de Brest au moment des événements faisant suite aux révoltes de la Mer Noire. Il était ami avec Théo Le Coz qui sera plus tard directeur de La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime.

Voilier, Théophile succéda à son père à la tête de la voilerie artisanale et familiale employant cinq ouvriers. Pierre Le Rose est l’un de ses deux fils, qui naît le 10 février 1923 à Concarneau.

Théophile participe au mouvement populaire qui se développe après février 1934. Il adhère au Parti Communiste en 1935 et est présent dans les différentes activités du Front Populaire (campagne électorale de 1934 où Pierre Guéguin entre au Conseil Général, de 1935 avec l’élection aux municipales de la liste de front commun, de 1936 avec la victoire aux législatives).

Il participe au soutien à l’Espagne Républicaine (accueil des réfugiés, organisation des Brigades Internationales).

Il organise la manifestation départementale du Front Populaire le 7 juin 1936 à Concarneau, prépare la première fête de la Bretagne du Parti Communiste à Concarneau en août 1936 avec Marcel Cachin, réceptionne et achemine Jacques Duclos en novembre 1937. Théophile Le Rose développe aussi des relations étroites avec Alain Signor, élu au Comité Central au Congrès d’Arles en 1937. Il décède après la fête de l’Humanité de Garches, le 8 juillet 1938.

Son fils, Pierre Le Rose, commence à s’intéresser à la vie politique à partir des événements de 1934 et de 1936, de la construction du Front Populaire. Il participe aux manifestations comme enfant, lit « l’Huma » à laquelle son père est abonné. Il vend des Bonnets phrygiens, insignes du Front Populaire, à la manifestation du 7 juin 1936: Pierre a alors 13 ans. Son père décède quand Pierre atteint sa quinzième année.

En 1940, à dix-sept ans, il quitte l’école pour prendre la direction de la Voilerie qu’avait conservée sa mère au décès de Théophile. Il conserve un contact avec le Parti, désormais clandestin après les accords germano-soviétiques, et il a connaissance des premiers tracts du Parti Communiste, alors plus que jamais persécuté: l’appel du 10 juillet 1940 notamment.

Au printemps 1943, avec une équipe de jeunes amis, il constitue les premiers groupes de FTP de la région de Concarneau. Parallèlement, en liaison avec Alphonse Duot, secrétaire de la section clandestine du Parti à Concarneau (reconstituée à la suite des arrestations de 1942), il organise les groupes de la J.C, le Front National et plus tard les F.U.J.P et le Front Patriotique de la Jeunesse. Il rédige et confectionne des tracts, des journaux écrits à la main (« L’étincelle », organe du Parti et des J.C, « l’Insurrectionnel », bulletin du Front National). Il participe aux diverses actions des FTP, à la propagande du Parti et des Jeunesses Communistes, au recrutement.

Au Printemps 1944, Pierre Le Rose participe à la création du Comité Local de Libération dont il devient le Secrétaire. Désigné par ses camarades de la Libération (le 15 août 1944 à Quimper, Concarneau n’est pas encore libérée), il devient membre du Comité Départemental de Libération pour représenter les « Forces Unies de la Jeunesse Patriotique ». Il contribue dans ce cadre à la mise en place des délégations spéciales en remplacement des institutions de Vichy et à la réintégration des Conseils Municipaux dissous en 1939 par Daladier: Concarneau, Guilvinec, Léchiagat, etc.

Il devient membre actif du Front National (l’organe unitaire de la Résistance créé par les Communistes pour fédérer largement la résistance intérieure) pour lequel il fait ses premiers meetings (Douarnenez, avec Albert Trévidic), à Concarneau aux rassemblements des J.C dont il est membre du Bureau Régional. Pierre le Rose est coopté au Comité Régional du Parti Communiste mi-décembre 1944.

Il prend la parole au Congrès du Front National présidé par Joliot-Curie en janvier 1945. Il est élu aux Etats généraux de la Renaissance Française le 14 juillet 1945. Pierre Le Rose était dans la délégation du Finistère au Congrès des JC constitutif de l’U.J.R.F début avril 1945.

Délégation du Finistère au Congrès de Strasbourg du PCF en 1947: Daniel Trellu, Gabriel Paul, Pierre Le Rose, Marie Lambert

En mai 1946, Pierre Le Rose est élu au secrétariat fédéral du Parti Communiste (dont Marie Lambert, première députée femme du Finistère à la Libération, devint première secrétaire). Il restera à cette fonction sous la direction de Daniel Trellu (1949-1952) et sera élu secrétaire fédéral en février 1953. En mars 1956, Pierre Le Rose devient permanent d’Ouest Matin à l’agence de Brest et il fait son retour à Concarneau la même année. Il est secrétaire de la section de Concarneau entre 1957 et 1968. Des raisons de santé ne lui permettront pas de militer pendant quelques années et il quittera le Comité fédéral en 1968, pour y revenir en 1970 lors de la division du PCF finistérien en deux fédérations. Il sera élu trésorier fédéral en 1979.

Pierre Le Rose, infatigable militant, s’est aussi investi à la présidence des parents d’élèves du lycée dans le cadre de la FCPE, à l’ANCR, il a été secrétaire du Comité du souvenir de Châteaubriant, secrétaire du comité de jumelage de Concarneau dans lequel il s’est beaucoup investi pour développer, par-delà les souvenirs douloureux de la guerre, la fraternité franco-allemande. En 1977, il devient conseiller municipal de Concarneau et responsable du groupe communiste de 1977 à 1983.

Ismaël Dupont

 

Marcel Cachin à la fête de la Bretagne avec le comité fédéral du Finistère et Pierre Le Rose

 

 

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 8/ Marie Salou née Cam (1914-2011)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

8/ Marie Salou née Cam (1914-2011)

Marie Cam-Salou est née en 1914 à Saint-Marc, aujourd’hui un quartier de Brest, jadis une commune indépendante,  d’un père ouvrier à l’Arsenal de Brest (Finistère) et d’une mère travaillant à la Poudrerie de Saint-Nicolas au Le Releq-Kerhuon (Finistère). Marie Cam avait deux sœurs plus âgée qu’elle. Elle se maria le 4 juin 1932 avec Goulven Salou, ajusteur à l’arsenal. Ils eurent deux enfants.

Marie Salou milita au Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme où elle s’occupa notamment de l’aide aux enfants de républicains espagnols.

Elle adhéra au Parti communiste en 1939.

Après la déclaration de guerre et la mobilisation, le couple fut séparé. En 1940, son mari se retrouva à Dakar (Sénégal), puis Casablanca (Maroc), où il entra dans la Résistance. En avril 43 il intégra la 1re DFL et fut envoyé en Tunisie. Il participa à la libération de l’Italie, au débarquement de Provence, et l’avancée sur Marseille, Lyon, et Colmar.

Membre du P.C.F clandestin, elle héberge les résistants recherchés par la police ou les allemands. Début 1942 elle aide plusieurs prisonniers républicains espagnols à fuir la ville. Elle participe à la manifestation du 28 avril 1942. En Août 1942 elle saccage avec une amie la vitrine de la L.V.F rue de Siam. Arrêtée en octobre 1942 par des policiers français, elle est brutalisée. Internée, elle est finalement remise aux allemands qui la juge à Fresnes en 1943. Déportée, elle revient en 1945 très affaiblie. —– Angèle Kerlirzin-Le Nédelec, née en 1910 à Scrignac. Membre du P.C.F clandestin. A la débâcle elle cache des armes récupérés par son mari. Participe à la diffusion des tracts du P.C.F et F.N. Elle participe à la manifestation du 28 avril 1942 et à la tentative de manifestation patriotique du 14 juillet 1942. Arrêtée en octobre, elle est également internée à Brest, Vitré et Rennes. Libérée en Novembre 1943, elle gagne les Côtes-du-Nord et intègre les F.T.P.

Elle fut libérée le 28 avril 1945 à Mauthausen (Allemagne).

Revenue en France, tout en continuant à militer au Parti communiste, elle adhéra et milita, à l’Union des Femmes Française, à la FNDIRP, à l’ARAC.

On la décora de la Médaille de la déportation, de celle du Combattant volontaire de la Résistance, de la Croix de guerre 39-45, de la Médaille militaire. Elle fut fait Chevalier de la légion d’honneur.

Sources :

 

Photo Marie Salou (deuxième en partant de la gauche) provenant des Archives de Brest et vue sur la page Facebook Brest 44 – Journée internationale de lutte des femmes, pour l’égalité des droits] Le 27 avril 1975, au château de Brest, une plaque est inaugurée en mémoire des résistants et otages arrêtés et incarcérés en ce lieu avant d’être déportés ou fusillés. Sur la photo, trois résistantes que nous avons décidé de mettre à l’honneur en cette journée. De gauche à droite: —– Yvette Castel-Richard, née en 1913 à Brest, membre du P.C.F clandestin, intègre les F.T.P en 1942 comme agente de liaison. Organise la manifestation des brestois du 28 avril 1942 pour demander plus de nourritures aux autorités civiles. Arrêtée en octobre 1942, internée à Brest, Vitré et Rennes.

 

 

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 7/ René Vautier (1928-2015)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

7/ René Vautier (1928-2015)

 

Né le 15 janvier 1928 à Camaret-sur-Mer (Finistère), mort le 4 janvier 2015 à Cancale où il vivait depuis des années, René Vautier est un cinéaste engagé, anticolonialiste, antimilitariste. René Vautier, jeune lycéen résistant dans le sud-Finistère dès 1943, décoré de la croix de guerre à 16 ans en 1945, adhère au PCF dans l’après-guerre.

Ses films et ses documentaires profondément novateurs sur le rapport au réel les plus connus sont « Afrique 50 » (1950), « Un homme est mort » (1950), « Anneau d’or » (1956), « Avoir vingt ans dans les Aurès » (1971), « Frontline » (1976), « Marée Noire, colère rouge » (1978).

Pendant la guerre d’Algérie, René Vautier eut le courage par conviction anti-colonialiste et par goût du témoignage inédit de suivre des fellagas du FLN pendant plusieurs mois à l’insu évidemment des autorités coloniales avant d’être arrêté par le FLN et de passer plus de deux ans dans ses prisons.

Ce fut aussi un adhérent communiste jusqu’à sa mort, et un militant du Mouvement de la Paix.

Dans le livre richement illustré Des enfants dans la Résistance (1939-1945) (édition Ouest-France), Philippe Chapleau nous fait revivre la naissance à l’engagement de René Vautier à Quimper, comme scout résistant, à travers la retranscription d’un interview passionnant.

René Vautier, le porteur de drapeau à droite, en 1945. Le scout de Quimper a effectué de nombreuses « missions », l’année où il préparait son bac: c’était lui qui représentait le clan des Eclaireurs lors des cérémonies officielles (collection René Vautier – repris par Philippe Chapleau et l’équipe du livre « Des enfants dans la Résistance », Ouest-France)

René Vautier revient sur son adolescence de résistant dans le Sud-Finistère et les blessures intimes que cela a engendré pour lui: 

 » Je suis né le 15 janvier 1928 à Camaret. A 9 ans, j’ai quitté Brest pour Quimper, où ma mère était institutrice dans une école de la ville, sur le bord de la route de Pont-l’Abbé. Elle était divorcée. Nous vivions à trois, avec mon frère aîné, Jean, qui avait 16 ans.

En 1939, mon père, que je n’avais pas vu depuis quelques temps, a été mobilisé. Il a été envoyé dans un casernement de Quimper, à 300 mètres de l’école de ma mère. Je suis allé lui rendre visite plusieurs fois; ça a été mon premier contact avec la guerre. Chez nous, on ne parlait pas beaucoup de la Grande Guerre. En revanche, dès que les Allemands sont arrivés, on a eu une réaction immédiate: il fallait faire quelque chose.

