DE L’ACTUALITE DU COMBAT COMMUNISTE – A PROPOS D’UNE TRIBUNE DE BERNARD POIGNANT DANS LE TELEGRAMME DU 22 DECEMBRE

ll paraîtrait qu’il existe un spécialiste du communisme dans le Finistère.

Le saviez-vous, c’est Bernard Poignant, ancien maire de Quimper, proche de Jacques Delors, de Jean-Yves Le Drian, de Dominique Strauss-Kahn et de François Hollande, soit de l’aile droite du Parti socialiste qui depuis 50 ans cherche à acculturer les pratiques du pouvoir des socialistes pour les rendre compatibles avec les intérêts de la finance, l’Europe de l’austérité, et le réalisme économique néo-libéral. Et qui a imposé Maastricht et le Traité de Lisbonne au peuple français pour plier la politique aux sacro-saintes exigences des marchés financiers et des banques.

C’est en tout cas à l’ex-maire de Quimper, ancien député PS du Finistère, ancien ministre, ancien conseiller général, régional, européen, conseiller de François Hollande en 2017 qui a soutenu Emmanuel Macron en 2017 que le Télégramme a donné la parole sur une moitié de page de tribune politique le mardi 22 décembre.

Pour parler des 100 ans du Parti communiste et du Congrès de Tours de décembre 1920, il n’y avait certainement pas de voix plus indiquée et d’avis plus compétent!

Bernard Poignant est certes historien de formation, comme un certain Jean-Yves Le Drian qui, avec lui, a contribué à créer le macronisme, nouvelle synthèse politique néo-libérale autoritaire réalisant superficiellement un rêve de dépassement du clivage droite-gauche, mais comme lui, il est emblématique de cette tradition bretonne du PS issue du catholicisme et de la petite bourgeoisie, qui a toujours été viscéralement anti-communiste, hostile au marxisme, à l’intérieur même de la mouvance socialiste, favorable à un Bad Godesberg du PS à l’instar du SPD résolument social-démocrate et favorable à l’économie de marché libérale.

Dans sa tribune, Bernard Poignant énonce un certain nombre de faits historiques incontestables sur le contexte du Congrès de Tours, sur les causes de la scission, et sur les conséquences du recul du Parti communiste et la disparition de l’URSS dans le triomphe du capitalisme financier et de son cortège d’inégalités.

Dire en versant quelques larmes de crocodile que le « capitalisme n’a plus d’adversaire » est néanmoins faux, d’abord parce que les communistes et les idées communistes, qui ne sont d’ailleurs pas l’apanage du seul PCF, loin s’en faut, n’ont pas disparu, ni en France, ni dans le monde – même si le rapport de force est certes très dégradé et dissymétrique.

Il existe aujourd’hui des manières multiformes, plus ou moins novatrices, de combattre le système capitaliste et de penser son dépassement et d’y travailler, la dimension pathogène et anti-démocratique de celui-ci étant d’ailleurs assez largement reconnue, avec le scandale moral des inégalités de plus en plus énormes qu’il génère, quand vingt milliardaires possèdent autant de richesses que la moitié de l’Humanité et que la pauvreté progresse dans de nombreux pays du sud comme dans les pays riches là où quelques profiteurs de guerre économique ne cessent de s’enrichir, et avec les nouveaux enjeux de la crise écologique, de plus en plus universellement perçus.

Le communisme est mort, dit-il, et pourtant le Parti communiste compte aujourd’hui plus d’adhérents que le Parti socialiste, qui a finalement subi que le contrecoup de ses compromissions et de ses abandons.

Notre déclin date de plus loin des années 1980, et le PS et ses expériences du pouvoir, notamment le tournant de la rigueur, y ont amplement contribué dans un contexte de rivalité et de volonté d’affaiblissement du courant communiste assumée par Mitterrand notamment, mais aussi par les rocardiens ou trans-courants.

Plus récemment, encore qu’il y a eu des étapes depuis le début des années 80 et une montée crescendo de la déception, marquée parallèlement par l’augmentation de l’influence du FN, puis du Rassemblement National, ce sont les politiques de trahison des promesses et des valeurs de gauche et des attentes populaires qui sont responsables du récent déclin de l’influence électorale nationale du Parti socialiste, ainsi que le choix de beaucoup de cadres de soutenir un homme de droite en la personne d’Emmanuel Macron. Nous avons des responsabilités dans notre affaiblissement, nous les communistes, sur le plan national comme international, c’est une évidence, mais nous n’étions pas non plus les seuls en piste et il y avait des adversaires puissants, à commencer par la classe capitaliste et ses alliés ou serviteurs, en politique ou dans les médias.

Ce qui nous semble le plus contestable dans l’argumentation de Bernard Poignant, c’est l’équivalence facile et rebattue qu’il pose entre communisme et totalitarisme, ou dictature: « le plus gros reproche à faire au communisme, c’est d’avoir échoué dans ses intentions généreuses et réussi dans sa pratique totalitaire », écrit-il en conclusion de son article.

