Augmentation des salaires, défenses des services publics, lutte contre l’évasion fiscale… C’est dans une halle Martenot, bien remplie, de la ville bretonne que le candidat communiste pour le scrutin du 26 mai a présenté mercredi soir les grandes lignes de son programme tout juste sorti de l’imprimerie.
C’est à Rennes que Ian Brossat a entamé mercredi son dernier mois de campagne avant le scrutin européen du 26 mai prochain. Avant de gagner Rouen jeudi, et Clermont-Ferrand vendredi pour une série de meetings que son équipe annonce comme des réussites, c’est devant 800 Bretons que la tête de liste communiste a brossé les grandes lignes de son programme tout juste sorti de l’imprimerie.
Mais, alors que les annonces du président sont attendues pour ce jeudi soir, c’est d’abord à la politique d’Emmanuel Macron que s’est attaqué le candidat. « Ce sont des génies. Depuis des mois les gens disent ‘’on veut que le travail paie’’, et la réponse du gouvernement c’est une journée de travail gratuit », a-t-il lancé, fustigeant « un peu comme dans Koh-Lanta, le totem d’immunité » dont bénéficient les ultra-riches. L’entrée en matière n’est pas si loin du reste du discours : « les enjeux européens et nationaux sont étroitement connectés, ce sont les mêmes politiques libérales menées à Paris, Bruxelles et Strasbourg ».
Dans une halle Martenot rennaise bien remplie – le « signe » d’une dynamique selon les militants du PCF qui soulignent une mobilisation inédite depuis des années -, l’élu de Paris appelle à rompre avec les « deux dogmes » sur lesquels repose « l’Europe de l’argent » : l’austérité incarnée par la règle des 3 % de déficit maximum autorisé par le traité de Maastricht et la concurrence libre et non faussée. Avant lui, une série de candidats se sont succédé sur scène donnant à voir quelques-unes des conséquences de cette « Europe du fric ». « J’ai vécu 15 ans à la rue, je n’ai eu mon premier appartement qu’à 44 ans. Ce dont je m’aperçois, c’est que c’est de pire en pire, il y a de plus en plus de sans abris en Europe », lance Elina Dumont appelant à « remettre de l’humanité au cœur de cette Europe ». Peu avant, ce sont Gilbert Garrel (ancien responsable de la CGT cheminot) et Pascal Gontard (responsable de la fédération CGT port et docks) qui témoignent : ils ont en commun leurs mobilisations contre « les directives de libéralisations » qui se sont attaquées tant aux conditions de travail dans leurs secteurs, le rail et les ports, qu’aux services publics.
Arracher « une autre utilisation de l’argent »
En face, « l’Europe des gens » qu’entend incarner la liste Brossat se décline en 3 priorités, explique le candidat. Avec « d’abord une Europe dans laquelle le travail paie », avance-t-il constatant « qu’au cours des 10 dernières années, le taux de travailleurs pauvres est passé de 7 % à 10 %, quand dans le même temps les richesses produites par ces mêmes travailleurs sont passées de 15 000 milliards d’euros et 17 000 milliards d’euros ». Un « Smic européen à au moins 60 % du salaire moyen » est avancé par le communiste qui trouve étrange que les députés européens « soient tous payés pareil » et qu’on juge impossible de faire de même pour les salariés. La « deuxième rupture », présentée par Ian Brossat mercredi concerne les services publics, constitutifs du modèle inventé par « la France après 45 » et contre le démantèlement desquels il propose « une clause de non-régression sociale ». « Un peuple, un État devrait avoir le droit de dire ‘’nous ne voulons pas de cette directive car elle ne nous apporte pas de progrès’’ », plaide-t-il avant d’enchaîner sur la troisième priorité du programme communiste, arracher « une autre utilisation de l’argent ». Avec deux leviers principaux en la matière : utiliser les fonds de la BCE « notre coffre-fort à tous » pour abonder, plutôt que les banques, notamment « un grand plan de transport par fret » ou à la création d’un « service public dédié la rénovation énergétique » ; combattre l’évasion fiscale et ses « 1000 milliards (qui) partent en fumée chaque année » en « ferm (ant) les frontières aux fraudeurs fiscaux ». Reste qu’à quelques semaines du scrutin, l’abstention s’annonce toujours aussi forte et les intentions de vote pour le PCF peinent à dépasser le seuil des 3 %. Alors le candidat martèle son message : L’élection ne compte pas pour du beurre : « le parlement a beaucoup de pouvoir, s’il rejette une directive elle finit à la poubelle ». Et s’adressant à ses camarades : « Il nous reste un mois, un mois pour convaincre partout autour de nous, un mois pour gagner les voix une à une, un mois pour envoyer la première femme ouvrière au parlement européen depuis 30 ans ».