Mon frère et quelques-uns de ses copains des Éclaireurs de France ont échafaudé un plan: ils projetaient de quitter la France en allant prendre l’avion à Pluguffan pour gagner l’Angleterre. Nous, les plus jeunes des Éclaireurs, on était six ou sept: il y avait Bob, Jojo… On a décidé de retarder les Allemands en barrant la route et en faisant des barrages. On a commencé à creuser des trous, des tranchées… Il fallait qu’on donne du temps à nos aînés pour qu’ils puissent s’envoler de l’aérodrome de Pluguffan. C’était complètement dingue, mais ça nous a marqués parce qu’on s’est fait tirer dessus par les premiers soldats allemands qui sont arrivés; c’était en juillet 1940. Ils étaient en side-car, avec de grands cirés, un fusil-mitrailleur à l’avant du side-car. Impressionnant! On a quand même décidé de continuer à balancer des cailloux. Quand ils ont vu qu’ils étaient immobilisés par des rochers sur la route et par des gamins qui leur jetaient des pierres, ils ont tiré en l’air. On a couru très vite à l’abri…   Ce fait d’armes n’a guère impressionné les gens du coin qui nous en voulaient d’avoir creusé des tranchées: ça allait attirer les avions allemands. Certains d’entre nous se sont pris des gifles et on été condamnés à reboucher nos trous!

Les adultes n’étant pas d’accord avec nous, nous avons décidé que nous mènerions notre résistance nous-mêmes. Comme le lycée avait été réquisitionné par les Allemands, les élèves de 6e, 5e et 4e, suivaient les cours de l’autre côté de la ville, route de Brest. Tous les matins, il fallait donc que je traverse toute la ville. C’est alors qu’on a eu une idée. Au début, c’était comme une plaisanterie: on déplaçait les poteaux indicateurs mis en place par les Allemands. Mais, quand les Allemands ont placé des sentinelles près des fameux poteaux de signalisation, on s’est pris au jeu et on leur a compliqué la vie autant qu’on pouvait. C’est à cette époque que j’ai trouvé des poèmes de Victor Hugo; je me suis mis à les lire aux copains. C’était des poèmes de résistance, de lutte contre les Prussiens. Je trouvais ça bien.

Quand on partait camper avec le groupe des Éclaireurs de France qui continuait à fonctionner, je lisais aussi ces poèmes. Mon professeur de français m’a appelé un jour; il s’appelait Xavier Trélu. Il m’a demandé pourquoi je lisais ces textes. Je lui ai répondu qu’il fallait qu’on appelle les gens à la résistance contre l’occupant. Il s’est alors arrangé pour que je reçoive les premières éditions de littérature clandestine, des textes des Lettres françaises *. 

*Le journal du Front National pour la Libération de la France, à visée de rassemblement mais à base communiste, dont le responsable était Louis Aragon

Je lisais ça dans la cour. Le groupe des Éclaireurs a ainsi été un petit peu éduqué dans cet esprit. Un jour Xavier Trélu a disparu. On a appris qu’il était parti en Angleterre. C’était en 1942.

On a alors appris que les Allemands avaient tué des parachutistes qui avaient été largués le long de la côte. On n’a jamais su exactement ce qui s’était passé. Toujours est-il qu’on a pensé que ces paras étaient venus pour faire des relevés, dresser des plans de défense côtières, étudier les zones de tir… Pourquoi pas nous?

En tant qu’Éclaireurs, on avait le droit de marcher le long de la côte: on pouvait aussi faire du renseignement. On a commencé à faire des relevés des angles de tir de casemates. Jusqu’au jour où le responsable du groupe nous a convoqués. Il s’appelait Albert Philippot. Il était professeur à l’école Jules-Ferry, c’est-à-dire le cours complémentaire qui était juste en face du lycée. Philippot nous a fait la leçon: « Vous faites des bêtises qui risquent de se retourner contre vous et contre beaucoup de monde ».

On a eu beau expliquer nos activités, ça ne l’a pas convaincu. Il nous a demandé de lui remettre nos relevés. On a tout donné. Mais quinze jours plus tard, il est revenu nous voir: « Bon, vous pouvez continuer; soyez quand même plus discrets ». C’était en 1943. Philippot nous a même fourni du matériel, des compas par exemple. Ce qu’on ne savait pas, c’est qu’il allait devenir le chef des FFI du Sud-Finistère.

Un jour de mai 1944, tout le lycée a été fouillé par les Allemands. J’avais sur moi des relevés que je devais remettre à Philippot. Notre professeur de français, dont on apprendra qu’il était lieutenant dans les FFI, a protesté quand les soldats ont fait irruption dans la classe. Il a entraîné les officiers allemands chez le proviseur. Il est seulement resté un garde dans notre salle de classe, un vieux soldat. Les élèves ont commencé à chahuter. Moi, j’étais au premier rang. Je voulais me débarrasser des trois feuilles de relevés. J’ai plié deux feuilles pour en faire des bateaux et une pour en faire un avion. J’ai engagé la conversation avec le soldat en lui parlant des cuirassés allemands et de la Luftwaffe et en m’expliquant avec mes bateaux de papier. A la fin, j’en ai fait des boulettes que j’ai jetées par terre. Heureusement, car les officiers sont revenus et ont fouillé mon sac et celui d’André, un copain. Ils sont repartis les mains vides.

Nous, à partir de ce jour-là, on n’a plus remis les pieds au lycée. On s’est cachés prs d’Audierne, chez un certain Trividic. Comme on n’avait pas d’armes, on a projeté de piquer les revolvers des gendarmes locaux. A défaut, on a volé celui d’un Feldgendarm dans une salle de bal réservée aux Allemands. Un revolver et six balles qu’on n’a pas gardés longtemps puisque le frère de Jojo nous les a confisqués!

Près des casemates, on avait aussi repéré des dépôts de munitions. On s’est dit alors qu’il devait y en avoir d’autres en ville, que ça pouvait être utile d’avoir des munitions parce qu’on parlait de maquis… Nos aînés, dont Jean, mon frère, apprenaient déjà à se servir de mitraillettes, toujours grâce au fameux Philippot! On a donc commencé à piller des dépôts allemands en 1944. Au début, on piquait cinq ou six grenades; à la fin, on y allait carrément avec des sacs! On a ainsi pu fournir des grenades à Jean et ses copains Éclaireurs et Routiers.  On est devenus des pourvoyeurs pour d’autres groupes de résistants.

Fin 1944, on a failli se faire prendre, mon copain Bob et moi. Des Allemands nous ont pris en chasse, place de la Tour-d’Auvergne. Deux side-cars nous sont tombés dessus et nous ont coursés dans les rues. On a dû se séparer. J’ai réussi à me mettre à l’abri mais je n’avais pas de nouvelles de Bob. C’est alors qu’on m’a dit qu’un jeune homme avait été tué par des Allemands en side-car du côté de la gare. J’ai décidé de le venger.

Il y avait, à Quimper, des convois en transit. Des camions quittaient Concarneau pour se rendre vers Brest ou vers la presqu’île de Crozon. J’ai pris mes grenades et j’ai « marché au canon », vers la sortie de la ville où les résistants tentaient de bloquer ces convois. J’ai attaqué un camion allemand en stationnement. J’ai balancé une grenade dans la cabine par le toit ouvert. Au même moment, un soldat allemand s’est redressé; la grenade l’a touché à la poitrine avant d’exploser. J’ai vu ce que cela donnait… Du coup, je suis reparti.

Après, j’ai appris que Bob n’était pas mort du tout, qu’il me cherchait de son côté. J’avais conscience d’avoir tué. J’en ai parlé à Philippot. Lui et mon prof de français, André Monteil, qui commandait les FFI de Quimper et qui deviendra député MRP (Mouvement républicain populaire) du Finistère, ont décidé que nous, les plus jeunes, nous devions être épargnés, que nous devions éviter de tuer à 16 ans. Ils ont décidé de nous rattacher au commandement. Nous, c’était un groupe de de vingt et un gars des Éclaireurs de France. On a continué comme approvisionneurs. moi, de toute façon, je ne voulais plus du tout me servir d’une arme. Au total, sur les vingt et un jeunes du groupe, sept seront tués.

Je me suis fait coincer pour de bon pendant les combats pour la libération de Quimper. Au retour d’une expédition dans un dépôt, je m’étais réfugié avec un autre garçon dans un bâtiment de la préfecture auquel les Allemands ont mis le feu. On a été capturés. Je me suis retrouvé attaché à un tuyau dans la cave de la Kommandantur, passé à tabac (ils m’ont cassé deux dents) pour me faire taire! J’ai réussi à m’évader pendant mon transfert vers la gare: j’ai sauté du camion et j’ai rejoint les copains qui ont eu du mal à me reconnaître tant mon visage était tuméfié.

Quand Quimper a été libéré, on été rattaché à la 6e compagnie du bataillon FFI de Quimper, comme gardes de l’état-major. Philippot pouvait ainsi nous avoir à l’œil. C’était à l’époque où les combats se poursuivaient entre le Menez Hom et Brest. Les accrochages étaient fréquents entre FFI et Allemands. Un jour, le PC (poste de commandement) a été encerclé et investi. L’état-major a dû se replier. Nous, ce jour-là, on servait de vigies du haut d’un clocher. On est restés là-haut pendant toute une journée. Les copains nous avaient oubliés!

C’est pendant cette période de combat, en août, qu’a eu lieu le bombardement de Telgruc, près de Crozon. Les canons allemands qui tiraient vers l’intérieur des terres devaient être détruits. La mission a été confiée aux FFI, appuyés sur les chars américains. Le 3 septembre, ils ont progressé mais l’aviation américaine ne le savait pas. Il y a donc eu un bombardement de Telgruc. Nous, on était restés bloqués à 5 ou 6 kilomètres, à cause d’une panne de camion. Ce qui nous a sauvé la vie.

Les bombes des B-17 ont tué 52 civils, 25 FFI et 11 soldats américains. Trois éclaireurs, dont Roger Le Braz, le chef du clan, ont été tués ce jour-là au cours du bombardement, qui a fait beaucoup de victimes civiles. A partir de là, le clan des Éclaireurs a changé de nom. Il s’appelait le « clan René-Madec » et il est devenu le clan « Roger-Le Braz ». C’est sous ce nom qu’il a été cité à l’ordre de la Nation.

Pour moi, ce bombardement marque la fin de la guerre. On est rentrés pour enterrer les gars à Quimper. Le chien de Roger Le Braz a suivi le cercueil de son maître.

J’ai alors été démobilisé, cinq jours avant de passer les épreuves du premier bac. J’avais déjà passé deux épreuves, français et latin, le 6 juin 1944; j’ai été reçu avec la mention « bien ». Mon année de philo a été détestable. Je n’aimais pas les cours de philo. Je séchais souvent mais j’avais une bonne raison: j’étais en « mission ». En fait, j’étais le porte-drapeau du clan. On m’appelait dès qu’il y avait une inauguration d’une rue qui portait le nom d’un résistant.

Je suis ensuite entré à l’Institut des hautes études cinématographiques. J’avais passé le concours d’entrée en 1946. Je suis alors parti pour Paris. Sans jamais perdre de vue les copains du clan, j’ai commencé une carrière de cinéaste »

Propos recueillis par Philippe Chapleau, Des enfants dans la Résistance (1939-1945), Ouest-France.    

Retranscrits par Ismaël Dupont qui remercie vivement notre ami France Chapa de St Malo, qui a bien connu René Vautier au sein de la fédé PCF d’Ille-et-Vilaine et lors des fêtes de section, pour nous avoir fait découvrir ce texte.

Témoignage de René Vautier dans « Caméra en dissidence » sur sa Libération et sa résistance en Finistère:

 » Dans les vieilles rues de Quimper, le général de Gaulle a été acclamé par une foule en délires. Il était précédé par le groupe René Madec des éclaireurs de France de Quimper, entourant le drapeau du Clan décoré de la croix de Guerre avec l’étoile d’argent et le coussin sur lequel étaient épinglés les décorations des jeunes morts au combat ». On pouvait lire ces lignes dans « Le Télégramme de Brest et de l’Ouest », en 1944 ou 1945 (je ne me souviens plus très bien de la date de la première visite chez nous du Général, c’est grave?).

Le « Groupe René Madec » ou « corps-franc Vengeance », c’était nous. Le Général de Gaulle s’était fait expliquer les « hauts faits » de ces jeunes décorés en culottes courtes – et, laconiquement – peut-être un peu vexé aussi parce que nous avions été, à Quimper, au moins aussi applaudis que lui! – il avait laissé tomber, saluant le drapeau que tenait Jo Legrand: « Ces jeunes ont suivi avec honneur la pente naturelle qui les menait vers la Résistance ».

