Déjà 13,859 signataires.
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission
spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Alain BRUNEEL, Huguette BELLO, Marie-George BUFFET, Moetai BROTHERSON, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Manuéla KÉCLARD-MONDÉSIR, Jean-Paul LECOQ, Jean-Philippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Gabriel SERVILLE, Hubert WULFRANC,
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le grand débat national conçu par le Gouvernement avait délibérément écarté la santé des quatre thèmes mis en discussion. Sans surprise, les citoyens ont néanmoins placé la santé, et ses difficultés d’accès, en tête de leurs préoccupations. Et pour cause, la santé préoccupe les Français au premier chef tant il y a à dire en termes d’inégalités et d’accès aux soins.
Partout, en France métropolitaine ou dans les départements et territoires d’outre-mer, les mouvements sociaux hospitaliers se multiplient.
En 2017, plus de 1 700 mouvements de grève ont été recensés par les organisations syndicales pour sauver spécifiquement une structure hospitalière, un service ou encore pour s’opposer à des réductions de personnels.
Les fermetures de maternités se multiplient ces derniers temps, comme celles des services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR), de services d’urgences, de cardiologie ou encore de chirurgie…
Si les conséquences pour les personnels et les usagers et les territoires sont dramatiques territorialement parlant, il faut également visualiser ces fermetures sur le territoire national.
En effet, bien que ce phénomène ne soit pas spécifiquement nouveau, son ampleur et ses conséquences pour le maillage sanitaire territorial national rendent nécessaire une action urgente du législateur.
Notre système de santé est malade des politiques d’austérité
Sous l’effet des coupes budgétaires et d’un mode de financement inadapté, le déficit de l’hôpital public a atteint fin 2017 un triste et inquiétant record de 835 millions d’euros selon les chiffres de la Cour des comptes. Il s’agit quasiment du double de l’année précédente, où il était déjà de 470 millions d’euros. En cause, un manque d’investissement financier qui étrangle les établissements. Depuis dix ans, ce sont plus de 7 milliards d’euros de restrictions budgétaires effectuées sur le dos des hôpitaux.
Malgré la promesse du Président de la République de ne pas réaliser d’économies sur l’hôpital durant son quinquennat, les deux premiers budgets de son Gouvernement ont été synonymes d’asphyxie pour les hôpitaux puisqu’il leur a été demandé 960 millions d’économies sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2018, et 910 millions sur le PLFSS 2019.
L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est lui aussi victime d’asphyxie et ne correspond pas à la réalité des dépenses de soins des Français. Alors que pour faire face au vieillissement de la population et à l’augmentation des pathologies chroniques, L’ONDAM voté par le PLFSS 2019 était seulement de 2,5 % alors que les dépenses naturelles étaient évaluées à 4,5 % pour 2019.
Par leurs choix budgétaires, les gouvernements successifs ont acté la fermeture de lits, de services, d’hôpitaux et de maternités. Ils ont œuvré à regrouper des SMUR, vendre des biens fonciers et immobiliers, avancer vers plus de partenariats publics privés, externaliser des services comme les restaurations ou les blanchisseries…
L’ensemble de ces restructurations sont essentiellement guidées par des raisons purement comptables, tout en mettant en avant l’obligation de mutualisation et de sécurité dans un contexte de crise financière organisée au travers des fameux groupements hospitaliers de territoires (GHT).
Cette réalité, les parlementaires communistes y ont été confrontés au travers de leur tour de France des hôpitaux et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Plus de 125 visites d’établissements, et des milliers de personnes rencontrées, dénonçant de manière unanime la crise dans laquelle se trouve le système de santé.
Alors que la logique financière sévit dans des lieux où l’humain devrait être la règle d’or, les auteurs affirment que la santé ne devrait pas être considérée comme une dépense.
Des constats alarmants sur la prise en charge en EHPAD
Le vieillissement de la population française est une réalité incontournable. 5 millions de Français auront plus de 85 ans en 2050 contre 1,5 million aujourd’hui. En parallèle les situations de perte d’autonomie se multiplient : 1,2 million de nos aînés ans se trouvent aujourd’hui en situation de dépendance. Ce chiffre risque de tripler d’ici 2060.
Les récentes mobilisations et évènements tragiques dans les EHPAD ont jeté la lumière sur l’insuffisance des prises en charge de la perte d’autonomie par la puissance publique.
La situation financière des EHPAD est profondément dégradée et nombre d’entre eux sont au bord de la rupture, c’est-à-dire de l’impossibilité d’exercer. À cette insuffisance des moyens financiers, s’ajoutent un manque criant de personnels et des difficultés de recrutement.
Les fractures territoriales dans l’accès aux soins ne cessent de s’accentuer dans notre pays, et viennent irrémédiablement aggraver cette situation. Le manque de présence de structures médicalisées pour les personnes âgées comme pour les personnes handicapées dans les territoires renforce les inégalités.
