L’énergie, un bien commun essentiel qui doit être soustrait au marché et aux logiques de spéculation – Vœu approuvé à l’unanimité par les élus du Conseil Municipal de la ville de Morlaix du 2 mars 2023

Vœu approuvé à l’unanimité par les élus du Conseil Municipal de la ville de Morlaix –

Conseil Municipal du jeudi 2 mars 2023

Rapporteur: Ismaël Dupont

Flambées des coûts de l’énergie: En finir avec la spéculation sur ce bien essentiel qu’est l’énergie. Revenir à des prix régulés et à une maîtrise publique.

Depuis quelques mois, les coûts de l’énergie explosent, mettant en grande difficulté les particuliers, les entreprises, mais aussi les collectivités.

Pour certains ménages, la situation est déjà dramatique: les deux tiers des ménages en électrique sont en tarif réglementé et un quart seulement des ménages pour le gaz. Cela veut dire que nombre de familles subissent, comme les entreprises, la folie du marché, et ce d’autant plus que les commerciaux des énergéticiens ont pour tradition d’aller démarcher des publics vulnérables aux revenus modestes, souvent des personnes âgées. Et pensons au fait que le tarif réglementé du gaz s’arrête cet été…

Nous sommes aussi inquiets des difficultés des artisans, choqués par les fermetures de boulangeries ou d’industries, dues à l’augmentation brutale du coût de l’énergie.

Or, il nous semble que le gouvernement refuse jusqu’ici de s’attaquer aux causes réelles du problème.

 
Les « chèques énergie » pour les particuliers ne sont pas demandés par tous ceux qui y auraient droit et sont financés par nos impôts, et donc par les usagers eux-mêmes, sans toucher aux super-profits des distributeurs d’énergie. Les dotations compensatoires aux collectivités confrontées à des fortes hausses des prix du gaz et de l’électricité ont des critères d’octroi peu lisibles, complexes et limitatifs, qui les rendent restrictives et très difficiles à prévoir sur leur existence à venir et sur leur montant. Dans le meilleur des cas, elles ne financeront qu’une partie des surcoûts de prix de l’énergie pour les collectivités qui en bénéficient.

Des solutions d’économies de consommation, de productions plus autonomes, plus durables et écologiques, des plans de sobriété, sont bien sûr à construire et inventer, mais il restera toujours des besoins à satisfaire mobilisant des consommations d’énergie importantes pour les communes et collectivités territoriales dans leur ensemble.

La conséquence, c’est qu’en ce moment même, les communes et l’ensemble des collectivités territoriales construisent leurs budgets 2023 dans un contexte très éprouvant. A la baisse réelle des dotations de l’État, non réévaluées à la hauteur de l’inflation, s’ajoute des factures énergétiques, souvent non prévisibles, qui plombent littéralement les finances, affectant les taux d’épargne et les capacités d’investissement.

Déjà mises à mal précédemment par des années de baisses de dotations d’état aux effets cumulatifs affectant durablement le montant annuel de la DGF, et aussi dès la deuxième partie de l’année 2022 par le poids inédit de l’inflation sur les coûts des denrées et des travaux, les collectivités sont exposées à des renoncements d’investissements, à l’abandon de certains projets ou à des augmentations d’impôts. Collectivités en proximité avec les citoyens et leurs besoins, engagées au service de la vie quotidienne des habitants, elles essayent néanmoins de maintenir la qualité des services publics rendus aux citoyens dans un contexte de plus en plus compliqué et tendu. 

L’envolée actuelle des prix du gaz et de l’électricité montre à quel point il est important que notre pays retrouve sa souveraineté sur la fixation des prix de l’énergie. Ce ne sont pas les coûts de production de transport et de distribution, restés stables, qui entraînent la flambée des prix, mais bien le fait que l’énergie, tombé dans l’escarcelle du marché, est devenu matière à enrichissement des actionnaires et à spéculation.