En meeting à Rennes mercredi, puis à Rouen et à Clermont-Ferrand dans la foulée, la tête de liste communiste pour le scrutin du 26 mai, Ian Brossat, « redonne de l’oxygène » au PCF, affirment ses militants, plus mobilisés que jamais.
Il se passe quelque chose, soufflent les militants du PCF réunis à la halle Martenot, à Rennes, ce mercredi, pour le meeting de Ian Brossat, leur tête de liste aux européennes. « La détermination monte de partout, assure Jeanne, la responsable des jeunes communistes du département, à l’entrée de la salle. On a une belle liste, avec beaucoup d’ouvriers, d’employés. C’est la première élection après la présidentielle. Et puis, avec tout ce qu’on s’est pris dans la tête depuis… » Avec près d’un millier de personnes qui assistent au meeting du jour, est-il annoncé plus tard au micro, la soirée est à la hauteur de leurs espérances.
Depuis le débat du 4 avril sur France 2, où la prestation de Ian Brossat a été saluée au-delà des cercles militants, les communistes assurent qu’il y a eu « un déclic ». « Le climat est très bon et on a d’excellents échos », se réjouit Serge. « Certains nous voient comme des dinosaures, mais d’un autre côté Ian montre une autre image », constate aussi Patrick, qui s’active dans la salle avant que les candidats ne gagnent la tribune. Ici, beaucoup se félicitent de la décision de mettre en selle un candidat communiste qui « redonne des couleurs » au PCF, après les vifs débats stratégiques qui avaient animé la formation, notamment sur le soutien à Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle. « Il y a une nouvelle génération post-chute du Mur qui assume d’être communiste », estime Lucien, un étudiant de 23 ans. Ian Brossat « redonne de l’oxygène à notre force politique », lance encore au micro Cinderella Bernard, une de ses colistières.
La clause de non-régression sociale : « une idée géniale »
Alors les sondages ont beau ne pas être au beau fixe, et demeurer pour l’heure sous le seuil des 5 %, les troupes sont mobilisées et enthousiastes. « On n’a pas d’autre choix qu’une campagne de terrain pour le faire connaître », reprend Serge, alors que le problème de l’apparition dans les médias est régulièrement soulevé par les militants. Reste que la participation s’annonce des plus faibles et que convaincre n’est pas toujours des plus aisés. « Les européennes touchent assez peu les gens, c’est assez compliqué de sensibiliser sur ces enjeux pourtant essentiels », constate Victor, un demandeur d’emploi de 26 ans. Sur scène, pour convaincre justement, la tête de liste déroule son programme, tout juste sorti de l’imprimerie, « Pour l’Europe des gens contre l’Europe de l’argent ». Smic européen à 60 % du salaire moyen (pas sous le seuil de pauvreté comme LaREM), clause de non- régression sociale, plans de transport par le fret ou de rénovation énergétique financés via la BCE, « notre coffre-fort à tous », lutte contre l’évasion fiscale défilent dans son discours (lire le détail sur l’Humanité.fr). Une forme de réponse aussi à Emmanuel Macron. « Les enjeux européens et nationaux sont étroitement connectés, ce sont les mêmes politiques libérales menées à Paris, Bruxelles et Strasbourg », insiste le candidat, qui torpille la politique présidentielle. Dans le public, les punchlines sur l’injustice sociale et fiscale font leur effet. « Quand je vois qu’on arrive à débloquer autant pour un monument (un milliard pour Notre-Dame la semaine dernière – NDLR) et que des gens continuent de crever dans la rue, je suis révoltée », gronde Natacha, une militante qui a fait le déplacement depuis Saint-Malo.
Au dernier rang, Raphaël, lui, est venu « s’informer ». L’étudiant suit Ian Brossat sur Twitter et a entendu parler de son action pour le logement à Paris. La baisse des APL décidée par Macron lui est restée en travers de la gorge : « J’ai des amis qui sont obligés d’aller manger chez d’autres à la fin du mois, il faut arrêter de s’en prendre à ceux qui touchent le moins. » Lui non plus n’est pas encore décidé, mais, après avoir quitté Génération.s et sa liste mi-avril, Sébastien Baguerey s’interroge : « J’ai été très désolé que l’on n’ait pas réussi à faire d’union à gauche, mais je me demande si aujourd’hui Ian Brossat ne tient pas le discours le plus juste. » Et de s’enthousiasmer pour la clause de non- régression sociale, « une idée géniale ». Une ombre demeure toutefois au tableau pour l’ex-socialiste : l’écologie, qui ne serait pas assez mise en avant. « Il nous reste un mois pour gagner les voix une à une, un mois pour envoyer la première femme ouvrière au Parlement européen depuis trente ans », plaide le candidat en fin de discours. Il n’en fallait pas tant à Jeanne : « On va mettre le paquet dans la dernière ligne droite », promet-elle.
Julia Hamlaoui