On le sait, les idées communistes ont, dans des contextes post-révolutionnaires et de guerre civile, souvent servi à cautionner des pratiques dictatoriales et parfois des entreprises politiques criminelles qui étaient une caricature des idées marxistes et communistes, et de notre projet de société qui vise à amplifier et à égalité les libertés et à développer les potentialités humaines, pas à transformer la société en caserne ou en camp de redressement. Mais dire tout simplement que les communistes ont échoué, c’est vite dit, et c’est méconnaître l’apport des communistes à la société française, très profond, ce que nos adversaires idéologiques, les ultra-libéraux français ou américains, savent d’ailleurs reconnaître … pour le déplorer bien sûr.

Front populaire, résistance, conseil national de la Résistance, conquêtes sociales de 1968 et 1981, rien de tout cela n’aurait été possible sans les communistes…

Congés payés, réduction du temps de travail, droit syndical, élévation du niveau de vie des travailleurs, grands services publics, Sécurité sociale, retraites solidaires, accès aux loisirs, au sport et à la culture pour tous, droit de vote des femmes, combat contre le racisme et le fascisme, contre le colonialisme et l’impérialisme, les régimes d’apartheid, notamment en Afrique du Sud, autant de combats qui ont pu être victorieux au XXe siècle grâce au volontarisme, aux idéaux et à la force d’organisation des communistes, à leurs belles idées d’émancipation du monde du travail et d’égalité humaine.

Nous ne l’avons pas fait seuls, mais dans des contextes où l’influence acquise par les communistes et de leurs exigences sociales pesaient lourd.

Les périodes où les communistes ont été en mesure de faire gagner, par leur pratique du rassemblement, les idées de gauche et sociales en France ont été des grandes périodes de progrès civilisationnel et culturel en France.

Les dérives dictatoriales des partis communistes au pouvoir en URSS, en Europe de l’est et en Asie, qui doivent aussi s’analyser à l’aune d’un contexte d’adversité et de guerre, ne sont pas le seul bilan du communisme, ne doivent pas non plus minimiser d’autres conquêtes incontestables de ces révolutions, et ne résument pas l’essence du projet communiste, qui n’a été appliqué que très imparfaitement au XXe siècle, dans des conditions historiques particulières marquées par l’affrontement des blocs. L’idée révolutionnaire ne saurait être en soi invalidée par des expériences tyranniques ou démocratiques, ni par l’échec final de certaines révolutions.

Il faudrait aussi bien sûr en miroir évoquer les crimes du capitalisme et des forces internationales qui ont servi son hégémonie, en premier lieu l’impérialisme américain à l’œuvre dans les violences contre les progressistes d’Amérique Latine, qui s’est appuyée sur les islamistes dans le monde arabe et en Orient pour mieux terrasser « l’hydre communiste »: des dictature acquises aux intérêts américains, des guerres coloniales, un monde où le problème de la faim, de l’accès aux droits les plus élémentaires toujours refusé à une grande partie de l’humanité, sont persistants, pour complaire aux intérêts de quelques milliardaires et de quelques multinationales toute puissantes.

On ne peut pas faire non plus comme si l’idéologie communiste n’avait pas eu tout au long de son histoire de puissants adversaires, ceux qui par exemple en France ont accéléré le processus d’intégration dans une Europe libérale minimisant la souveraineté des peuples, et lancé des programmes de privatisation et de reculs des droits sociaux, certains hommes politiques se réclamant de la gauche étant d’ailleurs très largement complices de ce mouvement.

Si l’idée communiste est ancienne, bien antérieure au congrès de Tours et au léninisme, trouvant racine aussi bien dans les utopies sociales d’un Thomas More, les promesses d’égalité républicaine des Lumières et de la Révolution Française, la Commune de Paris, dont on célèbrera les 150 ans cette année, elle n’est pas pour autant obsolète. Elle continue d’inspirer beaucoup de révoltés, de dominés, d’intellectuels critiques et de travailleurs en lutte, comme en témoignent aussi bien les grèves monstres de l’Inde actuelle, les mouvements populaires latino-américains, le regain des études marxistes aux États-Unis et en Europe.

Le concept de fin de l’histoire est rudement éprouvé et démenti par les évènements historiques depuis 30 ans. L’histoire est marquée par des crises, des cycles, et des basculements, et n’est est loin d’être achevée.

Il serait absurde de penser que les peuples vont pouvoir accepter encore pendant des décennies sans broncher le joug de la domination de la classe capitaliste qui plonge l’ensemble des sociétés du monde dans la crise et un chaos menaçant la viabilité sur le long terme de ces sociétés, la fraternité, la paix et la planète.  Les hommes ont besoin de penser au-delà de cette réalité oligarchique et de construire les chemins de nouvelles formes d’émancipation humaine.

Dans cet effort de construction de nouveaux chemins révolutionnaires, les idées et expériences communistes, la pratique militante des communistes, resteront des références importantes pour nourrir l’espoir d’un monde plus humain.

Ismaël Dupont, secrétaire départemental du PCF dans le Finistère.

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