Alors que 13 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique dans notre pays, il est aujourd’hui primordial de revenir à des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité qui reflètent les coûts réels de production et de distribution. Il faut en finir avec l’Arenh et d’abolir la loi Nome.

En effet, comment est-on passé, en 25 ans, d’une situation d’autosuffisance de production d’électricité et de contrat de gaz de longue durée stabilisés, à la situation énergétique d’aujourd’hui? Les directives européennes de l’énergie ont organisé, depuis le début des années 2000, la libéralisation-privatisation du secteur. Cela a généré en France, en 2004, la transformation d’EDF en société anonyme avec l’ouverture de son capital en 2005. Depuis le 1er juillet 2007, le marché de l’électricité a été ouvert à la concurrence pour les particuliers. En 2010, c’est la la loi NOME (Organisation du Marché de l’Électricité) avec l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique). Ce système fait obligation à EDF de revendre un quart de sa production nucléaire à ses concurrents à un tarif très bas leur permettant de faire des profits: ainsi le prix de revente de l’électricité d’EDF est de 42 euros à 46 euros le Mwh alors que la cour des Comptes estime que le coût de revient se situe entre 50€ et 55€. 

Le bilan de ces opérations se fait sentir aujourd’hui. La guerre en Ukraine n’est que le révélateur des conséquences d’un système qui fait désormais la part belle à la finance et à la spéculation au détriment des besoins sociaux.

Aujourd’hui, avec le prix de l’énergie fixé par le marché, des opérateurs peuvent revendre l’électricité nucléaire jusqu’à 500€ le Mwh dans le cadre de l’Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique).  Actuellement, par exemple, Total Énergies revend son électricité d’origine nucléaire achetée à prix réduit à EDF dans le cadre de l’Arenh entre 180 et 500 euros, en fonction de la fluctuation des marchés. Avant la loi NOME et l’ouverture du marché au particulier le prix du KWh des Tarifs régulés de vente (TRV) reflétait le coût de production du transport et de la distribution ajoutés à l’amortissement des moyens de production. C’était l’État qui fixait les prix sur proposition d’EDF. Les taxes étaient composées de la TVA et de la TLE (taxe locale de l’électricité versée aux communes).

Il faudrait retrouver un tarif régulé de l’énergie pour les particuliers, les entreprises, les collectivités.

Il en est tout autrement quand le gouvernement promet aux PME, aux petits commerçants de bloquer les tarifs qui leur seront appliqués à 280 € le Mwh alors que les opérateurs alternatifs achètent 70% de leur électricité 42 € le Mwh. Autre aberration: le prix de l’électricité est fixé sur le prix du dernier Mwh produit, très souvent avec du gaz, donc indexé sur son cours aujourd’hui au plus haut, du fait de la guerre en Ukraine, alors qu’en France l’électricité est produite essentiellement avec du nucléaire et de l’hydraulique.

Dans le secteur de l’énergie, la mise en concurrence et les privatisations ont déstructuré un champ d’activité d’intérêt stratégique et public et n’ont pas conduit à une révision à la baisse des prix pour les usagers, bien au contraire.

Nous pensons que les collectivités auraient tout à gagner au retour à une maîtrise publique de l’énergie, de l’électricité et du gaz, avec deux EPIC EDF et GDF 100% publics, permettant aux collectivités locales, aux entreprises, aux usagers d’accéder à des tarifs régulés de vente calculés sur les coûts de production de transport et de distribution.

L’énergie est un bien vital dont chaque être humain a besoin pour se nourrir, se chauffer, se déplacer ou se soigner il ne peut être confié aux marchés financiers.

Les élus de la ville de Morlaix souhaitent interpeller l’État sur le besoin de se doter à nouveau d’outils de production, de souveraineté et de contrôle dans le domaine de l’alimentation en énergie et en électricité, qui permettent de contenir les prix et de les stabiliser, aussi bien pour tous les usagers, particuliers, entreprises, collectivités.  

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :