PCF : 100 ans d’engagements – Germinal de Brest, organe régional communiste sous le contrôle de la SFIC – 1er numéro, 5 février 1921

Le comité de rédaction et d’administration du journal hebdomadaire de 4 pages « Germinal de Brest« , journal communiste du Finistère en 1921 et 1922, jusqu’à ce que La Bretagne communiste prenne la suite de 1923 à 1926, est situé – ça ne s’invente pas – 26 rue Emile Zola à Brest.

Le journal est vendu 20 centimes au numéro, 6 francs pour un abonnement de 6 mois, paraît le samedi 5 février 1921.

Une centaine de numéros de « Germinal de Brest » sont accessibles sur le site des Archives Départementales du Finistère:

http://mnesys-portail.archives-finistere.fr/

Le 1er numéro du journal « Germinal de Brest », « Organe régional communiste, sous le contrôle de la fédération socialiste du Finistère » (SFIC), sous le contrôle des majoritaires du Congrès de Tours, les partisans de la IIIe Internationale, revient sur les suites du Congrès de Tours et la « trahison » de certains élus et notables de la SFIO qui n’ont pas voulu se plier aux décisions de Congrès:

Jean Le Tréis, secrétaire fédéral, dénonce, avec une certaine violence, la rébellion des élus et des militants qui n’ont pas suivi la ligne majoritaire, en France comme dans le Finistère :

« Au Congrès de Tours:

3.208 mandats se sont prononcés pour la IIIe Internationale

1.022 mandats sont allés à la motion Longuet-Paul Faure, dite des reconstructeurs.

Chose inouïe, les 1.022 mandats ont la prétention d’obliger les 3.208 mandats à s’incliner devant leur volonté!

Une poignée de factieux voudraient à l’immense majorité des militants, imposer la loi du silence et de la soumission!

C’est un peu fort!

Jaurès sacrifia tout à l’unité. Et les scissionnistes osent se réclamer de Jaurès! Ils prétendent continuer le Parti, eux qui viennent de le quitter, eux qui abandonnent la lutte au plus fort de l’action!

En vérité, nous assistons à une simple rébellion d’élus.

Parmi ceux qui les ont suivis, il y a des enuques, de ceux-là nous ne nous intéressons pas, demain ils crieront aussi bien « vive le roi » si les seigneurs et maîtres leur en donnaient l’exemple, mais il y a aussi des camarades abusés ou ignoblement trompés. A ceux-là, nous adressons un pressant appel. Que diable, eux qui ne connaissent ni Dieu ni maître, ne pourront longtemps consentir à servir des individus, traîtres au Parti, qui du jour où les gueux en ont fait des élus se sont crus des surhommes!

Travailleurs, faites comprendre aux félons, aux « insurgés » que vous ne sauriez être des suiveurs; que, militants disciplinés, vous entendez que les élus se soumettent au désir nettement exprimé par la majorité ou se démettent! (…)

Travailleurs, vous ne sauriez suivre les dissidents »…

J. Le Tréis

Les élus socialistes qui ne reconnaissent pas la ligne majoritaire du Parti et l’adhésion à la IIIe Internationale sont vilipendés par un rédacteur sous le pseudonyme « Prolo »:

 » 53 députés que nous avons arrachés à l’ombre ne sont pas de cet avis. Grand bien leur fasse. Les hommes passent, les idées restent. La Roche Tarpéienne est près du Capitole. Tombés du pinacle où nous les avons hissés, ils s’en apercevront demain; mais demain, il sera trop tard ».

