Hommage à Jean-Marc Nayet.

Il y avait foule hier à l’espace funéraire de Saint Thégonnec pour dire adieu à notre ami Jean-Marc, une foule d’amis et de parents de toute la France, et d’abord du Pas-de-Calais, et une foule d’amis, de copains, de connaissances, de camarades de la région de Morlaix et du Finistère, une fanfare magnifique avec Pierre Chanteau, une balade irlandaise bouleversante chantée par sa petite-fille, et bien sûr les mots poignants de ses petits-enfants et enfants. Ce fut une magnifique cérémonie d’hommage malgré la douleur. Voici les textes que j’y ai lus, quand Daniel Roussel rendait lui aussi un hommage très drôle et aérien à son ami Jean-Marc, comme Philippe Grincourt en reprenant les mots très profonds et sentis de Jean-Marc Nayet sur les racines de son goût pour l’art de la photographie.

Ismaël Dupont

Obsèques de Jean-Marc, 8 février

Hommage lu par Ismaël Dupont –

Les mots d’amitié et de soutien de Fabien Roussel

 

Jean-Marc, notre ami, malgré tout, malgré notre peine, je t’imagine très bien jeter un regard ironique et amusé sur ce moment.

Tu étais à l’affut du cocasse et de l’absurde, histoire d’en rire.

Tu préférais, je crois, la dérision à la sentimentalité.

Tu n’avais pas l’esprit de sérieux, tu aimais ce qui, dans la vie, était la marque du vivant, du créatif, contre le figé, l’abandon émotionnel ou la posture.

Tu étais du côté de la raison de sourire contre l’effusion facile. Du côté du bonheur malgré tout plutôt que de la plainte.

Tu étais un matérialiste généreux. Un homme lucide. La mort n’était sans doute pas un sujet d’étonnement et de scandale pour toi … Comme si nous ne savions pas !!!

Mais tu avais la sagesse d’entreprendre toujours sans y penser trop, sans angoisse, mais en sachant qu’elle était là qui pouvait survenir un jour ou l’autre. « Carpe diem ».

Tu avais la pudeur des sentiments même si au fond tu étais aussi un grand sensible, un écorché vif m’ont dit certains, le survivant surtout, comme Lucienne, ta compagne, d’une entrée dans l’existence par une drôle de porte pourrie.

Résilience…

Orphelin, tu sais que tout est fragile, qu’on ne peut être vraiment protégé de rien, que la vie et les hommes sont durs, orphelin, tes joies et ta soif de vivre sont rendus plus intenses sans doute par la connaissance du précipice à côté de toi et en toi, par le souvenir de la douleur et de la mort.

Tu tisses des liens, tu te récrées des familles avec tes amis, tes compagnons de lutte, les causes au service desquels tu te mets.

Tu disais « je n’aime pas le discours des racines, je ne suis pas un arbre mais un homme, libre »

Car tu craignais les politiques de l’identité, l’assignation communautaire, le racisme et le nationalisme, et étais partisan d’un véritable universalisme faisant la part de nos identités multiples et individuelles, .

Enraciné dans le réel oui, accueillant à ses surprises, son infinie diversité, mais pas enfermé dans les illusions et les prisons de la Terre Patrie.

Ton pays natal, c’était le Pas-de-Calais, le pays ch’ti, minier et ouvrier, un pays à l’identité forte nourrie paradoxalement d’exil, de cosmopolitisme et de « déracinement ».

Tu as aimé être un peu partout chez toi et partout un peu étranger aussi sans doute, être dans l’intensité des rencontres et la découverte de l’autre plutôt que la répétition. A Chevilly-la-Rue, à Champigny-sur-Marne, deux villes communistes de région parisienne, à Locquénolé et dans la région de Morlaix, avec toujours le vaste monde en ligne de mire : le monde et ses fractures, le monde et ses combats pour la liberté, l’égalité, la justice, la Palestine, le Liban, l’Irlande.

Tu t’es beaucoup battu pour le peuple palestinien, son droit à la dignité et à la terre.

Jean-Marc, en onze ans, nous avons appris à nous connaître, à nous apprécier et à nous aimer.

Tu étais très présent, dans nos manifestations, initiatives d’éducation populaire, campagnes électorales, fêtes du 1er mai, la fameuse fête du Viaduc où tu représentais Morlaix-Wavel, et apportais ta touche culturelle, artistique et internationaliste, en exposant souvent tes photos.

Ton arrivée avec Lucienne dans la région de Morlaix nous a apporté beaucoup, comme l’a écrit Alain David le jour de ton décès.

Tu n’étais plus adhérent du PCF, tu l’as été pendant une dizaine d’années de 1968 et 1978 – adhérant au moment de la « Tchéco », encore un pied de nez (!!!) et quittant le PC aussi sans doute en raison d’histoires « professionnelles » et syndicales compliquées sur ton lieu de travail, à Air France

Mais le Parti communiste, Lucienne nous l’a dit, était assurément le seul parti qui comptait pour toi, ta famille politique et idéologique même si tu n’avais pas forcément la fibre militante.