Bob, avec un certain irrespect, mais bombant fort la poitrine où brillait sa croix de guerre (je devais bomber tout autant de mon côté), Bob avait sussurré entre les dents: « C’est ça, mon con, on a eu qu’à se laisser glisser sur le cul! » Mais en fait, je crois qu’il avait raison, le Général: dans notre milieu, il y a bien eu « pente naturelle » de la résistance – « pente naturelle » beaucoup plus que choix réfléchi.  » …

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 6/ Denise Firmin née Larnicol (1922-2019)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

6/ Denise Firmin née Larnicol (1922-2019)

Voici des extraits de l’hommage qui lui a été rendu par son petit-fils Frédéric, lors de ses obsèques à Lesconil le 19 janvier 2019

https://bigouden1944.wordpress.com/tag/lesconil/

 

Hommage à Denise Larnicol

Elle était parmi les personnes les plus âgées de notre village. Elle était de ces grandes familles de Lesconil qui ont pour la plupart disparu. Denise, nous le savons tous, était une militante au sens le plus noble ; mais c’était aussi, par sa vie, un témoin privilégié du XXème siècle qui, s’il lui apporta tristesse et chagrin, sut lui donner aussi beaucoup de joie.

Morte à l’aube de ses 97 ans, Denise, par la longueur considérable de son existence, fut un témoin exceptionnel des grands bouleversements et plus particulièrement des moments les plus sombres que connurent la France et le monde au cours du XXème siècle.

Née le 5 février 1922 au pied de la butte de Ménez-Veil, elle était la fille de Louis Larnicol et de Victorine le Fur, tous deux issus de familles anciennement installées à Lesconil.

Louis, propriétaire d’un petit bateau dont le nom – « Egalité » – exprimait avec pertinence et simplicité les idées progressistes qu’il avait adoptées, était l’un des enfants du célèbre meunier conteur dont les récits inspirèrent et nourrirent les recueils de Marcel Divanach qui, originaire du quartier, avait eu le bonheur d’assister aux veillées qu’il animait dans sa chaumière. Victorine, quant elle, originaire de Kerandraon, haut de la grand’rue actuelle, était la fille d’un marin, Jean le Fur (Yann ar Fur) et de Anna Draoulec que tout le monde désignait par la forme bretonne de son prénom « Nagen Draoulec ».

Quelques années après sa naissance, Denise changea de quartier pour s’installer à proximité du Temple avant que ses parents ne décident d’entreprendre, non loin de là, au fond d’un chemin que l’on allait baptiser plus tard « rue du Temple », l’édification d’une maison qu’elle ne quittera plus.

A l’école, dès le début, Denise se passionna pour le savoir et, naturellement, se fit remarquer par l’excellence des résultats qu’elle obtenait dans toutes les disciplines comme en témoigneront toujours ses anciennes camarades de classe. Cela fut toujours l’objet pour ses parents d’une indéniable fierté. Ayant obtenu brillamment son certificat d’étude, sésame des enfants du peuple de cette Troisième république de la méritocratie, elle choisit pourtant, contre les conseils de son père, disposé à financer ses études secondaires, de travailler à l’usine pour demeurer dans la compagnie de ses amies. Elle se rendra cependant très rapidement compte de l’erreur commise et nous fera part, jusqu’à la fin de ses jours, des regrets de ne pas avoir suivi les sages conseils paternels.

Mais vinrent les heures sombres. La déclaration de guerre avec l’Allemagne d’Adolphe Hitler, en septembre 1939, allait constituer le commencement de la période la plus dramatique de sa vie. C’est devant le mur du Temple, en présence de ses parents et des habitants du quartier, qu’elle assista à l’entrée triomphale des troupes de la Wehrmacht à Lesconil, dans une atmosphère, comme elle le dira toujours, chargée d’un silence inquiétant. Cette angoisse était, à l’évidence, prémonitoire, car, les quatre années qui suivirent furent pour sa famille proche, comme pour bon nombre de Lesconilois, le temps de ce que l’on pourrait qualifier bibliquement d’une véritable Apocalypse.

Membres très actifs du Parti communiste et patriotes authentiques, son père et ses cousins de la famille Larnicol entrèrent immédiatement en résistance, refusant la politique de collaboration du maréchal Pétain et toute forme d’attentisme.

Les combles de l’antique chaumière des Larnicol au Ménez-Veil furent aussitôt choisis pour abriter les premières armes, les tracts et les journaux clandestins, au péril de la vie de ses oncles et tantes tandis que son cousin, Alain le Lay, révoqué de l’Éducation nationale pour ses opinions politiques, ne cessait de parcourir la Bretagne afin d’organiser et de structurer un vaste mouvement de résistance. Mais les missions dont il était chargé s’arrêtèrent brutalement en 1941 lorsqu’il fut arrêté dans le train, le 12 novembre, par des gendarmes français, abominables sicaires de Pétain et de sa clique de traîtres. Livré aux Allemands et déporté à Auschwitz, il y mourut le 4 octobre 1942 à Birkenau. Louis Larnicol, autre cousin, également chassé de l’Éducation nationale, fut, quant à lui, fusillé à l’école Saint-Gabriel de Pont-l’Abbé, le 12 juin 1944, après avoirs subi d’horribles sévices dont les traces physiques poussèrent sans doute les Allemands à faire disparaître son corps qui ne fut jamais retrouvé. Pierre Quéméner, un autre cousin, fut fusillé, avec d’autres camarades, dans les dunes de la Torche. Fille unique, Denise se retrouvait donc, lorsque la paix revint, privée d’une partie des parents de son âge et de ses amis les plus proches.

Il convenait de faire le deuil et de passer à autre chose. La vie continuait. Denise épousa René Firmin de Larvor et donna naissance à Louis-René et, un an plus tard, à Marie-Pierre. Il fallut agrandir la maison de Victorine pour y loger confortablement la petite famille. Les années passèrent ; chacun suivit son destin : René Firmin allait en mer et Denise travaillait chaque été dans les cuisines du centre de loisir de la SNCF. Cette activité lui plaisait car, lorsqu’elle fut en retraite, elle en parlait souvent, toujours avec émotion (…).

Une humaniste communiste militante

D’un bout à l’autre de sa longue vie, Denise ne cessa d’être une militante. Jamais elle ne s’arrêta de combattre activement aux côtés de sa famille idéologique, le Parti communiste.

Dès la fondation de ce mouvement, lors du congrès de Tours en décembre 1920, son père avait officiellement adhéré à ce courant révolutionnaire qui, dans le sillage tracé par la révolution d’octobre 1917, voulait mettre un terme à l’odieux système capitaliste fondé sur l’exploitation des travailleurs et des petits. Membre actif et incontournable du syndicat des marins, Louis Larnicol éleva donc sa fille dans une ambiance imprégnée de militantisme. C’est à cette époque qu’elle se familiarisa, comme tant d’autres enfants de Lesconil, avec les luttes sociales parfois intenses dont les ports bigoudens étaient le théâtre.

Devenue adulte et jusqu’à ce que ses forces le lui permirent, Denise fut de la plupart des manifestations que l’on organisait lorsqu’un acquis social obtenu durement par les anciens, comme l’on disait, était menacé. Ainsi, dans les années 1980, elle défila dans les rues de Pont-l’Abbé pour le maintient de l’usine Saupiquet et s’activa vigoureusement pour empêcher la fermeture de l’usine Raphalen de Plonéour-Lanvern et de la conserverie COOP du Guilvinec. A chaque fois qu’un membre du Comité central de la place du Colonel Fabien organisait une réunion dans la région, elle figurait au nombre des participants, généralement en compagnie de sa complice et fidèle cousine Anita Charlot. Je me souviens par exemple l’avoir accompagné à un meeting organisé à Brest, lors de la campagne présidentielle, en vue de soutenir la candidature d’André Lajoinie. Je pus mesurer, et j’en fus impressionné, à quel point l’esprit militant qui l’imprégnait, elle et ses camarades (Anita, Lita Quéméner, Marthe Brenn…), était puissant et quasiment religieux.

Pleinement dévouée aux idéaux d’égalité et de fraternité, c’est naturellement qu’elle s’investit très rapidement dans les causes relatives au pacifisme et, plus récemment, à l’écologie. Il s’agit d’ailleurs, sans nul doute, de la raison qui la poussa à prendre part à un rassemblement organisé en faveur de la disparition des armes nucléaires. Elle fut d’ailleurs enchantée d’y avoir rencontré le sulfureux monseigneur Gaillot dont elle me montrait régulièrement, non sans fierté, les photos qu’elle avait prises de lui.

Finalement, chers amis, une image suffit à résumer l’humaniste et la militante qu’elle fut : celle de Denise juchée sur sa bicyclette bleue à sacoches parcourant notre cher village de Lesconil et ses environs pour remettre aux camarades et aux sympathisants le journal qu’ils attendaient, Leur Journal, celui fondé par le Grand Jaurès : l’Humanité.

En somme, le communisme de Denise fut comme celui de la grande majorité des Français qui croyaient à l’avènement d’un monde meilleur, comme celui mis en poème par Aragon ou celui chanté par Jean Ferrat : un humanisme imprégné d’un profond patriotisme.

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 5/ Fernand Jacq (1908-1941)

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

5/ Fernand Jacq (1908-1941)

Né à Granville (Manche) le 12 janvier 1908Fernand Jacq est issu d’une famille de fonctionnaires (père douanier, mère employée des PTT). Ses parents quittent peu après sa naissance la Normandie pour la Bretagne et Fernand grandit en Finistère, dans la petite commune de Pleyber-Christ.

Élève studieux et brillant malgré une santé fragile, il s’oriente vers des études de médecine et sort diplômé de la faculté de Rennes, ville où il rencontre sa femme. En 1933, il revient dans le Finistère, d’abord à Querrien, puis s’installe au Huelgoat comme médecin, terminant sa thèse de doctorat en médecine en 1934.

Communiste, sa mère écrit en 1945 dans une brève biographie de son fils, qu’elle l’interrogea avant guerre sur son engagement politique. Il lui répondit : « Parce que j’ai eu faim ! et que je travaille pour qu’il n’y ait plus de misères ».

En effet, dès 1930, Fernand Jacq adhère au Parti Communiste Français alors qu’il est étudiant à Rennes. Il devient conseiller municipal au Huelgoat en 1935, puis participe à sa restructuration après son interdiction en septembre 1939.  Il fut élu municipal à Huelgoat de 1935 à 1939. En 1935, la liste communiste aux municipales, composée de huit artisans, quatre cultivateurs, un instituteur et deux retraités, avait devancé la liste SFIO, obtenant ainsi trois élus. En 1937, Fernand Jacq était candidat du PCF aux cantonales à Huelgoat ; il se désista en faveur de Pierre Blanchard (SFIO), élu au second tour avec 55 % des voix face au radical François Le Dilasser.

Fernand Jacq était en même temps secrétaire de la section de Huelgoat, membre du comité régional du PCF.

L’arrivée de la guerre

Lorsque la guerre éclate, Fernand Jacq est contrarié de n’être pas mobilisé. Il est réformé pour raison de santé mais adresse un courrier au préfet du Finistère par lequel il demande d’être incorporé dans un régiment quelconque. Il souhaite, d’après le témoignage de sa mère, être aux côtés de ses camarades dans le combat. Toutefois, sa demande est rejetée et il est contraint d’attendre l’arrivée des Allemands au Huelgoat.

A l’arrivée des troupes d’occupation à Pont-Aven, commune de résidence de ses parents, un notaire menace et rappelle les engagements politiques de Fernand Jacq au père de ce dernier. Il déclare espérer que le médecin sera bientôt fusillé. La famille vit alors dans une inquiétude perpétuelle. Le médecin est en effet déchu de son mandat politique par le Gouvernement de Vichy. Le médecin est empêché par les Allemands et sa mairie collaboratrice de circuler en voiture dès la fin 1940 (il n’a pas de bons d’essence pour ses déplacements).   » Qu’importe, il est allé de village en village, à pied ou à bicyclette, dans la boue ou la neige, apporter aux malades soins et réconfort moral. Sensible au courage quotidien des paysans des Monts d’Arrée arrachant à une terre ingrate une maigre subsistance, il en est aimé à cause de sa simplicité et de sa générosité » (Fernand Grenier).