Les difficultés du secteur psychiatrique
« La psychiatrie ne sera plus le parent pauvre , j’en fais une priorité de santé », avait promis la ministre de la santé, Mme Agnès Buzyn, le 26 janvier 2018, annonçant vouloir donner davantage de moyens financiers.
Entre 1976 et 2016, le nombre de lits de psychiatrie générale a diminué de 60 % selon l’inspection générale des affaires sociales, alors que les patients à accueillir sont toujours plus nombreux, et que les effectifs manquent cruellement.
Une baisse drastique du nombre de lits d’hospitalisation
Entre 2000 et 2015, « le nombre de lits d’hôpitaux en France a diminué de 15 % », écrit l’OCDE dans une étude réalisée avec la Commission européenne, publiée le 23 novembre 2017.
Dans son panorama 2017 sur les établissements de santé, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS) fait état de la suppression de 60 000 lits d’hospitalisation à temps complet en douze ans, toutes disciplines et tous secteurs confondus. La DRESS dénonce même que « la fermeture de ces lits s’est effectuée à un rythme assez régulier ».
Selon la CGT, c’est 100 000 lits d’hospitalisation qui auraient été fermés en vingt ans.
Les conséquences concrètes se mesurent alors tant sur la qualité d’accueil des patients que sur les conditions de travail des personnels qui se dégradent.
Les économies demandées aux hôpitaux vont forcément de pair avec les réductions de lits.
Les urgences sont devenues le miroir grossissant de la crise du monde hospitalier
Il existe inévitablement un lien entre la diminution du nombre de lits couplé à la défaillance de la médecine de ville et l’impressionnante augmentation des passages aux urgences. Médecins, chef-fe-s de services, infirmier-e-s, aides soignant-e-s, tous dénoncent en effet des urgences saturées et au bord de l’explosion.
Le manque de lits dits « d’aval » pour les patients devant être hospitalisés à la sortie des urgences oblige les médecins à passer un temps trop conséquent pour trouver des places dans différents services, ou encore, dans d’autres hôpitaux. Un afflux de patients qui ne peut être absorbé faute de lits d’hospitalisation d’aval. Le schéma est celui d’un cercle vicieux : la suppression de lits d’aval entraînant plus de passages aux urgences et créant ainsi un engorgement.
Alors que nous comptions 5 millions de passages aux urgences en 2000, il y a eu 21 millions de passages en 2017.
Pour illustrer ce manque de lits, le syndicat Samu-urgences a lancé un « no bed challenge » afin de recenser quotidiennement le nombre de patients forcés de passer la nuit sur un brancard. Au premier semestre 2017, plus de 36 000 patients avaient passé la nuit sur un brancard faute de lits d’hospitalisation, chiffre recueilli auprès des 150 services d’urgences participants.
Ces conditions de prises en charge dans les services d’urgence posent également la question de la sécurité des patients.
Deux tiers des maternités ont fermé en 40 ans
Les fermetures de maternités se multiplient : Oléron-Sainte-Marie, Die, Brive, Saint-Claude, ou plus récemment celles du Blanc, de Bernay ou encore de Creil.
Alors que le nombre de naissances restent relativement stables (autour de 800 000), les maternités ont vu leur nombre baisser drastiquement, passant de 1 369 en 1975, à 814 en 1996 pour arriver à 498 maternités en 2016. Il est à noter la division par 2 en vingt ans.
En 2019, 167 000 femmes en âge d’accoucher doivent faire un trajet de 45 minutes au moins pour consulter une sage-femme ou se rendre à la maternité la plus proche.
Dans un département rural comme le lot, en 2018 c’est dix-sept accouchements qui ont eu lieu sur le bord de la route en raison de la fermeture des maternités de proximité.
La nécessité d’un moratoire sur les fermetures d’établissements et de services
Nos collègues sénatrices et sénateurs communistes avaient déposé une proposition de loi exigeant un moratoire sur les fermetures de services, d’établissements ou leur regroupement en 2014. À l’époque la ministre de la santé Mme Marisol Touraine avait répondu que « nous ne conduisons pas, comme nos prédécesseurs, une politique de fermeture des hôpitaux. » Force est de constater que depuis 2014, les fermetures se sont poursuivies malgré les engagements des ministres successifs, passant de 3 111 établissements de santé en 2014 à 3 065 établissements de santé en 2016, en France. Il est à noter que rien que pour les établissements du secteur public, sur la même période, quarante établissements ont fermé définitivement leurs portes.
La tendance à la suppression des lits, des services et des établissements s’est poursuivie dans une logique de concentration et de mutualisation des équipements et des ressources humaines autour de pôle d’excellence au sein des GHT. L’argument, déjà utilisé à l’époque, consiste à mettre en avant le non-respect des établissements des règles de sécurité, pour argumenter et faire accepter les fermetures de structures hospitalières de proximité.