Jean Le Tréis annonce aussi la convocation d’un congrès de la SFIC du Finistère le 29 février 1921 à la Mairie de Quimper. Son annonce laisse entendre le profond état de désorganisation de la maison socialiste devenue communiste et ralliée à la IIIe Internationale, avec la désaffection de nombre de militants et de cadres dans le Finistère: « Dans les localités où le bureau a déserté le devoir socialiste, et où la section n’a pas encore été reconstituée, il appartiendra à un camarade de convoquer d’urgence les militants fidèles au parti afin de désigner un délégué au Congrès Fédéral… L’importance de l’ordre du jour n’échappera à personne. Ce sera la première fois depuis la scission que les militants socialistes du Finistère se retrouveront. Leurs rangs seront quelque peu éclaircis mais leur force combative n’aura rien perdu de sa valeur. L’idéal qui les inspirait hier les anime aujourd’hui. La trahison de certains ne leur feront que plus en concevoir la beauté et ne leur rendra que plus cher ».

L’article de fond de la Une du premier numéro du journal Germinal de Brest éclaire les enjeux de ce qui s’est joué au Congrès de Tours: la rupture avec le parlementarisme électoraliste et opportuniste, le retour à Marx et à la lutte des classes, mais surtout l’adaptation du parti, de ses méthodes et de ses pratiques, à la nouvelle situation post-guerre de crise révolutionnaire mondiale:

« Le Congrès de Tours marquera une date historique dans la vie longue déjà et glorieuse du socialisme en France. S’il restaure parmi nous les conceptions traditionnelles de Marx et Engels, les doctrines jadis consacrées et trop souvent désertées dans la pratique, il adapte en même temps aux nécessités des temps nouveaux, aux obligations impérieuses que nous assigne la crise révolutionnaire mondiale, les méthodes de préparation et d’action qui doivent désormais prévaloir.

En face du régime capitaliste, qui croule politiquement, économiquement et socialement, notre discipline devait se resserrer, la rupture s’affirmer avec tout ce qui représente les classes déclinantes, la lutte des classes proclamée dans toute son ampleur.

Tel est le sens de l’adhésion du socialisme français à cette Internationale communiste qui a relevé le véritable drapeau de l’Internationale des travailleurs, et la majorité des trois quart des suffrages exprimés à Tours donne à cette adhésion sa valeur de souveraine puissance » (…)

 » C’est la France salariée, la France en révolte contre le régime capitaliste, régime de guerre et de faillite, régime de rapine, d’exploitation et de servitude, c’est cette France militante qui est avec nous: c’est elle qui défendra demain, de concert avec toutes les Sections de l’Internationale communiste, la paix, le droit des peuples et la révolution menacées par les impérialistes masquant leurs intérêts de classe derrière la défense nationale.

L’œuvre qui s’impose à notre Parti est énorme; elle ne nous effraie pas. Le vieux monde s’écroule devant l’esprit des temps nouveaux. La révolution qui s’annonce, qui est né en Russie et qui gagnera de proche en proche tous les États et tous les continents, trouvera des millions et des millions d’artisans sévères… Le régime bourgeois chancèle sur ses bases au lendemain de la plus cruelle des guerres; nous lui porterons seulement le dernier coup.

Prolétaires, Paysans et Ouvriers !

Vos devoirs s’accroissent dans la mesure où les temps s’avancent. Vous ne vous laisserez séduire ni par ceux qui veulent trouver dans le parlementarisme exclusif, dans l’abandon des principes socialistes, dans la collusion avec l’adversaire capitaliste, des avantages illusoires, des transactions mortelles pour la révolution, ni par ceux qui cherchent leur voie à tâtons sans jamais se résoudre et qui, inconsciemment, paralysent l’œuvre d’affranchissement.

Vous tous, vieux militants de notre Parti, qui l’avez servi par votre dévouement, jeunes hommes soulevés par le cyclone de la guerre et qui affinez dans nos rangs, vous viendrez à nous pour consommer l’œuvre commencée.

Que notre parti soit grand! Que notre parti soit fort et discipliné, maître à la fois de ses militants et de ses élus! Que dans l’Internationale, relevée à l’ombre de la première des grandes révolutions sociales, il soit digne de son passé, digne de Babeuf, digne des hommes de Juin 1848, digne de la Commune, digne de Jaurès, digne de l’avenir glorieux qui s’offre à nous! ».