Naturellement, Fernand Jacq rejoint la Résistance en adhérant en 1941 au Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France. Il procède à de nombreux recrutements et est l’un des organisateurs des premiers groupes de FTP (Francs-Tireurs et Partisans) dans le Finistère. En juin de la même année, il est désigné comme responsable départemental du Service Sanitaire et réussit rapidement à mettre sur pied les éléments d’une organisation qui rend de grands services à la Résistance.

Arrestation et internement

Fernand Jacq est arrêté le 3 juillet 1941, probablement victime d’une des innombrables lettres de délation envoyées aux autorités sous l’Occupation. Il est immédiatement conduit dans le camp d’internement de Choisel, à Châteaubriant (Loire-Inférieure), section politique, baraque 7. Voici son témoignage le lendemain de son arrivée (correspondance à ses parents) :

Dans les lettres suivantes adressées à sa famille, le Docteur Jacq ne renie jamais ses engagements et redit sa fierté de partager le sort de millions d’Hommes, d’être enfermé à Choisel au milieu de camarades constituant « l’élite de la France ». Il écrit aussi : « Il y a plus d’intelligence ici que dans n’importe quel lycée de France et nous vivons dans l’attente d’un avenir que nous sentons très proche, avec la certitude de la victoire ». Toutes ses lettres dénotent d’une grande foi en l’avenir et la victoire finale du camp de la Liberté.

L’abattement n’est donc pas de mise et Fernand Jacq est très actif dans le camp. Il dispense durant sa captivité des cours de breton pour les autres otages du camp et met en place une chorale bretonne.
Côté population, il faut aller chercher dans la correspondance préfectorale pour mesurer l’émoi suscité par l’arrestation du médecin. En décembre 1941, en effet, deux courriers du Sous-Préfet de Châteaulin sont transmis à son supérieur direct, le Préfet du Finistère.

Il demande la grâce du Docteur Jacq, assortie d’une mesure d’éloignement du département.

La raison de cette démarche volontariste du Sous-Préfet transparaît clairement dans ses écrits. La population « … commence à le (Fernand Jacq) considérer comme un héros ». La libération par les autorités à la période de Noël « … dissipera définitivement le malaise dont j’ai pu être témoin depuis quelques semaines au cours de mes tournées dans la région susvisée ».

L’arrestation de Fernard Jacq choque donc bien la population du Huelgoat, à tel point que le Sous-Préfet de Châteaulin semble craindre que son maintien en détention ne constitue un danger dans le rapport des autorités avec la population locale.

Cette initiative du Sous-Préfet restera toutefois lettre morte, intervenant trop tardivement

Dernière lettre de condamné de Fernand Jacq -document archives Départementales du Finistère

Les Neuf de la Blisière

En effet, à la suite d’attentats à Paris, les Allemands décident de fusiller 100 otages ; neuf seront pris dans le camp de Choisel. Parmi eux figure Fernand Jacq. Vers midi, le 15 décembre 1941, les feldgendarmes conduisent les neuf otages en plein cœur de la forêt de Juigné, au bord de l’étang de La Blisière où ils sont exécutés aux alentours de 15 heures.

Au moment du départ des otages pour le lieu de l’exécution, les prisonniers du camp de Choisel s’étaient mis à entonner la Marseillaise, certains chantèrent le Bro gozh ma zadoù (hymne national breton), d’autres enfin entonnèrent l’Internationale en breton.
L’espoir et la résistance à l’oppression ne quitta pas ces hommes comme en témoigne encore la dernière lettre de Fernand Jacq, lettre d’adieux rédigée à ses parents le jour même de l’exécution.

Fernand Jacq ne manque d’ailleurs pas de rappeler dans cet écrit que lui et ses camarades ne sont pas les premières victimes de l’occupant au camp de Choisel et commémore les fusillés du 22 octobre 1941. Ce jour là, en représailles à l’assassinat du commandant de Nantes, le Feldkommandant Fritz Holtz, les Allemands avaient fusillés 27 détenus du camp de Choisel dont le jeune Guy Môquet (17 ans).

L’émotion est grande à la mort du médecin du Huelgoat. Les premiers témoignages d’afflictions des proches de la famille en attestent bien sûr, mais c’est à la libération qu’on mesurera l’impact qu’eurent ces exécutions arbitraires de civils parmi la population française.

Médecin de campagne, médecin des pauvres, profondément humaniste, Fernand Jacq était considéré comme une sorte de « saint laïc » à Huelgoat, dans la montagne rouge de l’Arrée. Au camp de Châteaubriant, il avait ouvert des cours de breton et monté un groupe de chant choral. Il était très estimé dans toute la région d’Huelgoat où il fit campagne pour le développement de l’hygiène. Acquise aux communistes dès 1921, la mairie du Huelgoat fut marquée par la dissidence de Corentin Le Floch (ancien SFIO et PCF), avant de devenir le fief d’Alphonse Penven entre 1945 et 1989. Selon Pierre Guyomarh, ancien FTP, cité par Fernand Grenier (Ceux de Châteaubriant), la mort de Fernand Jacq va susciter « une vive recrudescence de l’activité patriotique dans tout le Finistère et fera lever de nombreux combattants décidés à venger Jacq et à chasser l’envahisseur ».

Extrait de l’ultime message de Fernand Jacq:

« La mort naturelle libère l’humanité de ses fragments usés; la mort violente donne par réaction une énergie nouvelle à cette humanité. Toute ma vie, j’ai lutté contre la guerre et pour une vie meilleure, pour le progrès. Les morts sont de grands convertisseurs. Ma mort sera utile… »

Fernand Jacq après l’exécution des 27 otages communistes et cégétistes à Châteaubriant le 22 octobre 1941 avait refusé, au camp de Choisel, avec la grande majorité des 700 détenus (seuls 20 firent exception), de signer une déclaration d’allégeance à Pétain qui aurait pu le sortir des listes d’otages potentiels à fusiller en cas d’attentat contre les troupes d’occupation allemandes.

Il est fusillé le 15 décembre alors qu’il n’a que 32 ans avec un autre docteur, Louis Babin, l’instituteur Paul Baroux, le charpentier Maurice Pillet, le secrétaire de la fédération CGT des Produits Chimiques René Perrouault, Adrien Agnès, agent technique, les métallos Raoul Gosset et Georges Vigor, le jeune ouvrier Georges Thoretton.

Quand son nom est prononcé pour l’appel des condamnés, Fernand Jacq travaille à une étude avec les médecins Ténine et Pesqué sur la médecine sociale.

« Les neuf appelés sont amenés devant le bureau. Ils sont aussitôt enchaînés. Ils montent dans les camions, la tête haute. Le 22 octobre se renouvelle avec la même émotion. La « Marseillaise » éclate puis le « Chant du Départ ». Tout le camp chante avec eux, jusqu’à ce que disparaissent au tournant de la route les deux véhicules… C’est aux abords de la forêt de Juigné, en un lieu enchanteur, La Blisière, que le crime va être consommé ». Les Allemands, rapporte le grand résistant communiste Fernand Grenier dans Ceux de Châteaubriant voulaient éviter de faire traverser Châteaubriant aux condamnés pour les emmener à la sablière comme les 27 fusillés du 22 octobre tant l’émotion était grande dans la ville de Loire-Inférieure après ce crime. Ils avait décidé d’assassiner au fond d’un bois, loin de toute agglomération. Les 9 condamnés à mort communistes furent attachés aux arbres dans la forêt. Le crépitement des balles fut entendu des fermes proches. Le même jour, Gabriel Péri tombe au Mont Valérien et Lucien Sampaix, secrétaire général de la rédaction de l’Humanité, à Caen.

 

Sources:

 

 

 

Ceux de Châteaubriant, Fernand Grenier (éditions sociales, 1961)

 

 

 

 

 

 

 

 

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 4/ Corentine Tanniou (1896-1988)

1920-2020: 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

4/ Corentine Tanniou (1896-1988)

Nous empruntons cet article à notre ami Gaston Balliot et à son excellent blog sur l’histoire sociale et politique du pays Bigouden.

 

Un couple de Résistants de la première heure
Marie-Corentine et Pierre Tanniou 

Tanniou Corentine, née Nicolas le 16 novembre 1896, à Combrit était brodeuse à l’origine. Mariée en première noces à Albert Dornic, militant communiste, elle l’aide dans ses tâches militantes. Celui-ci décède en 1928, atteint d’une tuberculose contractée au front durant la guerre 14-18.

Veuve, elle se remarie à Pierre Tanniou, né, quant à lui le 1er février 1888 à Pont-L’Abbé. Corentine et son mari adhérent au PCF dès le début de l’occupation allemande alors qu’ils sont déjà  « la boîte aux lettres » du PCF à Pont-L’Abbé depuis son interdiction par le gouvernement Daladier en septembre 1939..

Fin 1941 et en 1942, leur tâche était de recevoir à leur domicile, rue de la Gare à Pont-L’Abbé, des colis de tracts et de journaux ( «  l’Humanité » , « La vie ouvrière » et autres journaux et tracts du PCF clandestin et plus tard ceux du « Front National » ) venant de Paris par le train, via Quimper. Ils répartissaient tout ce matériel entre les groupes clandestins en Pays bigoudens. Qui pouvait imaginer que cette vieille petite bigoudenne transportait une telle « marchandise » dans son grand cabas ? Ils hébergent fréquemment des Résistants en mission. Fin 1942, Corentine et Pierre sont arrêtés en même temps par des policiers français. Corentine sera relâchée faute de preuves et d’aveux, après un séjour à la prison surpeuplée de Mesgloaguen à Quimper. Mais Pierre aura moins de chance et sera détenu à la prison de Quimper puis au camp de Pithiviers deux années durant, jusqu’à la Libération.

Biographie établie par Jean Kervision sur la base des biographies de l’ouvrage de Eugène Kerbaul : « 1918-1945 , 1640 militants du Finistère » 

Corentine est décédée à l’âge de 92 ans. En 1983, elle se présentait à Pont L’Abbé sur la liste municipale du Parti communiste, prouvant ainsi la fidélité à son engagement.

Gaston Balliot : J’ai très bien connu Corentine à Pont L’Abbé mais hélas à l’époque je n’ai pas recueilli ses récits passionnants. Elle utilisait la réserve de son magasin rue Victor Hugo, prés de la gare de Pont L’Abbé, comme cachette pour la Résistance, et dissimulait dans son sac de bigoudène certains « objets illicites ».

On m’a apporté une cassette audio dans laquelle Corentine raconte « sa Résistance ». Cet enregistrement date de décembre 1979 – Corentine avait 83 ans – et la qualité audio n’est pas très bonne, j’ai donc ajouté une transcription téléchargeable en PDF (seuls quelques petits bouts de phrases peu audibles manquent).

Téléchargement de la transcription.

 

Corentine Tanniou Dornic est la bigoudène située au centre, elle est entourée de Rol Tanguy (chef FFI qui a libéré Paris, ancien métalo né à Morlaix, ancien des Brigades Internationales), Paul Le Gall (futur secrétaire départemental du PCF Finistère Sud), Alain Signor, responsable communiste depuis l’avant guerre, résistant, député à la Libération, et Pierre Le Rose (archives Pierre Le Rose).