Trop indépendant, rétif aux disciplines et à toute forme de sectarisme, tu préférais rester compagnon de route, tout proche, solidaire et critique. Tu étais partisan du rassemblement de la gauche pour pouvoir exister et peser et tu ne voulais pas que le PCF se dissolve des constructions politiques nouvelles où son originalité et son apport spécifique disparaitraient.

Je me souviens très bien d’un repas avec Pierre Outteryck, historien du Nord, après une conférence sur Martha Desrumaux l’an passé, où vous étiez intarissables tous les deux sur la galaxie coco, dans le Nord et le Pas-de-Calais. Quelle joie aussi ce voyage et ce week-end ensemble en Touraine en mars dernier, avec nos camarades communistes finistériens, et ceux de St Pierre-des-Corps, cette inauguration de la fédé PCF de Tours avec notre nouveau secrétaire national, ton ami, Fabien Roussel. Un moment solaire de franches rigolades!

Tu as été le photographe de nos campagnes électorales, un des piliers assurés de nos comités de soutien, un ami, une aide toujours précieuse et discrète.

Nous aimions ton esprit, ta culture, ton humour, ta créativité et ton sens des bons mots et … plus encore des belles images. J’ai collaboré aussi avec toi et Philippe Grincourt dans un cadre professionnel pour des expositions sur la Grande Guerre et ses traces dans les collèges. Car tu étais aussi un passeur de mémoire, comme Lucienne.

Tu vas nous manquer énormément, Jean-Marc. Au nom des communistes du Finistère, et des communistes de la section du pays de Morlaix, en mon nom personnel, je voudrais dire combien je m’associe à la peine de Lucienne, de vos enfants, de tes amis dont nous sommes.

Je voudrais dire à Lucienne combien sa force morale, son expérience et sa hauteur de vues sont des balises pour nous et un moyen aussi de toujours hisser notre niveau politique pour rester le parti qui tient la gauche debout et maintient le combat historique d’émancipation humaine vivant en France.

Pour rester, ou plutôt redevenir le Parti de l’éducation populaire, de la politisation des dominés et exploités, le parti qui tient tête aux hydres de l’extrême-droite, du racisme et du fascisme, nos ennemis naturels, dont Lucienne a tant souffert, parmi d’autres dans sa jeunesse, et qui ont encore tout récemment empoisonné son existence avec des discours d’incitation à la haine antisémite.

Nous sommes à tes côtés Lucienne, dans cette épreuve et nous serons toujours à tes côtés. Tu peux compter sur nous. Notre parti est bien une grande famille humaniste et solidaire comme tu me l’as écrit hier.

Maintenant, je vais lire à sa demande le très vibrant hommage que notre secrétaire national du PCF, député du Nord, Fabien Roussel, a écrit pour notre et son ami, Jean-Marc Nayet :

Fabien Roussel:

Si pour beaucoup Jean Marc Nayet était un militant du bonheur, il était bien plus pour moi, il était également un membre de ma famille.

Son père a été tué dans le même bombardement que mon arrière grand-père et leurs deux noms figurent sur le même monument aux morts en hommage aux victimes civiles de la seconde guerre mondiale.

Jean Marc, avec mon parrain, mon père et d’autres, tous de Bethune et des environs ont fait les 400 coups ensemble, bons vivants, pêcheurs à la ligne comme devant l’Éternel, militants communistes comme de la CGT. Ils ont manifesté ensemble, écumés ensemble les bals, les discothèques et les étangs du bassin minier du Pas de Calais où j’ai grandi, avec eux comme horizon.

Ils rêvaient ensemble d’un autre monde, plus juste, plus fraternel. Ils ont mené tellement de combats, de campagnes électorales, défendu des salariés, des entreprises.

Vous imaginez dans quel environnement nous, leurs enfants, Flo, Delphine, mon frère et moi et tous les autres, avons grandi !!

A tel point qu’entre nous est né ce même lien de parenté, forgé par des liens d’une amitié de longue durée, exceptionnelle. C’est pourquoi je voudrai aussi associer Olivier, Christelle, Zouzou, Djo et tant d’autres qui pensent à toi, Lucienne et à vous Flo, Delphine, Patrick et Natacha.

Jean Marc était un homme toujours souriant et fier de son indépendance, de sa libre pensée. Cette liberté, il la voulait autant pour lui que pour les autres. Et c’est certainement pour cela qu’il a été de tous les combats pour l’indépendance et le respect de la souveraineté des peuples, comme le peuple palestinien.

Cette liberté il la défendait en partageant sa vie avec Lucienne. Deux caractères bien trempés mais unis par la même aspiration au bonheur de tous. Avec Dorothée, mon épouse, nous étions encore ensemble pour parler de tous nos combats communs lors de ma venue en décembre dans la région pour la fête de l’Huma Bretagne.

Cette liberté, il la défendait aussi  à travers l’objectif de son appareil photo, toujours admiratif devant la beauté de ce monde, de chaque être humain, de chaque regards d’enfants.

Au revoir Jean Marc

Fabien et Dorothée

 

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