 

***

On trouve encore dans ce 1er numéro de « Germinal de Brest » un billet sur les politiciens insincères qui portent des masques, signé Paul Gema, un billet pour dénoncer la révocation des instituteurs progressistes du Syndicat de l’enseignement comme Marie Guillot par le gouvernement réactionnaire, un article dégoûté sur la « Vie socialiste » des Renaudel et Albert Thomas, artisans de l’Union sacrée, un billet contre le « Cri du peuple », journal socialiste réformiste du Finistère, une félicitation au camarade ex-communard Camelinat qui est parvenu à garder l’Humanité dont le giron du Parti légitime sur l’option majoritaire d’adhésion à la IIIe Internationale, malgré les manœuvres de Blum et Renaudel. Charles Moigne, co-secrétaire fédéral de la SFIC Finistère avec Jean Le Tréis annonce la naissance d’une rubrique, « Contre le militarisme » avec un camarade poète José Lecomte, ancien poilu, qui analysera les horreurs des conseils de guerre et des bagnes d’Afrique.

Une rubrique sur la vie fédérale annonce la réorganisation de la section de Brest, où beaucoup d’élus ont refusé l’adhésion à la IIIe Internationale. Le nouveau bureau fidèle aux décisions du Congrès de Tours se composent de Le Meur, secrétaire de section, Le Rubrus, secrétaire adjoint, Berthou, trésorier, H. Nardon, Jean Le Tréis, Guiban, Uguen, Goaran, Charles Moigne, Lavenant, Coadic et Vibert. « De vieux militants révolutionnaires, dégoûtés jusqu’ici de la cuisine électorale; de nouveaux adhérents, syndicalistes minoritaires, et mutilés de guerre, sont venus grossir nos rangs. Détail caractéristique! Notre réunion avait lieu à la Mairie, au même endroit que celle du groupe des dissidents. Notre salle était pleine! Chez eux, une « poignée » d’hommes se trouvait disséminée dans la grande salle des conférences. Signe des temps! Présage de mort pour le socialisme d’ambition des « égarés » et des « appétits » qui suivent les politiciens opportunistes ».

On annonce aussi le bureau de la section SFIC de Douarnenez avec Sébastien Vely, premier maire communiste du Finistère, et un des tous premiers de France. Des manœuvres d’un militant socialiste hostile à l’adhésion à la IIIe Internationale à Bodilis sont dénoncés, la section de La Feuillée est mise en avant.  Le journal dénonce aussi, par l’intermédiaire d’un communiqué des marins pêcheurs S.F.I.C de Pouldavid (nord-Finistère)  l’augmentation des versements réclamés aux marins-pêcheurs pour la caisse de prévoyance et d’assurance invalidité, au lieu de demander aux « profiteurs de guerre » de participer à l’effort de solidarité nationale. « Germinal » fait aussi une place à l’expression des anciens combattants (UNC – Union nationale des Anciens combattants), notamment pour la réhabilitation des « fusillés ».  Francis Le Floch témoigne sur l’horreur des bagnes militaires.  Louis Le Trocquer, marin originaire de Plouha, qui s’est battu dans les Dardanelles, militant socialiste dans l’Eure, puis à Brest, secrétaire de la bourse du travail de Brest, qui sera exclu de la SFIC et de la CGTU en novembre 1921 pour avoir donné des informations à la presse bourgeoise après avoir été candidat communiste en 1921 aux élections municipales de Lambézellec (Finistère), signe deux fois: un article de la rubrique « Tribune syndicaliste » sur la division syndicale, et une citation à tendance athée de Schopenhauer. Les paroles de « La Jeune garde » sont reprises en page 4, un long article d’Alain Coste informe sur les poursuites contre les instituteurs syndiqués en page 4 là encore.

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