 

 

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 3/ Albert Rannou (1914-1943)

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

3/ Albert Rannou (1914-1943)

Albert Rannou ancien lieutenant des brigades internationales en Espagne, a été fusillé au Mont-Valérien (Suresnes, Seine, Hauts-de-Seine) le 17 septembre 1943 en même temps que 18 autres communistes brestois ou résidant à Brest: Lucien Argouach, Albert Abalain, André Berger, Louis Departout, Yves Guilloux, originaire des Côtes-du-Nord, Eugène Lafleur, venu de Paris, Louis Le Bail, Paul Le Gent, Paul Monot, Henri Moreau, Jean-Louis Primas, un ancien des Brigades Internationales en Espagne, Jean Quintric, Albert Rolland, Etienne Rolland, Joseph Ropars, Jean Teuroc, Charles Vuillemin, et Louis Leguen

Fils de Jean Rannou, maçon, et de Marie-Anne Coat, couturière, Albert Rannou, ouvrier maçon, adhéra au Parti communiste en 1935. L’année suivante, il devint membre du comité de section à Brest (Finistère). Volontaire dans les Brigades internationales en Espagne, il y devint lieutenant du génie et fut grièvement blessé.
Dans la Résistance, il fut chef de groupe communiste, puis de l’Organisation spéciale (OS) et enfin d’un groupe de Francs-tireurs et partisans (FTP). Il se chargea de transports d’armes et participa à certaines actions, comme l’attentat contre la Kommandantur de Brest et celui contre la station électrique de l’Arsenal de Brest*.
Il fut arrêté le 2 octobre 1942, interné à la prison Jacques-Cartier de Rennes (Ille-et-Vilaine), transféré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) et condamné à mort par le tribunal allemand du Gross Paris, qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.), le 28 août 1943.

Jacques Guivarch, ancien adhérent du PCF comme son père Jean, tous les deux tour à tour anciens commerçants à Saint-Martin des Champs à la marbrerie Guivarch de la barrière de Brest, a fait lire et confié à Alain David et à Ismaël Dupont, ces doubles de lettres de prison d’Albert Rannou qui se trouvaient dans une commode du père de Jacques, ancien résistant du maquis de Morlaix, militant communiste, raflé dans un premier temps le 26 décembre 1943 à Morlaix avant d’être relâché (il cachait des tracts de la résistance sous le landau de Jacques Guivarch, qui avait quelques semaines à l’époque), ce dernier les ayant peut-être reçu de la famille de ces résistants condamnés à mort ou par un autre canal. Étaient-ils des connaissances? Des amis? Ou étaient-ce les parents de Jacques Rannou qui ont voulu confier ces lettres à un militant communiste et un ancien résistant?

 

Il y a dans le lot de 30 pages photocopiées les copies des dernières lettres de deux autres résistants condamnés à mort dont l’exécution a eu lieu en même temps que celle d’Albert Rannou, le 17 septembre 1943.

Les lettres originales d’Albert Rannou, s’étalant sur 6 mois du 20 mars 1943 au 17 septembre 1943, ont été remises il y a quelques années au frère d’Albert Rannou.

Il faut les lire dans leur intégralité, car au delà de l’apparente trivialité de certaines lettres et du caractère bouleversant et pleins de hauteur tragique de plusieurs autres, et notamment de la lettre écrite le jour de l’exécution, elles livrent beaucoup du quotidien des résistants prisonniers et de leurs préoccupations, ainsi que de l’état d’esprit, des informations et des espoirs d’un résistant arrêté en 1943.

Elles témoignent aussi d’une foi inébranlable dans les idéaux communistes et en la victoire prochaine.  

Ces lettres sont présentées dans l’ordre chronologique. Les fautes d’orthographe les plus évidentes ont été corrigées par souci de compréhension. Certains passages sont peu lisibles et dans ce cas indiqués comme tels.

 

Fais en Prison de Rennes le 20 mars 1943

Bien chers Parents,

Je suis bien content d’avoir eu du papier à lettres ce matin pour pouvoir vous donner de mes nouvelles qui sont toujours pour le mieux. Je m’habitue peu à peu à une vie de prisonnier. Si ce n’était l’insuffisance de nourriture et le manque de tabac, on arriverait peut-être à s’y faire à la longue.  J’ai reçu une lettre du 3 Février de Papa et 2 de maman du 15 Février et du 15 Mars, avec plaisir de vous savoir toujours en bonne santé. Mais je suis peiné de voir que vous vous faites du mauvais sang à mon égard. Il n’est point besoin de vous en faire pour moi, on n’est pas si malheureux que vous le supposez ici, on est bien couché. C’est déjà une bonne chose. Là il aurait fait froid autrement et je n’ai pas à me plaindre des gardiens, qui sont corrects envers nous. Ce matin, je suis bien heureux, car à partir d’aujourd’hui on peut m’envoyer des colis. Je ne sais toujours pas jusqu’à quel poids ni rien, mais la Croix Rouge vous l’a peut-être expliqué. Envoyez moi un peu de savon ainsi qu’un peigne et surtout à manger si vous trouvez quelque chose de nourrissant avec, tel que beurre ou fromage car on manque surtout de matière grasse. Crêpes, biscuit ou même du pain. Je ne crois pas avoir le droit à mon tabac. Mettez-moi un peu quand même, on verra bien. Je vous le dirai car j’aurai sans doute le droit de vous écrire toutes les semaines maintenant. Maman pourrait peut-être me faire une autre paire de chaussons car ceux-ci commencent à s’user. C’est embêtant de ne pas avoir de nouvelles de Yfic non plus ni de sa femme. Quand vous en aurez, ça sera peut-être pour vous annoncer que vous êtres grand-père et grande mère. Moi ça ne me déplairait pas que l’on m’appelle « tonton » un jour aussi, vous ne pouvez pas vous imaginer combien j’ai le loisir de penser à vous tous ici. J’ignorais l’affectueux sentiment dont était doué le coeur d’un homme vis-à-vis de ses proches mais seul tout le temps, on a que ça à faire du matin au soir. Revoir en pensée les êtres qui nous sont chers en attendant d’être parmi eux un jour. Je termine en vous embrassant de loin.

Votre fils Albert.

***

Fais à la Prison de Rennes le 27 Mars 1943

Chers Parents,

Depuis bientôt trois semaines, je n’ai pas eu de vos nouvelles, mais je pense que la santé est bonne. Quand à moi, ça va aussi, surtout maintenant que je puis vous écrire. Je vous sais plus heureux. J’espère au moins que vous avez reçu ma lettre de samedi dernier vous annonçant que j’ai le droit de recevoir des colis. Avec quelle joie il sera reçu ce premier paquet. Double joie, d’abord la joie d’avoir quelque chose de vous, et ensuite, de pouvoir se mettre un peu plus sous la dent (illisible)… Si malgré ces temps de restriction, vous pouvez trouver encore de quoi m’envoyer tant soit peu, toutefois sans vous priver, je crois que de votre vie, il y a le temps pour m’écrire, ce n’est pas un reproche que je vous fais, loin de moi, parce que je sais ce que c’est, loin de moi, (illisible) mais seul, ici on s’ennuie, à défaut de nouveau, c’est qu’il ne doit rien avoir de sensationnel à raconter de Guimiliau… (illisible). J’ajoute que vous m’envoyez un peigne et du savon, et à maman de bien vouloir me préparer une paire de chausson. Car dans la cellule ici, je les use beaucoup ne mettant mes sabots que pour le quart d’heure de promenade dans la cour. En attendant de vous lire je finis cette missive en vous embrassant bien affectueusement tous les deux et en pensant à mon frère Yves et à Marie-Louise (je crois que c’est ça le prénom de sa femme). Bien le bonjour à toute la famille par ailleurs, et dites leurs que je ne les oublie pas.

Donc sur ceux je vous quitte. Votre fils Albert.

***

Fais à la Prison de Rennes, le 3 Avril 1943 

Mes Chers Parents

Aujourd’hui je suis transporté d’allégresse, tous les bonheurs m’arrivent à la fois. Je viens de recevoir la lettre de Papa avec le message de mon frère et de ma belle-soeur. Jugez comme je suis heureux à présent de vous savoir tranquillisé sur leur sort. J’ai reçu la lettre de Maman aussi mardi datée du 18 mars (j’espère que vous recevrez la mienne toutes les semaines également) avec ça jeudi matin j’ai eu le plaisir de recevoir votre premier colis; comment (illisible) et le lard qu’est-ce qu’il est bon (illisible) poisson d’avril, c’était bien réussi. Et hier au soir, quand j’ai vu le gardien rentrer dans ma cellule avec un paquet, je n’en croyais pas mes yeux, quand je l’ai vu déballonner tout ça devant moi je me demandais si je ne rêvais pas. Aussi quand le soldat fut sorti, j’en pleurai de joie. Je me demandais par quoi commencer. Enfin j’ai mangé le pain avec du lard et des oeufs et bien entamé la crêpe avec le beurre (illisible) qui est toujours délicieux. Pour finir, une bonne pipe de tabac frais la dessus, rien de tel pour vous remonter un bonhomme. Aussi je vois qu’il est possible d’être heureux même en prison; quand on est choyé par les siens, comme je suis, et surtout d’avoir reçu des nouvelles d’Yfic; je n’ai plus d’inquiétude de ce côté là. J’ai assez de savon et de mouchoir comme ça, merci pour les chaussons et le peigne aussi car l’autre n’a plus que 3 dents. J’ai le droit de recevoir tout ce que je veux ici donc s’il est possible, et sans vous priver, profitez-en de m’envoyer car après on ne sait jamais si on pourra recevoir quelque chose, au premier mettez-moi une boîte d’allumette et un carnet de feuille et à chaque fois des journaux récents, car je ne sais absolument rien du dehors ici. J’ai droit au pinard aussi, mais ça je n’ai pas besoin, d’ailleurs j’ai une chopine le jeudi et le dimanche de la cantine en payant. J’ai même un quart de café tous les matins et une tranche de pâté et de la confiture le dimanche avec l’argent que j’ai en dépôt ici, la prochaine fois je vous retracerai mon emploi du temps quotidien en prison. Je comprends combien vous avez dû être malheureux avec tout ça depuis six mois, mais j’espère que le plus dur soit passé pour moi. J’ai le bon moral et je pense qu’il en est de même avec vous. Je termine ma lettre en vous embrassant de tout coeur. Votre fils Albert (dites-moi si vous recevez mes lettres).

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Fais à la Prison de Rennes, le 10 Avril 1943

Bien chers Parents

Encore huit jours de passés depuis que je vous ai écrit. La santé est toujours bonne, et j’espère qu’il en est de même avec vous, depuis lundi on m’a mis avec d’autres camarades, dans une plus grande cellule. Je m’ennuie moins à présent après avoir passé 65 jours tout seul, c’est drôle de pouvoir causer avec quelqu’un, avec ça j’avais juste fini mes colis, mais mes copains venaient d’en recevoir et en ont eu encore depuis, donc j’ai pu manger à ma faim à peu près depuis le (illisible) de ce mois, je regrette de ne pas vous avoir dit plus tôt de m’envoyer des pommes de terre cuites dans les colis, comme ça vous auriez pu m’envoyer davantage, il est vrai que le transport aussi doit être assez cher, mais quelques livres de patates en plus par semaine feraient du bien. J’espère recevoir quelque chose de vous sous peu. J’aurai le plaisir de pouvoir partager avec mes collègues de cellule à mon tour. Autrement, voici ce qu’on a ici: à peine un quart de jus avec la cantine et la ration de pain de la journée (350 grammes environ) qui est avalée tout de suite naturellement, après on a 1/4 d’heure de promenade dans une petite cour. Entre 9 heure et 10 heure la soupe, deux louches (d’un quart environ) de bouillon et de légumes. Carottes (illisible) avec des rutas et des navets. Après ça (illisible)… en supplément le soir, à 4 heures repas du soir, une louchée de bouillon ainsi qu’une louchée de patates, haricots ou pois cassés, sauf le dimanche où c’est nouille et un morceau de viande, donc vous voyez que quand il n’y avait rien à ajouter à ces plats cétait maigre. Heureusement qu’on peut recevoir des colis maintenant,  ça relève drôlement. En attendant de vous lire et de recevoir quelque chose de votre part, je finis ma lettre en vous embrassant de loin. Votre fils qui ne cesse de penser à vous ainsi qu’à mon frère et belle-soeur. Albert.

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Fais à la prison de Rennes, le 24 avril 1943

Mes Chers Parents

Je n’ai plus le droit de vous écrire que tous second samedi, donc vous devez sans doute attendre cette lettre depuis un moment. La santé est toujours bonne. J’ai eu un abcès à une dent au début de la semaine mais c’est guéri à présent. J’ai eu deux lettres de maman du 5 et du 12 avril, heureux de savoir que vous allez bien. J’ai également reçu un colis il y a 15 jours et un autre dimanche matin. Je devais écrire avec Jo Ropars mais depuis une huitaine on ne peut plus se voir, ils ne nous envoient plus ensemble à la promenade. J’espère que vous êtes en bonne santé mais que vous devez attendre impatiemment la fin de la guerre. Yfic et Marie-Louise doivent aussi avoir hâte à la victoire. Tout va bien pour le moment nous avions appris hier que Orel est pris par les Russes et que Palerme en Sicile par les Alliés (nouvelle de la radio). Si les anglo-saxons mettent un peu du leur les Allemands auront chaud cette année, n’importe comment. Je ne crois pas qu’ils passeront un autre hiver en Russie. Nous avons l’espoir d’être bientôt délivrés, à côté de nous il y a un gars de St Eutrope qui est condamné à mort depuis le mois d’avril. Mais il paraît qu’ils ne fusillent plus. Pourvu que ça soit vrai car autrement, si on est jugé, je ne me fais pas d’illusions. Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de mes 2 blessures où j’ai échappé à la mort. J’ai confiance d’échapper encore cette fois-ci. Sur une autre lettre, je vous ai demandé de m’expédier mes souliers bas et 100 ou 200 F car on dépense une moyenne de 100 F par mois pour la cantine. On a du café, du vin et de la charcuterie le dimanche. Comment que les crêpes sont appréciées par les copains et par moi-même. C’est à savoir lequel qui reçoit les meilleures choses, sitôt qu’un paquet nous arrive on le met sur la table et c’est moi qui est désigné pour faire les distributions entre nous six à mesure de nos besoins. Depuis le 1er avril, je peu dire que j’ai mangé à ma faim, on a tous repris un peu de graisses. J’aurais bien voulu pouvoir écrire à ses beaux parents à Yfic, vous n’avez qu’à leur souhaiter le bonjour de ma part, ainsi qu’à toute la famille et surtout aux cousins André, Henri, Thérèse et Célestin. Je finis ma lettre en vous embrassant de loin. Votre fils qui ne cesse de penser à vous ainsi qu’à mon frère et belle-sœur.

Albert.

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Fais à la prison de Rennes le 6 juin 1943,

Chers Papa et Maman

J’espère que cette lettre vous parviendra sans tarder. J’ai eu une occasion pour vous écrire sans passer par la censure. Je ne sais pas si vous avez reçu mes lettres (bi mensuelles). Car depuis le 5 mai je n’ai pas eu de vos nouvelles. Les copains n’en reçoivent pas non plus. Je pense qu’elles doivent être jetées au panier. Ma santé est toujours excellente. Je souhaite qu’il en est de même avec vous. Nous attendons toujours le jugement. Certains disent qu’il aura lieu à Paris et d’autres parlent qu’il aura lieu dans peu de temps à Rennes. Enfin, rien ne presse pour ce qu’on a à en tirer, de l’instruction. J’ai demandé à l’inspecteur allemand quelle serait ma peine. Il m’a dit que je pouvais espérer mais que la loi est dure. On cause aussi de nous envoyer dans un camp de travaux en Allemagne. Mais je prends ça pour un calmant qu’on donne à un malade sur le point de calancher. Quand j’ai fait mon boulot, je savais à chaque fois à quoi je m’exposais, et maintenant j’attends stoïque qu’on décide de mon sort. Les premiers camarades arrêtés ont été cravaché sur tout le corps, leurs fesses étaient rendu comme du pâté de foie par la police française au service de l’ennemi (c’est joli ça). Par ça ils ont dû avouer. Ce qui m’a fait arrêter, ainsi que beaucoup d’autres. Mais il y a des mouchards aussi dans la bande. Raoul D. de Landerneau qui doit être en liberté maintenant et René R.* de St Marc le frère à Gabi. De mauvais communistes quoi mais ils payeront tôt ou tard, ainsi que les policiers collaborateurs et vichyssois. Nous sommes ici 45 de Brest avec les 5 femmes, donc certains ont déjà été jugés par les Français, mais qui doivent encore l’être par un tribunal Allemand. La moitié d’entre nous risquons le grand paquet. Le pire, c’est qu’il y a beaucoup de mariés et de pères de famille. Pour moi, si ça m’arrive j’aurai seulement le grand désespoir de vous quitter ainsi que mon frère et sa femme. Mais rien ne m’inquiète à votre sujet, votre santé est bonne et rien ne vous manque par ailleurs. Donc s’il faut se résigner un jour ça sera avec calme et fierté que je marcherai. J’ai fait mon devoir de Français et de communiste. Je suis allé en Espagne parce que là-bas se jouait le sort de la France et que l’Espagne Républicaine vaincue, c’était la guerre pour notre Pays. A présent le capitalisme est en train de creuser sa propre tombe, malheureusement qu’avant de disparaître il peut encore faire beaucoup de mal. Je viens d’apprendre que 3 jeunes classes vont partir pour l’Allemagne sur ordre de Pétain-Laval. Une fois là-bas, ils seront déguisés en mannequins du 3ème Reich et envoyez sur le Front pour combattre leurs camarades Russes contre leur propre liberté. La bête agonise mais elle a du mal à crever. J’aurais bien voulu pouvoir assister à sa fin. Si je n’y suis pas, vous pourrez dire que votre fils a maintes fois risqué sa vie pour le triomphe de son idéal et pour la victoire de notre juste cause. La défense de la République française que nous voulons voir prospérer dans une union des Républiques mondiale. Peut-être que les Alliés arriveront à temps mais ils n’ont pas l’air de se presser, quoi qu’il advienne ils ne perdent pas pour attendre, car les peuples anglo-américains ont aussi compris que leur salut est aux côtés de leurs camarades bocheviques, qu’il faut qu’ils luttent, pour écraser à jamais le fascisme fauteur de guerre et de misère.

« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » (Karl Marx*)

Si Henri ou André plus tard ont l’intention d’apprendre le métier de maçon, Papa peut leur donner quelques-uns de nos outils pour commencer. Le bonjour à Thérèse aussi. J’espère que Baptiste va mieux à présent. S’il venait à manquer, ce serait triste pour mon filleul et sa petite sœur. Je me demande aussi ce qu’a pu devenir (illisible), sa femme et Riri là-bas en Tunisie pendant l’occupation, Célestin va probablement partir pour l’Allemagne. Dites lui de ma part qu’il fasse le mieux possible, car tout ce qu’il fera, c’est (illisible : contre lui?). Dites à Grand-mère et à toute la famille que j’ai bien pensé à eux pendant ma détention.

On a tous un moral extraordinaire ici. Je pense que de votre côté vous êtes bien courageux et le (prouverez?) bientôt car les temps sont durs mais il y aura des jours meilleurs bientôt. Si j’arrive à vous manquer, pas de prières ni surtout de service religieux, cette race là a déjà fait assez de mal à l’humanité. Lui donner un jour de plus, c’est un crime. Dans votre prochain colis, mettez des feuilles et des allumettes. J’aurais bien voulu goûter encore du (Churchill ?). Si vous voulez bien m’envoyer un peu dans un bock marqué (vinaigre) dessus. Sitôt reçu écrivez-moi en mettant (?). Reçu nouvelle du cousin René. Je vous embrasse.

Votre fils Albert Merci bien à vous

* Les noms figuraient dans la lettre mais nous ne voulions pas les reproduire.

** En réalité Jaurès.

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Fais à la Prison de Rennes le 12 juillet 1943

Bien chers Parents

Il m’arrive d’avoir une occasion de vous écrire clandestinement donc je profite pour vous dire que je suis en bonne santé avec un moral épatant (suite illisible). J’ai reçu votre colis avec grand plaisir. Ne mettez pas de pain dedans car nous en avons largement, on en refuse même souvent. On est à 11 ensemble dans la même cellule et nous recevons une douzaine de colis par semaine. Hier matin j’ai reçu mon complet avec des chaussons et du beurre, et je vous ai retourné mon autre paletot et pantalon. Vous voudriez bien m’envoyer mes paires de souliers bas et une paire de chaussettes dans votre prochain paquet. Je n’ai pas eu le temps de réaliser hier matin. Sans ça je me serais dessaisi d’autres choses encore. Je continue à recevoir du tabac par la Croix-Rouge mais je ne sais pas d’où il vient. Je vois Jo Ropars tous les jours. Il est gros et gras signe qu’il se porte bien et que comme moi il ne s’en fait pas. Moi je n’ai jamais été aussi gros (illisible) J’ai presque un double menton comme un curé de campagne. Enfin les Alliés ont débarqué en Sicile. J’espère qu’ils arriveront bientôt à bout des (macaronis) et qu’ils débarqueront sans tarder ailleurs pour nous délivrer. Ma confiance augmente de jour en jour, car on n’est pas encore jugé et je commence à croire qu’on ne le sera jamais. Donc je crois que j’aurai bientôt le bonheur de vous voir, malgré que je ne suis pas trop sûr de moi tant que je serai entre leurs mains. La prison est archi-pleine, il y a des généraux, un (colonel?), un commissaire de police, un comte, un baron. Et aussi 3 ou 4 curés, il y a 8 Morlaisiens à côté pour vol d’huile d’aviation. On a appris aussi qu’il y a 2 trains de permissionnaires qui sont rentrés en collision près de Rennes. Il y aurait un millier de victimes. Je finis ma lettre en vous embrassant de loin, en espérant le faire bientôt de près si la chance me sourit, car la fin de la guerre est proche. Le bonjour à tous.

Votre fils Albert.

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Fais à la Prison de Rennes le 25 juillet 1943

Bien chers Parents

J’espère que vous recevez ces quelques mots que je vous envoie par des voies détournées. J’ai reçu votre colis hier encore, mais des lettres, je n’en ai pas eu depuis longtemps, les copains non plus d’ailleurs. Nous sommes à 11 ensemble et on ne s’ennuie pas, on a également assez à manger grâce aux colis que nous recevons. Inutile de nous envoyer du pain. La semaine dernière, on a eu 2 kilos de pêche. Je suis avec Ernest Mazé et son fils du Forestou en St Marc. Le Roux dont la femme est institutrice à Bolazec. Jean Nedellec. Charles Cadiou et Théo Drogou, ouvriers de l’arsenal. Charles Bénard de la rue Louis Pasteur qui nous amuse avec ses équilibres, des fois on s’instruit avec Albert Abalain du Pont-de-Buis qui a son Bac et René Claireaux de Brest qui n’est pas trop seul, malgré qu’il a raté trois fois son bachot. Avec toute cette équipe, on ne sent pas le temps passer car on a aussi des journaux et des revues, on a fait des jeux de cartes et de dominos. André et Henri seraient jaloux de nous. S’ils nous voyaient avec nos jeux de gosse, je pense que Thérèse et Célestin doivent s’amuser quand même aux pardons. Dimanche, j’ai pensé à celui de Guimiliau. Je pense bien le voir l’année prochaine. Je termine en vous embrassant bien fort avec l’espoir de vous voir un jour prochain.

Albert qui pense à vous.

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Fais à la Prison de Rennes le 28 juillet 1943

Chers Parents,

Je pars avec les copains pour une destination inconnue. Je vous embrasse bien fort.

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Fais à la Prison de Fresnes le 17 Août 1943

Bien chers Parents

Quelques mots pour vous dire que je suis en bonne santé et je pense que vous soyez de même ainsi que Yfic et ma belle-sœur et les parents. Vous pouvez m’envoyer un colis de 5 kilos toutes les quinzaines avec du tabac et un peu de savon. L’adresser à la Croix-Rouge Française – 16 boulevard Raspail pour Albert Rannou 3ème division prison de Fresnes, Seine-et-Oise. Le jugement est commencé depuis ce matin. Il y en a pour un moment. Je finis ma lettre en vous embrassant bien fort. Votre fils Albert qui pense à vous.

P.S. Vous pouvez m’envoyer des journaux aussi. Ecrivez-moi à la prison de Fresnes, section allemande. Seine-et-Oise.