Les GHT assèchent l’offre publique des soins de proximité. La mise en place de ces GHT conduit à concentrer l’activité hospitalière dans les grosses structures et fermer les hôpitaux de proximité, ce qu’a constaté la commission d’enquête sur l’égal accès aux soins en 2018. De plus, toujours en 2018, le rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie signale qu’aucune évaluation n’a été faite depuis en dépit de nombreux dysfonctionnement importants dans ces GHT.
Les parlementaires communistes n’ont cessé d’alerter le Gouvernement sur l’ampleur de la crise du système de santé. Il ne s’agit pas de répondre à celle-ci par un énième plan santé ou en prônant le virage ambulatoire ou encore en vantant les mérites de la e-santé. En janvier 2018, lors d’une semaine de contrôle de l’Assemblée nationale, le député Alain Bruneel interpellait déjà la ministre de la santé à ce sujet : « Les restructurations et les concentrations sauvages voient des GHT mastodontes côtoyer les déserts médicaux. Les salariés sont épuisés, le nombre de suicides explose. Les plans d’économies continuent alors qu’il manque déjà cruellement de personnels, de lits et de matériels. Cela met en danger les soignants comme les patients. »
Depuis, rien n’a changé et tous les voyants demeurent au rouge. Pire, la fermeture des hôpitaux de proximité freine l’installation de médecins généralistes dans certaines zones, craignant de s’installer dans des « déserts médicaux ». L’horizon est donc à la mise en place d’une médecine à deux vitesses au détriment des territoires oubliés et où la proximité serait la victime collatérale des géants hospitaliers.
Selon les auteurs, il n’est pas possible de laisser les agences régionales de santé (ARS) décider seules du futur paysage du service public hospitalier. Celles-ci, faute d’une réelle démocratie sanitaire où seraient pleinement associés les usagers, les personnels et les élus, semblent avoir fait primer l’objectif de réduction des dépenses publiques sur l’objectif prioritaire : la satisfaction des besoins en santé des populations par la garantie d’accès aux soins – y compris hospitaliers, dans des délais, aux tarifs opposables et à une distance raisonnable.
Il y a dix ans déjà, selon un sondage réalisé par l’institut Ipsos, 17 % de nos concitoyens déclaraient avoir renoncé aux soins « pour des raisons d’éloignement géographique ». Avec la multiplication de fermetures de services, d’hôpitaux et de maternités de proximité, la situation n’a pu que se dégrader au point qu’aujourd’hui, c’est tout le maillage sanitaire de notre pays qui est remis en cause et par voie de conséquence, l’accès de toutes et tous aux soins.
Ces derniers mois, les mobilisations contre les réorganisations, fermetures de services ou réduction de personnel se sont succédé sur tout le territoire national.
Pour les auteurs, la situation actuelle s’apparente à une véritable hémorragie sanitaire. Il faut mettre fin aux fermetures d’établissements de santé, de lits ou de services, jusqu’à ce qu’une offre de santé au moins équivalente, pratiquant le tiers payant et les tarifs opposables soit garantie aux populations concernées.
Stopper les restructurations à marche forcée permettrait également de repenser dans la sérénité la place de l’hôpital public dans un territoire à dimension humaine. Il serait l’occasion de prendre le temps d’une élaboration démocratique de l’évaluation des besoins et des projets médicaux en lien avec les organisations syndicales des personnels, les élus, les associations d’usagers.
La population, sur l’ensemble du territoire français, dans sa diversité, doit pouvoir avoir accès à un hôpital public et une maternité de proximité, dans la continuité de soins et de prestations, intégrant une offre publique ambulatoire avec des équipes en nombre suffisant et bien formées et rémunérées.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
À compter de la promulgation de la loi n° du tendant à instaurer un moratoire sur les fermetures de services, de lits ou d’établissements de santé, et jusqu’à ce qu’une offre de santé au moins équivalente, pratiquant le tiers payant et les tarifs opposables soit garantie à la population concernée, plus aucun établissement public de santé ne peut être fermé ou se voir retirer son autorisation, sans l’avis favorable du conseil de surveillance de l’établissement et des conseils territoriaux de santé .
La commission médicale d’établissement et le comité technique d’établissement sont également consultés. Leur avis est joint à ceux prononcés par le conseil de surveillance de l’établissement et la conférence de santé du territoire et adressé au directeur de l’agence régionale de santé qui en tire toutes conséquences utiles.
Article 2
Les dispositions mentionnées à l’article précédent ne sont pas applicables aux établissements publics de santé qui présentent un risque grave et imminent pour la santé et la sécurité des personnels, de ses usagers ou des personnes présentes à d’autres titres dans l’établissement.
Un décret en conseil d’État précise les conditions dans lesquelles le directeur de l’agence régionale de santé fait application du premier alinéa, ainsi que les voies de recours devant l’autorité administrative.
Article 3
La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.