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Fais à la Prison de Fresnes le 23 Août 1943

Bien Chers Parents

Je crois pouvoir vous écrire tous les mois ici. Pour le moment tout va bien et j’espère qu’il en est de même avec vous. Ne vous inquiétez pas pour ma santé car sur quatre que nous sommes dans la cellule il y a un docteur. J’ai eu la visite de tante Célestine jeudi qui m’a causé une grande joie. Elle m’a donné un paquet de tabac, des gâteaux et du raisin. J’ai reçu votre colis le lendemain, on peut en recevoir un par quinzaine. Tachez de m’avoir du tabac si cela est toujours possible. On est pas trop mal nourri donc ne vous privez pas de trop pour moi. J’aurai besoin d’une chemise, une serviette et quelques mouchoirs. Je termine en vous embrassant. Le bonjour à tous.

Votre fils Albert qui ne vous oublie pas.

Fais à la Prison de Fresnes le Mardi 31 août 1943

Biens chers Oncle et tante

Je suis en bonne santé et j’espère que ma lettre vous trouvera de même. J’ai été condamné à mort samedi matin et j’attends le dénouement de l’affaire avec calme. Mon avocat espère que je serai gracié, ce que je crois aussi tout en restant dans le doute. Je saurai le résultat définitif dans une quinzaine. Je pense avoir la visite de Maman cette semaine si au moins elle veut venir à Paris. Je suis dans la même cellule que Jo Ropars à présent ainsi que d’autres Brestois. Donc Tante Célestine , tu voudras bien mettre Papa et Maman au courant de ce qui est et que dans ce moment pénible je pense beaucoup à eux ainsi qu’à mon cher frère et belle-sœur et aussi à grand-mère et toute la famille. En attendant de te revoir je t’embrasse ainsi que tonton Henri et mon jeune cousin espérant que vous aurez bientôt de ses nouvelles.

Votre neveu.

Albert Rannou

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Dernière Lettre d’Albert Rannou avant son exécution le 17 septembre 1943.

Dernière Lettre d’Albert Rannou avant son exécution le 17 septembre 1943.

Fais à la Prison de Fresnes le 17 septembre 1943

Cher Papa et chère Maman

Il est 11 heures moins le quart, on vient de nous prévenir qu’on va être fusillés à 16 heures. Je vais donc donner ma vie à la France, pour ma patrie que j’ai toujours aimée et pour laquelle j’ai combattu. Je meurs content car mon sacrifice (j’en ai la certitude) n’aura pas été vain. J’ai lutté durant ma courte existence pour le bonheur des travailleurs et pour que la paix règne en ce monde.

(censuré)

Mes chers parents, vous savez que je vous ai toujours aimés et que vous me le rendez bien ainsi qu’Yfic. Ça me fait une peine immense de vous quitter à jamais. Je ne sais comment vous exprimer toute ma gratitude pour ce que vous avez fait pour moi. Vous m’avez choyé depuis mon enfance jusqu’à ma dernière heure. Si quelquefois je vous ai fait de la peine, vous m’avez pardonné. Je n’oublie pas non plus ma belle-sœur. Grand-mère et toute la famille auxquels vous voudrez bien envoyer mes amitiés dernières. Je pense à vous tous en ce moment qui est plus pénible pour vous que pour moi. Je viens de voir l’aumônier, j’ai refusé la communion. Donc aucun service religieux à mon intention. Mes amitiés aussi à tous les voisins et camarades, qu’ils sachent que j’ai fait mon devoir de Français et de communiste.

Papa, Maman, ma dernière pensée sera pour vous et pour mon frère. Je vous embrasse tous dans un même élan.

Soyez courageux.

Adieu tous.

Votre fils Albert.

Vive la France, Vive le parti communiste

Paix- Liberté- Justice

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A remettre à Madame Berard. Fresnes le 17 Septembre 1943

Chers oncle et tante

Je pars… d’où l’on ne revient pas. Dans 4 heures, je vous aurai tous quittés. Embrassez tous mes parents pour moi, et votre fils Henri quand vous aurez le bonheur de le trouver.

Recevez les derniers baisers de votre neveu

Albert Rannou

 

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 2/ Marie Lambert (1913-1981)

Marie Lambert (1913-1981): la première femme députée du Finistère

Née le 26 octobre 1913 à Landerneau (Finistère), morte à Ivry-sur-Seine le 22 janvier 1981 ; secrétaire fédérale communiste du Finistère (1947-1949) ; députée PCF du Finistère (1948-1951).

 » Marie Lambert a été la première femme à représenter le Finistère à l’Assemblée nationale, il a fallu attendre 1962 pour en voir une autre avec l’élection de la gaulliste Suzanne Ploux, et ce n’est qu’en 1978 qu’une 3ème Finistérienne est devenue députée, la socialiste Marie Jacq » (Yvonne Rainero, secrétaire de section du PCF Quimper) 

« Il y a eu un article dans l’Huma sur son activité de journaliste . Elle a été la première à employer le mot guerre pour l’Algériehttps://www.humanite.fr/la-force-communiste-fut-lorigine…  » (Jean-Paul Cam, secrétaire de section du PCF Brest)

 

Congrès du PCF à Strasbourg en 1947 – Daniel Trellu, le premier à gauche: à ces côtés, Gabriel Paul, Pierre Le Rose, Marie Lambert (archives Pierre Le Rose)

Article de Christian Bougeard – pour le MAITRON

Originaire de la petite ville de Landerneau (Finistère), Marie Perrot avait un grand-père qui avait participé, contre son gré, à l’écrasement de la Commune de Paris mais aurait exprimé de la sympathie pour les Communards. Il aimait porter les jours de fêtes un chemise rouge pour manifester ses opinions.
Marie Lambert avait interrompues ses études après le brevet. Elle acquit par la suite, en autodidacte, une importante culture. Elle avait épousé jeune Henri Lambert , avec qui elle eut trois enfants : Jean-Paul en 1932 ( serge nt cassé pour refus d’être appelé en 1956), Henri en 1935 et Annie en 1944. Elle fut brièvement institutrice pendant la « drôle de guerre ».
Son mari fut un résistant FN et FTP. Arrêté en Ille-et-Vilaine en décembre 1943, torturé et déporté. Sous l’Occupation, Marie Lambert participa aux actions de résistance,diffusant tracts et journaux clandestins dans la région de Landerneau. Elle servit d’agent de liaison à Daniel Trellu chef des FTP du Finistère et organisa des groupes de « femmes patriotes », malgré une grossesse. Pour son action, elle obtint la médaille de la Résistance et la Croix de guerre.

Ayant adhéré au PCF en 1943, mettant en rapport ce geste et la lecture avec la lecture de Lyssagaray et de son Histoire de la Commune, « la ménagère » Marie Lambert fut élue conseillère municipale de Landerneau en mai 1945 (réélue en 1947) dans la municipalité dirigée par l’ancien maire révoqué et ancien député (réélu en 1945), le socialiste Jean-Louis Rolland.

Elle appartenait aussi en 1945 au bureau de l’UFF du Finistère.

N’ayant pas été candidate en octobre 1945, Marie Lambert figurait en 4e position sur la liste communiste du Finistère aux élections à la seconde Assemblée Constituante le 2 juin 1946 qui recueillit 95 343 voix en moyenne (24,6%) et deux élus, les députés sortants Pierre Hervé et Gabriel Paul. 

Le 10 novembre 1946, elle était toujours 4e alors que le PCF obtenait 27,8% des voix et trois députés (Alain Signor *en plus). Mais la démission de Pierre Hervé le 15 juin 1948, permit à Marie Lambert de lui succéder à l’Assemblée nationale en juillet. Inscrite à la commission de l’Agriculture, elle déposa plusieurs propositions de loi en faveur des ouvriers agricoles.

Auparavant, Marie Lambert était devenue une des principales dirigeantes du PCF. Elle entra au bureau fédéral élargi de 9 à 13 membres lors de la IXe conférence d’août 1946, devenant ensuite secrétaire fédérale, sans doute en 1947, lors du départ de l’instituteur Alain Cariou. En 1948 et au début 1949, Marie Lambert assura de manière transitoire la fonction de première secrétaire fédérale du Finistère. Elle en fut écartée à la suite de la XIIe conférence fédérale de février 1949 présidée par Jeannette Vermeersch, et remplacée par Daniel Trellu. Elle fut critiquée pour n’avoir pas su diriger sa fédération, en perte de vitesse, et éviter les graves conflits qui divisaient la CGT, peut-être aussi parce qu’il lui était difficile d’assurer ses tâches de direction avec son mandat de députée. Les critiques portaient sur la trop grande importance accordée par la fédération à la question de la laïcité sous l’impulsion de Pierre Hervé. Au total, 24 membres de la direction fédérale sur une quarantaine furent remplacés. Cette véritable « purge » permit un durcissement et une stalinisation de la fédération avec son lot de critiques, d’autocritiques, d’exclusions (même temporaires) et de chasse aux « titistes » et aux « mous ». En 1951-1952, le bureau politique lui-même fut contraint de reprendre les choses en main.

En mars et avril 1950, une série de grèves très dures secoua le Finistère, provoquant une forte mobilisation syndicale et de solidarité. Le 14 avril, une manifestation des femmes de l’UFF à la mairie de Brest se transforma en affrontement avec la police : la députée Marie Lambert (tabassée gravement pendant la manifestation) et deux dirigeants communistes furent arrêtés. Le 17 avril 1950, une manifestation de protestation de 5 000 personnes fut vivement réprimée provoquant la mort de l’ouvrier communiste Edouard Mazé, le frère du conseiller municipal PCF Pierre Mazé. Alain Signor fut lui aussi arrêté et Jacques Duclos interpella le gouvernement sur ces arrestations considérées comme illégales, en violation de l’immunité parlementaire. Plusieurs milliers de personnes participèrent aux obsèques d’Edouard Mazé. Rapidement libérés, Marie Lambert et Alain Signor furent condamnés à cinq et à six moi s de prison avec sursis. Comme en 1935, la violence des affrontements avec les forces de l’ordre allait marquer durablement la mémoire du mouvement ouvrier brestois.

Lors des élections législatives du 17 juin 1951, Marie Lambert , en 3e position sur la liste communiste qui obtint 20,9 % des suffrages ne fut pas réélue, le PCF ne conservant que les sièges d’Alain Signor et de Gabriel Paul. Il semble que l’ancienne députée communiste quitta rapidement le Finistère. De toute façon, en janvier 1953, elle ne figurait plus dans aucun organisme de la direction fédérale. On sait qu’elle devint journaliste à l’Humanité puis à France nouvelle et directrice de Femmes nouvelles, le journal de l’UFF, chargé de la culture, ce qui lui permit de connaître le principaux artistes communiste, notamment le couple Aragon-Triolet.. Le 8 novembre 1954, l’Humanité publia sous le titre « Des tortures dignes de la Gestapo », un reportage de Marie Perrot : « Les arrestations se poursuivent en Algérie et de nombreuses personnes à des sévices innommables dans les locaux de la police la bastonnade, le lavage d’estomac à l’aide d’un tuyau enfonce dans la bouche et le courant électrique ». Ces scènes lui rappelaient les tortures qu’avaient subies son premier mari en 1943. Elle participa en 1955 au premier voyage de journaliste au premier voyage de journalistes à Hanoi. Son statut de journaliste lui permit également de découvrir le Yougoslavie et laTunisie.

Marie Perrot, vécut avec Georges Gosnat à Saint-Ouen à partir de 1950. Elle l’épousa le 30 juillet 1970 (on trouve ailleurs le 30 décembre 1970) et habita avec lui à Ivry-sur-Seine. Georges Gosnat était député d’Ivry-sur-Seine et un des principaux responsables des finances du PCF. Elle décéda en 1981 dans ce bastion du communisme de la banlieue sud-est et fut enterrée au cimetière communal.

SOURCES : Arch. du comité national du PCF. Organigrammes des comités fédéraux du Finistère (1953-1968). — Arch. PPo., dossier Georges Gosnat. — Eugène Kerbaul, 1918-1945 : 1640 militants du Finistère, Bagnolet, 1988, notice Henri Lambert et Marie Perrot, p. 140 et 232-233. — Isabelle Picart, Le PCF à Brest de la Libération à la fin de la Quatrième République (1944-1958), maîtrise d’histoire, Université de Bretagne occidentale, Brest, 1989. — Le bande dessinée de Kris et Étinne Davodeau, Un homme est mort, Futuropolis, 2006. — Cédérom le Maitron. Notice Georges Gosnat par Jean Maitron et Claude Pennetier.
***

Dans une lettre datée du 16 octobre 1985, Pierre Le Rose donne à Pierre Crépel, un camarade de l’IRM (Institut de Recherche Marxiste) basé à Lanester, des renseignements complémentaires sur le Parti Communiste à la Libération, période qu’il a connue en tant que dirigeant et acteur. On trouve dans cette lettre des informations tout à fait importantes d’un point de vue historique qui justifient qu’on la publie, avec l’accord de la fille de Pierre Le Rose:

« L’audience du Parti était très grande dans le Finistère à la Libération. On évaluait les adhérents à 10 000 ou 12 000. Les cartes étaient placées aux réunions publiques au lendemain de la libération. L’organisation ne suivait pas. Mais dans les localités importantes (Brest, Morlaix, Quimper, Douarnenez, Concarneau), les cellules avaient des Bureaux et des activités réelles. Le premier pointage réel que j’ai pu faire en Avril 47 (je venais d’avoir la responsabilité de l’organisation fédérale) faisait apparaître plus de 7000 adhérents. Nous avons vu jusqu’à 12 000 personnes à nos fêtes fédérales (fête de la Bretagne, notre journal, avec Marcel Cachin; 40 000 personnes à Brest sur le cours d’Ajot avec Maurice Thorez le 6 juillet 1947). Parallèlement, les JC (44-45) puis l’UJRF (à partir d’avril 45) comptaient entre 9 et 10 000 adhérents (jeunes venus des FTP, jeunes filles très nombreuses). Les jeunes prenaient leurs responsabilités pour organiser les activités ( 400 Jeunes Communistes à Quimper, 200 à Concarneau, mêmes chiffre à Douarnenez; organisations existant dans les localités rurales du Centre Finistère, Riec sur Belon, etc…). Les meetings des JC rassemblaient autant et parfois plus d’auditeurs que le Parti. Ce sont les JC (garçons et filles) qui ont vite fourni les cadres du Parti (peut-être au détriment de l’organisation des jeunes).

L’audience du Parti est venue du combat clandestin, puis de l’activité des militants, des élus et des ministres communistes, activité qui continuait le combat national, le confirmait.

Dans des élections législatives à la proportionnelle, le Parti Communiste recueillait 70 000 voix en novembre 1945 (2 députés), 80 000 voix en mars 1946 (2 députés), 105 800 voix en novembre 1946 (3 députés sur 10 députés finistériens).

La part de la jeunesse et des femmes fut considérable dans cette période. Nous avions la première femme maire (Kernevel), des adjointes. Notre Parti faisait le plus confiance aux jeunes (Gabriel Paul, député et secrétaire fédéral à 26 ans), Marie Lambert, députée et secrétaire fédérale à 33 ans (idem dans les Côtes d’Armor avec Hélène Le Jeune). On retrouve des jeunes de nos fédérations bretonnes également à Ouest-Matin (sur Rennes comme correspondants).

La direction du PCF milite pour la reconnaissance politique des femmes: « Les femmes viennent de plus en plus à la vie politique. Il faut les organiser et laisser de côté les préjugés encore tenaces sur l’infériorité de la femme qui ne sont pas dignes de communistes ».  

La fédération vient de transférer son siège à Brest. Elle connaît déjà quelques difficultés financières qui l’ont contraint à réduire son nombre de permanents.  

* Note biographique de Jean-Claude Cariou sur Marie Lambert et Pierre Hervé

Marie Lambert remplaça ensuite à l’Assemblée Nationale Pierre Hervé (du secteur de Morlaix-Lanmeur), lequel quitta plus tard le PCF pour rejoindre la SFIO puis un groupuscule gaulliste. Il redevint professeur de philosophie, son métier initial en région parisienne. Sa femme, résistante, avait servi de modèle à Jacques Prévert, dont il était l’ami, pour son célèbre poème « Barbara ». Marie Lambert divorça ensuite de l’officier d’infanterie dont elle était l’épouse et quitta la Bretagne avec son nouveau mari, Georges Gosnat, trésorier national du PCF et membre du Bureau politique. 

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère. 1/ Daniel Trellu (1919-1998)

1920-2020 – 100 ans d’engagements communistes en Finistère.

1- Daniel Trellu (Quéméneven 1919- Carhaix 1998)

Le témoignage d’Alain David sur Daniel Trellu:

 » Un homme exceptionnel. Libre, lucide et fidèle dans ses engagements. J’ai le souvenir impérissable d’un camp de voile à Lesconil où, un soir de navigation sur le Steir, des jeunes Français et Algériens ont chanté ensemble le chant des partisans… et cela en pleine guerre d’Algérie. Bien plus tard que cette première rencontre, qui a marqué l’adolescent que j’étais, j’ai à nouveau rencontré Daniel dans sa maison d’écluse au bord du cana . Je garde un souvenir fort et ému de la richesse de nos échanges ( pour être honnête de tout ce que Daniel y apportait). Nous y avons préparé une rencontre avec un groupe de jeunes communistes allemandes qui randonnaient en Bretagne à moto et qui voulaient évoquer avec lui la résistance dans notre région. La rencontre eut lieu au village de Trédudon sur la commune de Berrien. Au-delà de la narration de cette période cruciale dans la vie du jeune instituteur devenu chef de la résistance, les auditrices furent impressionnées par la culture, la profondeur humaine de Daniel. La qualité et la profondeur des liens qui subsistaient aussi avec la population de ce village de l’Arrée, ceux qui avaient connu Daniel à cette époque comme leurs descendants. Bien entendu, cela ne se termina pas sans une copieuse dégustation des produits locaux. C’est l’héritage que nous ont laissé au péril de leur liberté et de leur vie des gens de cette qualité (alors que les « élites  » se vautraient pour nombre d’entre elles dans la collaboration) que l’on voudrait aujourd’hui galvauder au sommet de l’état » .

Congrès du PCF à Strasbourg en 1947 – Daniel Trellu, le premier à gauche: à ces côtés, Gabriel Paul, Pierre Le Rose, Marie Lambert (archives Pierre Le Rose)

Né en 1919 à Quéménéven (29), Daniel Trellu, qui devient instituteur avant guerre, a joué sous le pseudonyme de «Colonel Chevalier», un rôle important dans la Résistance en tant que responsable départemental d’un des premiers maquis de Bretagne (Spézet, Laz, Saint-Goazec), puis de responsable de la résistance FTP de Bretagne.

Il était entré aux Jeunesses Communistes dès 1936, à l’époque de la montée des fascismes, puis il participa à la reconstitution du Parti Communiste clandestin en 1939.

Paul Le Gall, Piero Rainero, Daniel Trellu (ancien chef FTP du Finistère), Pierre Le Rose, Gaston Plissonnier (archives Pierre Le Rose)

« D’aucuns se souviennent de quelques faits d’arme de ce résistant intrépide: rapt d’uniformes d’officiers nazis dans un hôtel au bord de l’Aulne, déchargement d’armes au « Cap-Horn » (Quimper) » (témoignage d’André Buanic cité par Francis Favereau).
Après la guerre, il devient responsable départemental du parti communiste à Brest, puis réintègre l’enseignement en 1952.
Il sera successivement instituteur à Trégunc, puis professeur de français et d’histoire-géographie au lycée technique Chaptal à Quimper. Très lié à Dubcek (depuis 1949 – stages, rencontres), il fut très affecté par les évènements de 1968 en Tchécoslovaquie.

Il aura d’ailleurs comme élève un certain Daniel Le Braz (Dan ar Braz). Il prend sa retraite en 1975 et vient s’installer à Saint-Hernin où il décédera en avril 1998.

Daniel Trellu était un homme cultivé, lettré, l’auteur de nombreux poèmes:

Voici un poème remarquable de Daniel Trellu trouvé dans le tome 3 en français de l’anthologie de Favereau chez Skol Vreizh, sachant que l »original se trouve dans la version bretonne de l’anthologie.

Le poème en breton est peut-être encore supérieur à sa traduction, fût-elle de l’auteur lui-même comme c’est le cas ici. On considére le style poétique de Trellu assez proche de certains aspects de Char.

 

Ce poème nous a été transmis par Michel Kerninon et Kristian Keginer.

OMBRE

J’ai perdu mon ombre

Ma preuve par le soleil

A midi comme un mât

Planté en pleine terre

Voiles hautes

J’étais une évidence verticale

Confondue avec son double

Pouvais-je retenir les soleils

Quand je croyais ouvrir deux mains

J’ai creusé pour chercher mon ombre

J’ai navigué sur des faux équilibres

Mon tronc s’est vidé

L’écorce est transparente

Faux soleils fausses lueurs

Je tourne autour du vide

Je n’ai plus d’ombre

J’ai perdu le soleil.

 

Notre jeunesse, Avril 1945: congrès des Jeunesses Communistes (Archives Pierre Le Rose)

Maryse Le Roux nous raconte Daniel Trellu (Quémeneven 1919-1998 Carhaix) , ancien responsable de la Résistance Communiste bretonne et cadre du PCF à la Libération, qu’elle a rencontré à la fin des années 90:

 » Sa maison d’écluse au bord du canal de Nantes à Brest avait beaucoup de charme. Il avait fait à côté sous une terrasse un espace barbecue, et il en parlait comme de l’espace de l’amitié, qui semblait avoir pour lui une grande importance.
Il avait dans sa retraite un rôle proche de celui d’un assistant social bénévole, et débrouillait des dossiers pour des gens qui n’y arrivaient pas. (…) Dans l’entrée de sa maison, il y avait deux images côte à côte et de la même taille : une de Marx, je crois, une autre du Christ.
Il avait avec toi pas mal de points communs : c’était un communiste convaincu, et il était ouvert, tolérant, et lisait des textes sacrés. Parler avec lui ne donnait pas l’impression de parler à un homme enfermé dans un système de pensée. Il était humaniste, chaleureux. Il avait du recul sur ses choix. Il parlait de Marcel Cachin comme de quelqu’un qui avait compté pour lui, en tant que communiste, et en tant que défenseur de la langue et de la culture bretonnes.
La langue bretonne avait beaucoup de valeur à ses yeux, il écrivait des poème en breton, et les traduisait.
Voilà, c’est tout ce qui me revient… Ce n’est pas grand-chose, mais ce qui dominait quand je l’ai quitté, c’était le sentiment d’avoir rencontré quelqu’un d’une belle humanité, et un esprit libre. »

 » Concernant les « campagnes rouges » du Centre-Bretagne, Daniel Trellu avait répondu en breton aux questions de Ronan Le Coadic (Skol Vreizh, n°22, 1991):

« Dans ces régions, les ruraux étaient traités comme des bêtes sous le règne des riches et, peu à peu, ils sont parvenus à posséder leur lopin de terre, un champ ou deux ou trois; par la suite, ils ont mis un peu d’argent de côté, mais n’ont pas oublié d’où ils venaient… Certains sont partis travailler loin, à Paris. Des gens costauds pour des travaux pénibles. C’est ainsi que ceux-ci se sont trouvés à la tête des syndicats, et ainsi de suite; puis ils ont connu les communistes et ont adhéré (au PCF). Et c’est ainsi qu’ils ont ramené au pays ce qu’ils avaient appris à Paris… Marcel Cachin disait un jour: « Tiens, ceux-là, maintenant, ils ont vu les saints vivants et les ont vus mourir pour des idées ». Cela a été un peu un transfert de foi… Les Bretons, tu le sais bien, aiment à voir des saints; or, cet homme-là, c’était comme un saint dans le pays. Il s’occupait des pauvres. Et ils n’avaient pas d’argent, on ne leur en demandait pas. Il était toujours prêt, de jour comme de nuit, à rendre service, quoique ce soit… allez hop! on va trouver le docteur Jacq, le médecin des pauvres* ». (entretien avec Ronan Le Coadic cité par Francis Favereau, Anthologie de la littérature bretonne au XXe siècle, tome 3, Skol Vreizh, p. 463)